Au Salon Roger Blin.
"La parole doit être exacte." Eschyle
Olivier Py a de la suite dans les idées autant que dans les admirations. D’Eschyle, il a déjà monté au cours des trois dernières saisons la trilogie de L’Orestie en version intégrale, puis Les Sept contre Thèbes et Les Suppliantes sous une forme réduite dont il signe le texte et l’adaptation. Il s’attaque à présent aux Perses, toujours dans l’esprit de ce « théâtre d’intervention » qui permettra aux quelques interprètes de ce spectacle de le présenter, ainsi que les deux précédents, dans des lieux où le théâtre ordinaire ne peut s’aventurer : salles des fêtes, établissements scolaires, comités d’entreprise…
Les Sept, dans la vision qu’en offre Olivier Py, montre un homme déchiffrant les images de l’épouvante que l’ennemi brandit aux portes de la cité assiégée, et qui en déjoue les pièges afin d’y puiser de nouvelles raisons d’espérer. Cet homme ne se doute pas encore qu’il lui faudra combattre son propre frère ; le moment venu, brisé d’abord par la nouvelle, il se relève et part rejoindre son destin.
Dans Les Suppliantes, un choeur de femmes fuyant des noces auxquelles on veut les contraindre vient demander asile et protection en terre d’Argos. La situation, sans autre ressort dramatique que les affres des malheureuses, suffit à évoquer des questions aussi essentielles que la violence faite aux femmes, l’exil et le malheur des réfugiés, l’hospitalité comme devoir.
Le sujet des Perses, enfin, était fait pour frapper les esprits athéniens : l’aîné des Tragiques y transporte son public au coeur du territoire ennemi. La scène est à Suse, devant le palais royal de Perse. La mère de Xerxès et le choeur des Fidèles attendent le retour du roi – qui ne peut être que triomphal, tant les forces grecques sont inférieures en nombre. Pourtant un sombre pressentiment trouble la reine mère… Eschyle ne s’est pas borné à imaginer les faits qu’il rapporte. Il a lui-même combattu les Perses à Salamine (480 av. J.-C.). Composée huit ans après la bataille, la terrible description des ennemis tombés à l’eau, que les Grecs frappent « comme des thons ou comme un plein filet de poissons », est due à un témoin qui a vu de ses yeux la mer, ce jour-là, prendre la teinte du sang. Mais le poète du camp victorieux laisse ici la parole aux vaincus, dont la défaite devient ainsi un miroir de notre humanité commune. Aveuglement et démesure n’engendrent que désastre : de part et d’autre du gouffre qui semble séparer Grecs et Barbares, des hommes – fous ou sages, braves ou arrogants, rien que des hommes, confrontés à leur mortalité et aux mêmes dures leçons qu’elle inflige à tous, également.
Les Sept contre Thèbes, Les Suppliantes, Les Perses d'après Eschyle. Texte français & adaptation Olivier Py.
Place de l'Odéon 75006 Paris