Triptyque Marie Ndiaye - Les Intégrales

du 15 mars au 6 avril 2008

Triptyque Marie Ndiaye - Les Intégrales

Trois metteurs en scène, trois regards, trois portes qui s’ouvrent sur un univers, une écriture, trois histoires qui travaillent le même motif, celui de la possession, du vampirisme. Après les avoir mises en espace la saison dernière, nous avons eu le désir de continuer l’aventure et de proposer au public ces trois pièces, jouées séparément ou ensemble – comme un triptyque.

Petit triptyque de la dévoration
Rien d'humain
Les serpents
Hilda


Lors de ces soirées Intégrales, vous serons proposées dans cet ordre : Rien d'Humain (16h00), Les serpents (18h00) et Hilda (20h30). Les trois pièces peuvent également être vues séparément (le soir en semaine).

  • Petit triptyque de la dévoration

Trois metteurs en scène, trois regards, trois portes qui s’ouvrent sur un univers, une écriture, trois histoires qui travaillent le même motif, celui de la possession, du vampirisme. Après les avoir mises en espace la saison dernière, nous avons eu le désir de continuer l’aventure et de proposer au public ces trois pièces, jouées séparément ou ensemble – comme un triptyque.

Marie Ndiaye écrit dans une langue claire, quasi-classique. Ses textes sont à la fois étranges et réalistes, "d’un réalisme exagéré", comme elle le dit elle-même. "J’aime bien, dans les histoires, essayer d’aller jusqu’à ce que je conçois comme les limites du supportable. Tout en restant plausible. A peu près".

Angoissants, ironiques, fantastiques, ces contes cruels brisent toute imagerie naïve de l’existence. Les relations humaines se réduisent à un rituel de dévoration : manger, être mangé. "J’invoque le fantastique pour alléger cette cruauté, pour que les choses frappent moins durement".

Les personnages de Marie Ndiaye sont des gens ordinaires, qui habitent des maisons ordinaires. En fait, ils se comportent comme des vampires. La famille, la maison deviennent des lieux de perdition, de destruction de tous les êtres et surtout des enfants. La famille comme "une grande bouche d’ogre, mais pas nécessairement maléfique. On peut des fois s’y sentir bien et des fois avoir envie de la fuir. C’est une chose qui dévore".

  • Rien d'humain, m.e.s. Christian Germain

Après cinq ans passés en Amérique Bella revient chez elle, seule, avec bagages et enfants, à la suite d’un désastre intime et financier : mariage raté, famille disparue, faillite… sans métier ni argent.

Elle revient en France pour récupérer son seul bien, et retrouver sa seule amie : Djamila. La belle Djamila, élevée par sa famille et à qui elle a prêté son appartement pendant son absence. Oui, mais voilà, Djamila ne lui rendra pas son appartement. C’est Ignace, le seul homme de la pièce, le troisième protagoniste, qui le lui apprend : "Si cet appartement est le vôtre, Djamila ne vous le rendra jamais, elle ne s’en ira pas".

De cette situation initiale, simple, concrète, les mystères vont venir peu à peu modifier le réalisme de l’histoire, pour nous faire basculer dans un univers autrement plus inquiétant… à la limite de l’humain.

Pourquoi Djamila est-elle devenue aussi dure qu’un roc, qu’une pierre ? Pourquoi Ignace - qui est en fait plus qu’un voisin, puisqu’il se présente comme le père probable de l’enfant de Djamila - n’a-t-il jamais pu apercevoir sa fille ?

Pourquoi cette enfant est-elle décrite comme un souffle, un soupir, un courant d’air glacé ? Dans le passé, quel était au juste le rôle de Djamila, au sein de la famille de Bella ? Pourquoi Bella, qui s’exprime habituellement avec une langue raffinée, lâche-t-elle parfois ces paroles affreuses ?

"Certains mots roulent dans ma bouche et ne sont pas, dommage, de belles pierres mais des bestioles un peu répugnantes dont la bave tache le devant de mes vêtements, l’intérieur de mon âme ?"

Sans argent, sans maison, sans famille, sans ami, sans travail, que va devenir Bella ? Cette pièce brève est construite à la manière d’un film policier, autour d’une série d’énigmes, mais qui vont (un peu comme dans les films de David Lynch) s’obscurcir au lieu de se résoudre…

Rien d’Humain, qui est une pièce sur la solitude des êtres, nous entraîne progressivement vers les cauchemars de notre enfance, là où s’affrontent sorcières, goules et ogresses !

C. Germain

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  • Les serpents, m.e.s. Julia Zimina

Madame Diss fait partie des mères qui viennent voir leur fils uniquement quand elles ont besoin d’argent. Parce qu’elle a “de gros besoins” et que “les enfants coûtent, mais ils rapportent aussi”. Sa belle-fille, France, l’adore, mais cela laisse Madame Diss de marbre. France est insignifiante, juste bonne à faire la navette entre Madame Diss et son fils tapi dans sa maison, dont il interdit l’entrée à sa mère.

Il y a aussi l’ex-belle-fille de Madame Diss, Nancy, qui se cache dans les champs pour observer la maison de loin. Nancy veut retrouver les traces de son fils, mort dans des circonstances plus qu’étranges. Elle veut connaître la vérité. Madame Diss, fidèle à elle-même, lui lance : “Fais le chèque, Nancy et je te livre alors mes souvenirs les plus chers”.

Les personnages persiflent et leurs morsures distillent un venin puissant. Ainsi commencent Les Serpents. La pièce est construite comme une spirale. A chaque tournant de cette spirale, il y a un combat, un règlement de compte familial.

Nancy - "Ah, le père, maintenant, à quoi ressemble-t-il ?"
Mme Diss - "Une fois le garçon mort et enterré, il a resplendi. La jeunesse et la satisfaction l’illuminaient de l’intérieur, tendaient et polissaient sa peau, embrasaient ses yeux. Je lui ai dit, en lui tapotant la joue : tu t’es nourri de Jacky, tu t’es engraissé de lui… Il a remué les lèvres et la mâchoire comme s’il finissait d’avaler une petite boule de nourriture un peu pâteuse, puis il a souri largement pour me montrer comme ses dents étaient saines et luisantes."

Les deux belles-filles vont échanger leurs habits et leur vie, les enfants morts contre les vivants.

Imperceptiblement, tout en souriant, Marie Ndiaye nous conduit vers la fin, digne de la tragédie antique : le sacrifice heureux de Nancy, la libération douloureuse de France et la solitude encore plus grande de Madame Diss. Comme chez Beckett, on va attendre… l’été prochain, par exemple… ou le feu d’artifice du 14 juillet, comme le font les deux enfants, raides dans leur costume de fête, attachés sur leur chaise pour ne pas se salir.

Julia Zimina

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  • Hilda, m.e.s. Elisabeth Chailloux

Mme Lemarchand, bourgeoise de gauche, convoque Franck Meyer. Elle veut engager son épouse, Hilda. Pour 50 francs de l’heure, il s’agit de faire le ménage, de s’occuper de ses trois enfants et de lui tenir compagnie. Pourquoi Mme Lemarchand veut-elle engager Hilda et personne d’autre ? Elle a entendu dire qu’Hilda était saine d’esprit et belle de corps. L’apparence est primordiale pour Mme Lemarchand qui ne peut supporter sa solitude.

"J’ai besoin d’Hilda pour affronter la longueur des jours, pour sourire à mes enfants et résister au désir de nous faire tous passer de l’autre côté."

Mme Lemarchand désire faire d’Hilda son employée, son amie, sa chose. Face à cette emprise, Hilda se mure dans le silence. En fait, que possède la patronne de son employée ? Ses gestes automatiques, sa présence fantomatique et le droit de répéter son prénom à l’infini. L’essentiel d’Hilda - ses sentiments, ses pensées - lui échappe.

"Mais on ne peut rien changer au fait qu’Hilda est elle-même, n’est-ce pas, et que l’intérieur de son petit crâne nous demeure étranger, n’est-ce pas, Franck ? "

Dans le conflit qui l’oppose à Franck, Mme Lemarchand menace "J’aurai votre peau". Mais justement, on n’obtient rien en achetant l’autre, si ce n’est sa peau.

Hilda est vendue, discutée, manipulée, sans avoir droit à la parole. Silence, résistance d’Hilda. Désespoir, solitude de Mme Lemarchand. Qui est le maître, qui est l’esclave ? Qui est le bourreau, qui est la victime ?

Dans cette tentative désespérée d’être l’autre, de posséder l’autre quand on arrive pas à être autre que soi-même, jamais Mme Lemarchand ne parviendra à posséder Hilda, ni même Franck, encore moins Corinne, la jeune sœur d’Hilda. "Je vous invite, Corinne et vous, Franck. Venez donc manger à la maison." Mme Lemarchand, comme tous les vampires, a besoin de chair fraîche.

Elisabeth Chailloux

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  • La presse

"En programmant "Rien d'humain", "Les serpents" et 'Hilda", le Théâtre des Quartiers d'Ivry nous offre une plongée intense dans l'incroyable originalité de l'espace mentale de Marie NDiaye. À découvrir séparément ou en intégrale, ces pièces "coup de poings" sont un inquiétant mélange de ludisme et de cruauté [...]" Pariscope, Dimitri Denorme

"L'écriture de Marie NDiaye n'a rien perdu en force et en étrangeté dans son passage du roman au théâtre. Inscrites dans un cadre quotidien à la fois stylisé et réaliste, ses histoires basculent progressivement dans une cruauté nimbée de fantastique. [...] Les trois adaptations proposées dans le cadre de ce Triptyque sont autant de variations autour du thème du vampirisme quotidien [...]." Théâtre Online, David Larre

"Marie NDiaye construit un univers singulier entre réalisme et onirisme. Du « réalisme exagéré », précise-t-elle. De fait, partant de lieux, de situations et de personnages plutôt communs, elle nous fait pénétrer progressivement, à force de motifs récurrents - la maison, le seuil, l'enfance -, dans un univers trouble imprégné d'images mythiques." Les trois coups, Cédric Enjalbert

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Spectacle terminé depuis le dimanche 6 avril 2008

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