De lourdes insomnies portent le vieux professeur de médecine Nicolaï Stepanovitch à se pencher sans concession sur son passé. Il a regardé Katia, sa pupille, grandir, aimer puis sombrer.
Ils partagent désormais les mêmes questions sans réponse sur l’amour, l’art, la science et bien d’autres sujets propres à masquer les étranges sentiments qui les unissent. La pièce est librement adaptée de la nouvelle éponyme de Tchekhov.
Pourquoi transformer une nouvelle en pièce de théâtre si l’auteur ne l’a pas voulu lui-même ? Ce texte écrit après l’échec au théâtre de Oncle Vania semble dicté par l’hésitation de l’auteur de revenir à la scène. L’intention théâtrale y est flagrante comme la volonté de l’écrivain d’y faire figurer une sorte de testament prématuré sur cet art qui le fait vivre et qui l’agace par la médiocrité du milieu qui l’anime.
Stepanovitch, professeur de médecine quitté par la vie, n’est pas sans ressemblance avec Tchekhov lui-même qui sait que bientôt la tuberculose finira par l’emporter. On y trouve aussi cette relation confuse qu’entretient l’auteur avec les femmes et cette distance amoureuse qui lui est si particulière.
La mise en scène repose sur ce murmure intérieur qu’entretient Stepanovitch, fil conducteur sur lequel viennent s’agréger sa femme et sa pupille avec laquelle il nourrit une relation étrange et d’une intensité au-dessus de ses dernières forces. L’homme n’est plus là, mais pas encore dans l’au-delà, et toutes les sollicitations dont il fait l’objet lui paraissent dérisoires alors qu’il s’emploie à tirer quelques leçons de son existence.
Ce texte, aujourd’hui souvent oublié, devait être dit dans cet esprit de mélancolie légère qui le nourrit, entrecoupé de bouffées caustiques qui n’entament jamais la profonde humanité de son auteur.
Marc Dugain
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