Ubu Roi

Montigny-le-Bretonneux (78)
du 6 au 9 novembre 2013
1h50

Ubu Roi

Ouvrage de génie ou travail de potache, produit d’une fin de siècle qui avait soif de nouvelles formes, Ubu nous renvoie à nos instincts les plus primitifs. Le metteur en scène britannique Declan Donnellan nous en livre une version décapante et revigorante.
  • Un infantilisme menaçant

Nous sommes une espèce qui préfère évoquer l’innocence de l’enfance plutôt que se souvenir de sa cruauté potentielle. Certains théoriciens ont même attribué l’absence de souvenirs d’enfance à un désir de protection contre des sentiments bouleversants, tellement négatifs que nous avons honte de les avoir en nous.

Ma et Père Ubu, excessifs, antisociaux, d’un dynamisme foudroyant mais sans autre but que l’accumulation du pouvoir, nous effraient peut-être autant qu’ils nous font rire. Nous rappellent-ils l’égoïsme et la violence de notre propre enfance ? Voilà ce que cette pièce met en scène avant tout, un infantilisme menaçant, aussi vicieux qu’il est puéril.

Ubu exprime ainsi le potentiel de violence qui existe au fond de nous tous. L’historien affirme souvent que le meilleur moyen de répéter les désastres d’antan est de les occulter. Peut-être en va-t-il de même pour notre propre passé individuel.

Ouvrage de génie ou travail de potache, produit d’une fin de siècle qui avait soif de nouvelles formes, Ubu fait preuve d’une simplicité inouïe en nous renvoyant à nos instincts les plus primitifs.

  • La presse

« Et voilà que c'est un metteur en scène anglais, imprégné de Shakespeare jusqu'à la moelle, qui nous offre - en français - sur l'oeuvre de Jarry un regard neuf, décapé. On n'était pas sûr que l'énorme Ubu ait encore grand-chose à nous dire, mais avec Declan Donnellan, la démonstration est éclatante, dans ce spectacle jouissif, et d'une intelligence imparable. » Le Monde, Fabienne Darge, 21 février 2013

« Peu soucieux du politiquement correct, le diable en tête, le metteur en scène table sur le contraste entre deux mondes, l'un policé, l'autre anarchique. (...) Donnellan est en plein dans la farce de Jarry, outrancière, débordante d'une énergie sans retenue. » Nathalie Simon, Le Figaro, 18 février 2013

  • Entretien avec Declan Donnellan

Pourquoi choisir de mettre en scène Ubu Roi ?
Declan Donnellan : Ubu roi est notre deuxième création avec notre troupe française : de même qu’Andromaque, c’est une oeuvre qui correspond parfaitement aux talents de ces comédiens. Voilà un aspect du choix. D’autre part, comme Andromaque (et toute grande pièce, d’ailleurs) Ubu roi nous offre un champ d’exploration très ouvert, qui nous permet d’apporter des modifications à notre travail au fur et à mesure de nos découvertes. Nous vivons avec les pièces que nous montons pour de longues périodes dans le cadre d’une tournée, d’où notre souhait de travailler avec une oeuvre qui représente un challenge, qui garde en elle cette vitalité que nous désirons récréer ; c’est un travail continu. D’autant plus qu’il existe davantage de similarités qu’on ne croirait entre Racine, bastion de la tragédie du Grand siècle, et Ubu, gamin précoce de l’avant-garde. Les deux pièces traitent, en quelque sorte, de ce qui se passe quand nous nous obstinons à poursuivre des choses que nous voulons, mais qui nous sont refusées. Les deux pièces s’intéressent à ce problème de la civilisation, à notre conception de ce qui constitue le comportement « civilisé », et à notre façon d’agir par rapport à cette structure. Nous voulons tous être civilisés – nous voulons que nos leaders le soient. Mais qu’en est-il des sentiments qui ne rentrent pas dans cette case ? La civilisation exige souvent que ces sentiments soient ignorés, voire niés. Or, il y a un prix à payer pour la civilisation, et ce prix, parfois, c’est la folie.

Jarry situe sa pièce « en Pologne, c’est-à-dire nulle part ». Où allez-vous situer votre Ubu ? Y aura-t-il des références à des situations politiques particulières, historiques ou actuelles ?
D. D. : Toute grande pièce peut avoir des références politiques, contemporaines, d’une manière ou d’une autre ! Ou, du moins, est-il possible de les lire dans cette optique. Mais avant toute chose, ce qui est primordial pour nous, lorsque nous entamons une nouvelle pièce, c’est de nous assurer que le travail soit bien vivant. Voilà ce que nous recherchons dans un premier temps, que ce soit avec Jarry, Racine, Shakespeare ou Tchekhov. Tout notre travail se crée dans la salle de répétition, avec les comédiens, et notre tâche est simplement de retrouver les expériences fondamentales qui existent au coeur d’une pièce, de leur donner vie. Pour l’instant notre intention n’est pas de satiriser ou d’évoquer une époque ou une situation politique ou historique précise. Nous ne pouvons savoir à quoi ce « nulle part » ressemblera ; nous le saurons uniquement quand nous l’aurons atteint.

Vous dites d’Ubu qu’il fait preuve d’un « infantilisme menaçant », vicieux et puéril. Vous parlez aussi du potentiel de violence que révèle ce personnage. Qui est Ubu ?
D. D. : Effectivement à travers leurs actions, Ma et Père Ubu évoquent un potentiel de violence qui existe au fond de nous tous : une violence qui provient de cette partie de nous-mêmes qui nous pousse, en tant qu’êtres humains, (et cela constamment) à la poursuite du pouvoir, parfois le pouvoir absolu. Nous avons tendance à traiter l’égoïsme de Ma et Père Ubu, le plaisir que leur donne la brutalité (la violence et le meurtre ne sont qu’un jeu pour eux) comme des choses puériles, qui n’ont aucun lien avec la vie adulte, c’est à dire civilisée. Mais que nous y faisions face ou non, ces désirs existent en nous et continuent d’exister en nous. C’est un des points forts de la pièce de nous remettre en contact avec notre propre bassesse, et ainsi d’éclaircir ce que nous pensons pouvoir contrôler, nier ou refouler.

Energie et dynamisme ; scatologie, blagues potaches… Envisagez-vous Ubu roi comme une comédie ou comme une tragédie ?
D. D. : Comme beaucoup de grandes pièces, Ubu roi contient un peu des deux ! Et on risque par moments d’imposer trop de limites en se reposant sur les genres ; Shakespeare, notamment, mélangeait souvent les deux. Je pense que Ma et Père Ubu nous effraient, dans l’ensemble, mais nous rions pour nous sentir en sécurité.

Pouvez-vous nous parler des comédiens avec lesquels vous allez monter la pièce ?
D. D.  : Nous sommes ravis de travailler à nouveau avec cette même troupe française, et reconnaissants de leur affection, de leur fidélité, ainsi que de leur immense talent.

Propos recueillis par Catherine Robert (La Terrasse, octobre 2012)

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Spectacle terminé depuis le samedi 9 novembre 2013

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