Avec Sur-Prise, monologue librement inspiré de la vie et de la mort de Marilyn Monroe, Amine Adjina met en scène une Norma Jean qui a joué au démiurge avec elle-même en façonnant son personnage de blonde, celle qui osera, pour devenir l’ange blanc de Hollywood.
Du statut de star, le concept Marilyn Monroe a atteint celui de mythe, un jeu dangereux qui la rend prisonnière de son double, un masque qui lui colle à la peau et qui finira par la tuer.
Émilie Prévosteau campe avec assurance et sensibilité une Marilyn palpitante et d’une lumineuse candeur, rattrapée par ses fêlures, dans un processus d’offrande qui la conduit au bord du gouffre, victime de ses démons et brûlée par le jeu du désir qu’elle a provoqué.
Il ne s’agit pas d’un spectacle hommage à Marilyn Monroe.
Il ne s’agit pas d’un spectacle biographique.
Tout ici est réel ou inventé.
Marilyn Monroe est un concept.
Il a été inventé, fabriqué, modelé par Norma Jean Baker pour rendre possible le rêve plutôt banal de devenir une star Hollywoodienne.
La banalité réserve parfois ses surprises.
Du statut de star, le concept Marilyn Monroe a atteint celui de mythe.
Si comme nous le dit Barthes, le mythe est un langage : quel langage nous a laissé celle qui s’est éteinte à l’âge de 36 ans ?
De toute évidence, la nature du langage de celle que l’on compare à un mythe moderne est composée d’images. En effet, il n’y a que peu d’interviews, peu de choses écrites par elle en comparaison avec le nombre de clichés que nous a laissé cette femme qui aimait tant se faire photographier. La photo agissant parfois comme un remède thérapeutique.
Ces milliers de photos constituent autant de vocables pour découvrir un langage nous permettant de nous approcher du mythe.
L’importance du mythe réside dans sa capacité à nous fasciner sans relâche, à produire du questionnement au fil du temps. C’est pourquoi, il m’est apparu nécessaire de réinterroger ce mythe moderne sous un angle spécifique : celui de l’acteur.
Acteur, non point seulement comme état d’être mais comme quête identitaire.
Trouver son identité d’acteur.
En marchant dans les pas de Marilyn Monroe, l’actrice interroge sa propre identité face au monde, afin de provoquer la même interrogation dans le public. Pour cela, j’ai choisi un ressort frontal dans l’écriture ainsi que dans le travail au plateau.
Marilyn Monroe est un concept. C’est pourquoi je n’ai pas choisi de travailler sur la ressemblance physique avec la vraie. Ce n’est pas cela qui m’intéresse mais plutôt comment l’idée de concept s’universalise pour permettre à chacun de s’en emparer.
Dans le texte, il est écrit :
Il suffit de le dire
Je suis Marilyn Monroe
Cette formule n’est pas seulement un idiome imaginatif mais plus encore l’affirmation d’un choix, d’un désir d’être.
Toutes ces fausses blondes dans nos sociétés ne font-elles pas un choix quant à la question du regard ?
Regard de soi sur soi. Regard de l’autre sur soi et tout ce que cela implique de projection.
Dans son poème écrit après la mort de Marilyn, Pasolini pose cette question :
« Est-ce possible que Marilyn, la petite Marilyn nous ait montré la route ? »
Il est ici question du chemin laissé par celle qui bouscula les frontières :
- de la nudité au cinéma
- entre l’actrice objet et l’actrice intellectuelle
- entre la femme au foyer et la femme indépendante comme vision moderne
- entre l’actrice manipulée et sous-payée et la femme d’affaires
- entre la star hollywoodienne et l’élève de l’Actor’s Studio à New York
Par le désir d'être aimé, Marilyn témoigne ici que c'est par l'exposition que l'acteur peut se trouver et prétendre à cette part d'amour de l'autre.
C'est dans la capacité à s'exposer devant l'autre que quelque chose de l'humain s'entrevoit.
L'acteur (pour ne pas dire l'homme) est pleinement confronté à cette problématique.
Le désir d'être autre est un moyen d'y arriver.
Le Je suis Marilyn est un moyen pour l'atteindre…
Amine Adjina
Elle : Je ne suis pas folle c’est comme si ou je ne sais pas comment être là être arrivée là non je ne suis pas folle erreur ils ont fait erreur ou moi moi c’est moi qui ai fait erreur j’ai cru en cette femme cette femme qui m’écoutait qui parlait parfois mais peu qui écoutait ma psy cette femme ma psy et voilà on devient folle on parle et on devient folle il faut leur dire je ne suis pas folle Joe viens là viens me sortir de là tu auras mon amour et mon corps et tu pourras cogner Joe si tu veux ou si je suis méchante ou impudique je sais ça m’arrive d’être méchante mais je ne suis pas folle pas vrai Joe tu le sais toi et les autres aussi mais ils font semblant de ne pas entendre de ne pas voir de ne pas comprendre non ce n’est rien l’alcool ce n’est rien le nembutal ce n’est rien barbiturique rien le sexe ce n’est rien rien rien rien tout cela ce n’est rien et tout et encore tout ce n’est rien je ne suis rien mais ce rien c’est quand même quelque chose il faut le dire parce que c’est vrai c’est vrai que ce rien c’est quand même quelque chose et pas fou ce quelque chose non non non je ne serai pas comme ma mère ni comme ma grand-mère non je ne crois pas aux familles maudites qu’on ne me parle pas de malédiction c’est bon pour les mythes
3, rue des Déchargeurs 75001 Paris