Blanche DuBois, institutrice rêveuse destituée de ses fonctions suite à une aventure avec l’un de ses élèves, vient trouver refuge chez sa jeune soeur Stella, dans le quartier français de la Nouvelle Orléans. À l’exemple du tramway du nom de Désir qui l’a amenée jusque là, tout lui semble délabré, dépravé, bien loin des belles plantations romantiques dans lesquelles les deux soeurs ont grandi.
Sa présence forcée n’enchante guère Stanley Kowalski, le mari de Stella, un ouvrier sensuel, viril, attiré par les plaisirs simples du jeu et des femmes, et qui ne peut comprendre le monde intérieur foisonnant de la délicate Blanche. Laquelle s’enferme dans le mensonge et la séduction, comme elle l’a toujours fait, pour tenter de se faire aimer et d’aimer la vie … Elle se rapproche de Mitch, un collègue de Stanley suffisamment simple d’esprit pour ne pas paraître dangereux. Mais leur amour est condamné dès le départ par leur différence flagrante d’éducation et d’aspirations…
« Je ne veux pas de réalisme… Je veux… de la magie ! Oui, oui, de la magie ! C’est ce que je cherche à donner aux autres. J’enjolive les choses ; je ne dis pas la vérité, je dis ce qu’elle devrait être ! Que je sois damnée si c’est un péché… »
Par ces mots, Blanche DuBois, l’héroïne d’Un Tramway nommé Désir, pièce mythique de Tennessee Williams, revendique son regard subjectif sur le monde. Son univers fictif tissé d’art, de rêves et de littérature se heurte violemment à celui de Stanley et Stella, ancré dans le réel et les plaisirs bruts. J’ai voulu souligner la radicalité de cette confrontation en abordant la mise en scène du point de vue de Blanche : le jeu des trois autres personnages lorsqu’ils sont en sa présence, ainsi que la scénographie, sont le reflet de son regard sur les choses. L’indolence de Stella est ainsi parfois extrême, la gaucherie de Mitch accentuée par un objet transitionnel (poupée), et la sensualité de Stanley apparaît aux limites du supportable.
Les rideaux de fumée plastique du décor marquent une ligne de démarcation entre l’univers de bois brut de Stella et Stanley, et le flouté hollywoodien de Blanche, derrière les rideaux. Les cinq sens, exacerbés, concourent à l’expression de la subjectivité de Blanche : le toucher (humidité et nudité, désirélectrique), la vue (jeux d’ombre hollywoodiens, lanterne chinoise), l’odorat (parfum vaporisé de Blanche), le goût (alcool omniprésent, symbolique du plaisir et de la destruction), et l’ouïe (Blanche est parcourue de chansons créées autour des stars d’Hollywood contemporaines de la pièce, étrangement fredonnées par une voix d’enfant).
Cette subjectivité revendiquée est bien entendu une mise en abîme du travail du metteur en scène, dont le regard sur une oeuvre est forcément partial. Mais elle permet également de nous interroger sur la notion de folie et de normalité. Qui, de Blanche ou des autres personnages, paraît le plus équilibré ? C’est au spectateur, et à lui seul, d’en décider, après cette plongée intime et chaude dans la psyché de l’héroïne.
Elsa Royer
J'ai vu la pièce samedi soir et j'ai a-do-ré !! (la salle aussi, apparemment, d'ailleurs) Le spectacle est envoutant, et c'est vraiment le mot. Mes amis et moi nous sommes fait la même réflexion : on se retrouve à partager la folie de Blanche, et l'accompagner dans son terrible trajet, de par le jeu des comédiens autour d'elle, parfois volontairement déstabilisant, et également l'atmosphère étonnante découlant de l'excellent jeu de lumières et la bande-son très obsédante. un moment fort, intense (par contre, la chaleur de la salle rappelait aussi la Nouvelle Orléans, et là je crois que ce n'était pas voulu...), magique... mais très, très triste, et même un peu éprouvant. Bonne chance à ceux qui ont une forte tendance à la compassion : ça peut faire mal. Mais sincèrement : à voir.
J'ai vu la pièce samedi soir et j'ai a-do-ré !! (la salle aussi, apparemment, d'ailleurs) Le spectacle est envoutant, et c'est vraiment le mot. Mes amis et moi nous sommes fait la même réflexion : on se retrouve à partager la folie de Blanche, et l'accompagner dans son terrible trajet, de par le jeu des comédiens autour d'elle, parfois volontairement déstabilisant, et également l'atmosphère étonnante découlant de l'excellent jeu de lumières et la bande-son très obsédante. un moment fort, intense (par contre, la chaleur de la salle rappelait aussi la Nouvelle Orléans, et là je crois que ce n'était pas voulu...), magique... mais très, très triste, et même un peu éprouvant. Bonne chance à ceux qui ont une forte tendance à la compassion : ça peut faire mal. Mais sincèrement : à voir.
73, rue Mouffetard 75005 Paris