Un conte de fée inhabituel
Pistes de mise en scène
Note de traduction
La compagnie
La presse
Un roi, des amoureux et une forêt ensorcelante,
Un lutin, un homme transformé en âne et une fleur magique.
Ingrédients de conte de fées...
Sauf qu’ici le lutin est maléfique, les amoureux échangistes,
la reine zoophile et l’âne priapique.
L’inconscient devient fantasme et le fantasme, réalité.
Entre rêve et cauchemar, vérité et illusion, se dessine un songe :
Le nôtre, celui que cette pièce nous a inspiré.
Le vôtre, peut-être,
si notre songe vous fait rêver…
Pauline Bureau
Une création des élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (promotion 2004).
L’animal n’est pas un étranger en nous. Nous sommes nés animaux : c’est « la bêtise » dont l’homme ne s’émancipe pas, quoiqu’il advienne des vœux que ces représentants nourrissent et des lois que les cités édictent pour confisquer leur violence. Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi.
Le jour, les pères sont tyranniques, la loi implacable et les inconscients cadenassés. La nuit, et son corollaire le songe, va libérer le double fantasmé de chacun. Thésée et Hippolyta se divinisent en Obéron et Titania, ils ne règnent plus sur un royaume mais sur la terre entière, ils ne dirigent plus les actions des hommes mais leurs âmes. À leur service, les artisans s’habillent de cuir pour devenir fées. À leur merci, les amoureux se déshabillent pour être enfin eux-mêmes. Quelques sortilèges vont libérer toutes les pulsions : criminelles, sexuelles, suicidaires, racistes…
L’inconscient devient fantasme et le fantasme, réalité. La forêt se transforme en un lieu où l’animalité s’exprime, où le temps est tissé de la matière même des rêves ; le lieu du possible de tous les possibles. Chaque personnage rêve sa nuit et le théâtre fait se croiser les songes. La forêt se révèle semblable à un gigantesque kaléidoscope de fantasmes, de désirs et de pulsions.
Puck, tour à tour double de l’auteur et du spectateur, regarde, s’amuse et tire les ficelles de l’action avant de dévoiler celles du théâtre. Dans cet univers onirique, il est le seul à avoir la vision globale de ces images morcelées. Omniscient, manipulateur et voyeur, il est la figure de la jouissance pure, sans but, sans motif et sans sexe déterminé.
Paradoxes, inversions et dédoublements se bousculent en tous sens et la pièce semble fonctionner comme une accumulation de fantasmes en poupée gigogne. Hantés par leurs désirs, les amoureux fuient dans la forêt de leurs rêves. Ils sont guidés par Puck, être chimérique qui semble lui-même rêver l’action. Et, bien entendu, Puck n’est lui-même qu’une illusion, artifice parmi d’autres dans cette machine théâtrale qu’est la pièce de Shakespeare.
L’aube apparaissant, c’est le retour à la conscience et au réel : la fin du songe. Puck parle dans un théâtre vide sur lequel le décor s’est effondré, au milieu de comédiens dépouillés du masque de leur personnage. Mais le réveil est difficile quand on a découvert la part de soi que l’on préférait refouler.
Le travail effectué sur le texte de Shakespeare relève de l’adaptation : nous avons voulu respecter l’esprit, et non forcément la lettre, en tentant de donner, non la pureté illusoire d’un texte original mais l’équivocité d’un texte pour la scène, pour une mise en scène : une version d’Un songe, une nuit d’été.
L’adaptation a donc suivi quelques fils, discours qui s’entremêlent. Les différents modes de parole sont des tons différents, rendus audibles par les ruptures, nécessairement brutales, de ton.
Les amoureux : critique de la poésie comme forme codifiée
Comment dire le désir ? La poésie en tant que forme codifiée donnée au langage est l’un des modes de
l’expression sociale, socialement acceptable du désir. Pour autant, cette forme, frôlant le figement, est
excédée par ce qu’elle tente de dire.
Nous avons donc travaillé dans deux directions : d’une part le figement de la langue, et d’autre part le ton plus
plaintif des amoureux. Le désir prend le masque de la culture pour se dire Amour.
Dans la forêt, les pulsions se déchaînent à mesure que la phrase se raccourcit, se concentre dans l’insulte, disparaît dans le faire (que se passe-t-il pendant le sommeil des amoureux ?).
Les fées : la poésie, une autre langue
Si les fées s’expriment sous une forme poétique, c’est que la poésie est aussi autre langage, autre du langage
et langage de l’autre. La forme n’est plus figée, elle se libère du carcan de la contrainte pour devenir
paradoxalement voix de l’intime et voix cosmique. Le ton en est plus solennel, plus ample, alternance de
description et de sortilège. En décrivant le monde, ce langage le fait : il trouve son paroxysme dans le
sortilège, parole performative.
Les artisans
L’espace ouvert par les artisans porte un double enjeu : celui du comique, et celui de la création, aussi bien
théâtrale que langagière. Il s’agit d’un espace de liberté et d’invention.
Nous avons fait le choix de traduire le nom des artisans : les noms anglais ont une double fonction, que nous
avons tenté de transposer en français.
D’une part, la fonction de désignation sociale : en anglais, le principe est métonymique, l’outil désigne l’artisan (Quince comme coins de bois du charpentier), en français le principe est analogique, le nom commun est nom du commun, par différence avec le vrai nom propre, qui est un prénom pour les autres personnages.
Et d’autre part, la fonction comique : le décalage social, qui vise à produire un effet comique, se traduit en anglais par l’intrusion de mots prosaïques, et en français par l’irruption du registre familier. La proximité sonore des noms entre eux, contribuant à faire entendre les noms des artisans en système, est conservée, de même que les diverses connotations sexuelles, comiques et graveleuses de Bottom devenu Ducul.
Adaptation et traduction de Benoîte Bureau et Pauline Bureau.
La Part des Anges s’est fondée sur le désir commun de quinze comédiens de poursuivre une aventure
artistique née au Conservatoire.
Des créations Jeune Public d’après les contes de Christian Oster - La grève des fées et
La princesse
enrhumée - en passant par Dix (création sur le thème de la folie dans l’écriture contemporaine) et Fando et
Lis de Fernando Arrabal, et jusqu’à Un songe, une nuit d’été, se sont tissées, parfois de manière inattendue,
les fondations de notre désir de théâtre, de notre exigence.
Explorer le registre du conte, du merveilleux, de l’onirisme, non pas tant pour s’éblouir de l’artifice, que pour poursuivre la parole, la vérité symbolique et inconsciente inscrite au cœur même de ce type d’écriture. S’aventurer sur la frontière entre conscience et inconscient, folie et déraison, pour capter ce qui y est révélateur, unique, profond. Montrer tout cela par le biais du théâtre, c’est à dire à la manière d’un rêve conscient, d’un songe éveillé.
En un mot, faire que le théâtre soit pour nous le lieu où se donne à voir l’ineffable.
« Ici, il n’est point question des féeries de l’enfance mais de celles plus
basses et plus viles de notre inconscient. En somme, on parle d’amour, de sexe,
de manipulation. Pire encore, on en rit, à gorge déployée. Shakespeare, un auteur de comédie ? Un
aspect du maître bien trop souvent occulté.(...)
Les décors et les costumes subjuguent : des fées à la Matrix version colorée et
une troupe de comédiens à la charlot. Le noir répond au blanc, le vert au rouge
comme la haine à l’amour. Troublant. Les jeunes acteurs du Conservatoire National
Supérieur d’Art Dramatique ne sont pas en reste et brillent du même éclat sur la scène que les fées et la forêt
shakespearienne. Du talent en train d’éclore sur scène comme les fleurs dont
les fées cueillent la rosée.. » Caroline Vauchère, La Provence, 20 août 2004
« [Pauline Bureau] insuffle à la pièce un ton particulier, vibrant d’intensité et d’énergie. Le jeu est physique. La troupe déborde de fraîcheur, d’ardeur de fougue. » Marie-Hélène Loubathe, Le Dauphiné, 20 août 2004
Je recommande la pièce. C'est drôle, émouvant et terriblement bien joué.
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Je recommande la pièce. C'est drôle, émouvant et terriblement bien joué.
5, rue des Vignes 75016 Paris