Thomas B.

Paris 18e
du 11 avril au 20 mai 2000

Thomas B.

CLASSIQUE Terminé

J’ai écrit cette pièce il y 15 ans. C’était à l’origine un écrit privé destiné à m’entraîner à taper à la machine à écrire. Peut-être ai-je écrit ce monologue pour me libérer de l’emprise de Thomas Bernhard dont je venais de créer en France " La Force de l’habitude "

A propos de Thomas B. par Jacques Kraemer
Thomas Bernhard
Lors de la création de la pièce en 87/88
Extraits du Dossier de Presse de la Reprise par Jacques Kraemer

A propos de Thomas B. par Jacques Kraemer

J’ai écrit cette pièce il y 15 ans. C’était à l’origine un écrit privé destiné à m’entraîner à taper à la machine à écrire. Peut-être ai-je écrit ce monologue pour me libérer de l’emprise de Thomas Bernhard dont je venais de créer en France " La Force de l’habitude ". Pas un instant il ne m’était venu à l’idée de faire lire ce texte ; à plus forte raison, il n’était pas question dans mon esprit ni de le faire éditer, ni de le jouer. (…)

Je m’apprêtais à commencer à répéter avec Denis Manuel (cet excellent acteur et ami malheureusement disparu en 1993) " La Contrebasse ", monologue de Patrick Süsskind, pour lequel à notre grande surprise et contre toute attente, celui-ci nous refusa les droits.

Il nous fallait donc un projet de remplacement. A tout hasard, je fis lire à Denis Manuel mon monologue " Thomas B. " et fus surpris quand il me déclara être très convaincu par ce texte et tout à fait décidé à le jouer. Nous l’avons alors mis en répétition en septembre 1986 sans savoir ni où ni quand nous le jouerions. Cela aurait pu en rester là, quand une opportunité de le créer au théâtre Renaud-Barrault s’est présentée en mars 87. L’accueil du public et de la presse a été suffisamment favorable pour que ce spectacle, très léger dans sa mise en œuvre, soit joué pour de nombreuses représentations à Paris, dans plusieurs régions et en Algérie.

J’ai repris le rôles quelques années plus tard après la disparition de Denis Manuel, dans le grenier du Théâtre de Chartres dont j’avais été nommé directeur. Je l’ai joué 55 fois pour des tous petits groupes de spectateurs. Et depuis, à l’invitation de plusieurs théâtres, je l’ai repris régulièrement, récemment à Boulogne-sur-Mer, Montpellier et Metz.

Mon désir de prolonger cette expérience vient du plaisir que je prends à jouer cette pièce et du sentiment que ce plaisir est partagé par le public.(…) Il s’agit d’un écrivain autrichien nommé Thomas B. qui connaît depuis plus de trois ans une panne d’écriture. On le voit décidé à se remettre à écrire, mais incapable de concrétiser son projet. Tout lui sert de diversion : ses considérations sur le papier, sa machine à écrire, sa femme de ménage, l’Autriche, Peter Handke, Samuel Beckett…

En fin de compte, il se suicide en avalant de fortes doses de tranquilisants, et ce passage à l’acte le relance dans l’écriture : il va écrire en direct le récit de sa mort.

Dans mon esprit, cet " à la manière de… "  est un hommage admiratif et amical à un auteur que j’aime beaucoup. D’ailleurs je n’en ai pas " fini " avec Thomas Bernhard puisque je vais mettre en scène la saison prochaine une de ses très belles pièces " Une fête pour Boris ".

J’ai l’impression que j’ai pu écrire librement, en étant complètement moi-même, sous le masque avoué de Bernhard, comme j’avais déjà pu le faire dans le passé sous le masque de Kafka ou de Diderot.

Le jeu auquel je me suis livré est en quelque sorte bernhardien si l’on pense à Minetti où Bernhard donne à son personnage le nom d’un acteur allemand célèbre avec lequel il prend toute liberté. Dans cet esprit, j’ai emprunté très librement dans la biographie et l’œuvre de ce grand auteur pour constituer un personnage qui tient également beaucoup de moi. A l’arrivée, il ne s’agit ni de Thomas Bernhard, ni de moi, mais d’un personnage nommé Thomas B. dans lequel nombre d’écrivains pourraient se reconnaître.

Le personnage et son propos sont volontairement négatifs, noirs sur toute la ligne. Mais j’espère que le pessimisme et le désespoir sont contredits fortement par l’humour d’une part, et d’autre part, comme chez Thomas Bernhard au demeurant, par ce que l’on pourrait appeler la jubilation imprécatrice. Cette jubilation à écrire des invectives, puis pour l’acteur à les proférer est une forme croustillante de plaisir ludique. On répète sur tous les tons " Nous haïssons la vie ", mais le plaisir que l’on prend à le dire et à le redire est une forme de joie de vivre qui vient, au moins en partie, démentir le message explicite.

Peut-être est-ce une façon de dire que pour moi, sans le théâtre et le jeu, la vie ne vaudrait guère d’être vécue.

Jacques Kraemer

Thomas Bernhard

Ecrivain et dramaturge autrichien. Une enfance sans père mais marquée par un grand-père écrivain. La maladie, une pleurésie qui devient tuberculose par contagion dans la maison de repos, fut l’épreuve capitale d’une jeunesse marquée aussi par la musique.

Il sortira diplômé du Mozarteum de Salzbourg avec une dissertation sur Brecht et Artaud. D’Artaud, il affectionne une phrase : " la race des prophètes s’est éteinte ". Bernhard prouve que la race des râleurs ne l’est pas. Toute sa biographie tiendrait dans ses rapports difficiles avec l’Autriche, dans la difficulté d’être autrichien. Dès 1955, un article dénigrant le théâtre de Salzbourg lui vaut un procés ; en 1989, il meurt en plein dans le scandale de sa dernière pièce Heldenplatz, du nom de la place (littéralement : la place des Héros !) où 250 000 viennois firent une ovation à Hitler au lendemain de l’Anschluss. Il écrivit dans une de ses dernières Dramolettes : " la plus formidable comédie de tous les temps, c’est l’Autriche " ; l’Autriche est le plus grand théâtre du monde ; c’est le théâtre même. Pour ce Timon d’Autriche, le théâtre sera l’instrument pour dénoncer la comédie et le mensonge du monde ; que le théâtre montre que le monde (l’Autriche) est une scène. Et les hommes des marionnettes : un de ses premiers textes pour le théâtre, écrit vers 1956 mais publié en 1970, avait pour titre : La montagne, spectacle pour marionnettes sous forme d’êtres humains ou d’êtres humains sous forme de marionnettes. Dès Une fête pour Boris (1970) et surtout l’ignorant et le fou (1972), Bernhard montre son goût pour les personnages les moins " naturels " : estropiés, gnomes, alcooliques, artistes, fous, philosophes, philosophes fous, ce qui fait que des êtres humains sont devenus des créatures parfaitement " artistiques ", c’est à dire artificielles. " Les acteurs ne sont pas ici des êtres humains/des marionnettes. Ici tout bouge contre la nature ". Le théâtre de Bernhard déploie sa critique sur deux registres différents. D’abord la politique, avec ces estropiés qui nous gouvernent : La Société de chasse (1974), le Président (1975), les Célèbres (1976), le Déjeuner allemand (dix lignes contre les mentalités nazies !) et Avant la retraite (1979), texte sur l’irrésistible théâtralité du nazisme dans lequel un respectable président de tribunal de République fédérale d’Allemagne, ci-devant officier SS, revêt son uniforme pour fêter avec ses sœurs l’anniversaire de Himmler. C’est la théâtralité du fascisme version Bernhard et qui mène à une assez simple constatation : " Tous nazis ! ".

L’autre registre est celui du théâtre lui-même ; Bernhard entretient une relation de fascination-répulsion pour le théâtre, pour ceux qui l’écrivent :l’auteur dramatique de Au but (1981) ; qui le font : le Faiseur de théâtre (1984) ; fasciné par les portraits d’acteurs en vieux cabotins, figures obsédantes de vieux acteurs shakespeariens : Les apparences sont trompeuses (1983) ; Simplement compliqué (1986), tous nostalgiques d'un grand théâtre perdu, théâtre adoré et haï, Minetti (1976), acteurs sans théâtre, entre imprécation et désespoir. Au " Tous nazis ! " précédent correspond maintenant un " Tous cabots ! ". Et l’égalitarisme règne dans le cabotinage : un artiste shakespearien égale un artiste de cirque, un vrai philosophe un philosophe fou (Emmanuel Kant), le faux Wittgenstein du Déjeuner chez Wittgenstein (1984) vaut bien son oncle. Le cabotinage est la forme que prend, chez Thomas Bernhard , la haine du théâtre qui est indispensable et répugnant, un tas de fumier, comme toute la culture. Les pauvres marionnettes de la Force de l’habitude (Die Macht der Gewohnheit, 1974) le disent à leur manière : " Nous haïssons la quintette la Truite mais il faut la jouer ".

J.F. Peyret
Dictionnaire du Théâtre de Michel Corvin
Editions Bordas

Lors de la création de la pièce en 87/88

Télérama
On sourit - on rit – sans cesser d’avoir la gorge nouée. Et, comme Thomas B. on se laisse avec volupté griser de ces mots qui nous enchantent, nous torturent et nous tuent. Claude Marie Trémois

L’Evènement
Jacques Kraemer a le goût de la mystification. Cette fois-ci ce n’est pas à un écrivain mort qu’il en a, mais à un vivant, l’Autrichien Thomas Bernhard, géant de la littérature contemporaine… Jacques Kraemer emporte la conviction… Brigitte Salino

Le Nouvel Observateur
Seul en sène à sa table, un grand écrivain : Thomas B. On évoque des choses très importantes, comme la qualité du papier ou la couleur de l’encre, et des choses futiles, comme l’impossibilité d’écrire, la mort… Nita Rousseau

Révolution
Un texte noir comme une immense phrase en spirale qui fouaille, de disgression en disgression, les échecs, les rancoeurs et les ressassements obsessionnels de l’écriture déserté. Cette mise à distance du vertige provoque pourtant le rire. Sylviane Gresh

L’Humanité
On soupçonne Kraemer d’avoir beaucoup de lui-même dans cet autoportrait de l’autre. C’est intelligent, grinçant, convaincant et authentiquement drôle. Jean Pierre Léonardini

Le Matin
Kraemer a écrit ce soliloque désordoné, drôle, touchant très finement du doigt la solitude et les contradictions de l’écrivain. Gilles Costaz

Extraits du Dossier de Presse de la Reprise par Jacques Kraemer

L’Echo Républicain
On le sait, cette pièce grinçante et drôle, pleine d’allant, avait été créée par Denis Manuel, alors que Thomas Bernhard vivait encore. Aujourd’hui l’Autrichien et le comédien français sont morts. Huit ans après Kraemer a senti l’impétueux besoin de recréer ce pastiche théâtral. Il a eu bougrement raison, d’abord parce qu’il nous prouve que derrière le metteur en scène et le directeur de théâtre, il y a un vrai acteur, sensible et accrocheur. Et puis il y a le texte, verbeux, délirant, brillant, délicieux.

Bertrand Arbogast

Jacques Kraemer est Thomas B… Toujours en retrait, soucieux d’éviter tous les excés et les dérapages dans le sentimentalisme. Lucide, terriblement lucide. Sincère et fragile. Jusqu’au dénuemement, inéluctable et prévisible. A ce niveau, on hésite à parler de spectacle. Mais qu’importe les mots lorsqu’on sort de la salle plus riche qu’on y était rentré ?

Yves Bastide

La République du Centre
Tout se passe dans un décor dépouillé, ascétique. Il y a des étagères et un bureau blancs : l’univers clos, presque aseptisé d’un homme qui soliloque. C’est un écrivain qui ressemble étrangement à Thomas Bernhard. Jacques Kraemer brosse avec acuité, intelligence un portrait psychologique aigu de ce personnage enferré dans ses imprécations, ses manies, ses interrogations, sa solitude. Un beau travail de comédien qui nous permet de saisir les nuances et contradictions d’un être rageur, désepéré. En vérité, dans ce spectacle sans concession, la fureur iconoclaste reste tempérée par un humour décapant. Il s’agit d’un monologue implacable et drôle rondement mené avec entrain et une bonne maîtrise du jeu théâtral. Quant au texte signé J.K., il est vivant, bien écrit et construit, on le suit avec facilité. Sa mise en scène se garde de tout effet et privilégie la simplicité. Une mention également pour les éclairages qui s’apparentent à des camaïeux aux subtils dégradés.

Thierry Guérin

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Informations pratiques

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10, place Charles Dullin 75018 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Lieu intimiste Pigalle
  • Métro : Anvers à 120 m, Abbesses à 336 m
  • Bus : Anvers - Sacré Coeur à 108 m, Yvonne Le Tac à 136 m, Trudaine à 256 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Atalante
10, place Charles Dullin 75018 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 20 mai 2000

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