Voilà le drame : un immeuble qui vient de s’effondrer sur une maison de retraite mitoyenne. Il y a des morts, des blessés. Il y a aussi des survivants. Mais tous n’ont pas été retrouvés. Cinq d’entre eux sont restés emprisonnés sous les décombres. Ils sont coupés du monde extérieur. Ils vont devoir apprendre à vivre ensemble en attendant qu’on vienne éventuellement les secourir. Le genre de situation apte à exacerber les tensions. Le genre de situation apte aussi à nous poser des questions sur le monde dans lequel nous vivons. Comment un tel accident a-t-il pu arriver ? Qui sont les responsables ?
Au-dessus d’eux, les pouvoirs publics, sous la pression de l’opinion, tentent de réagir. La population s’en mêle, s’interroge, elle veut comprendre…
C’est parce que les séries sont le vrai lieu populaire d’une réflexion sur notre temps, parce qu’elles sont le lieu de toutes les identifications et de toutes les vérités, parce qu’elles ont trouvé comment nous parler dans l’urgence, dans l’immédiateté mais aussi dans le respect, de notre monde, que nous sommes fascinés par elles.
Il s’agit donc de proposer un feuilleton au théâtre : de chercher pour le théâtre la puissance des grandes séries télévisées américaines, leur capacité à mettre en coupe notre monde, à rendre compte de la complexité de la vie moderne, avec les affects si poignants de notre époque.
Nous rêvons d’un théâtre addictif, qui se poserait dans la ville et battrait au même rythme qu’elle. Un nouveau rituel populaire pour ce lieu public qu’est le théâtre : des épisodes pour un feuilleton qui parlerait aux gens de leur ville et des combats qu’on y mène, des questions qu’on y affronte.
Des épisodes donc, au théâtre, que le public viendrait suivre, avec ce plaisir des retrouvailles, cet humour des objets insolites et cet attachement pour les lieux véridiques qui nous parlent de nous comme on aime.
C’est une invention, un objet inédit, lancé dans la ville pour que ses habitants s’y retrouvent et s’y pensent. Pour qu’ils reprennent goût aussi au rituel des soirées de théâtre. Et pour que le théâtre réaffirme sa capacité à parler de la vie, de nos vies et nous prenne par la main, nous entraine dans une histoire.
Pour construire cette aventure, nous avons non seulement embarqué une équipe artistique réunissant des écrivains, des acteurs, des musiciens et des techniciens, mais également d’un « Choeur citoyen » composé d’habitants montreuillois (amateurs théâtre et musique).
L’histoire racontée par le feuilleton est une histoire de nos villes modernes, faite d’invariants mais aussi de spécificités. Les problèmes de logement, les mutations urbaines, la mixité de la population et la question de la co-habitation, sont les questions de toutes nos villes. La saveur de certains quartiers, l’histoire propre de certaines populations, les hauts lieux d’une ville sont les traits spécifiques qui font le charme concret des lieux.
La population de la ville, dans ce feuilleton théâtral est donc représentée par 20 amateurs (environ pour moitié musicien, pour moitié comédiens, tous habitants de la ville) qui, tel le choeur dans les tragédies grecques antiques, parlent, chantent, dansent pour exprimer la voix des habitants… qu’ils sont.
Recrutés en amont, via nos partenariats avec les services municipaux, associations locales, conservatoires, groupes musicaux…, ces amateurs travaillent théâtre et /ou musique sous la direction de Mathieu Bauer et de Sylvain Cartigny.
Sollicités pour fabriquer leurs propres slogans, énoncés et chorégraphies de foules militantes, solidaires, etc., ils travaillent la partie textuelle avec Mathieu Bauer, selon la technique du Sprechgesang, le parlé-chanté, accompagnée par les musiciens qui jouent en direct.
Les textes, conçus comme des structures poétiques simples, sont ouverts à une légère réécriture avec ces habitants, en fonction de leurs propres réappropriations, inventivités. Ce travail théâtral s’accompagne d’une partie chorégraphiée, sous forme d’enchaînements d’entrées, de sorties, de compositions de groupe et de séquences gestuelles.
Avec les musiciens amateurs, le travail musical porte sur des compositions originales de Sylvain Cartigny. C’est un travail mélodique, populaire et rock, qui sonne comme du John Adams en passant par Tom Waits et Ennio Morricone.
L’ensemble donne une image émouvante de la population : une population consciente, désirante, solidaire, véritable inspiratrice et destinataire de ce feuilleton. Le rôle des ces amateurs est d’enrichir le projet artistique de leurs témoignages et points de vue sur la ville. Et surtout, d’incarner une présence sur scène irremplaçable : une spontanéité, une authenticité qui donnent au feuilleton une dimension très véridique.
Pourquoi cette idée d’un feuilleton théâtral ? Qu’est-ce que cette forme apporte au théâtre ?
Comme beaucoup je suis un fanatique des séries télévisées. Il me semble que des séries comme The Wire, Six Feet Under ou les Sopranos, pour prendre ces exemples, ont la double capacité de captiver le spectateur et en même temps de parler du monde dans lequel nous vivons. Ce sont des oeuvres très bien structurées qui ont en outre le mérite d’apporter un regard aigu sur notre époque, sur notre société, et, en ce sens, elles ont une dimension politique. Ce qui me plaît dans le feuilleton, c’est son côté très populaire qui renvoie au XIXème siècle, à Dumas ou à Dickens. Il y a dans le feuilleton ce côté attractif lié au fait que l’histoire n’est jamais finie, qu’on attend toujours un nouveau rebondissement. Mais surtout ce qui est très excitant dans la série, c’est l’idée de s’affronter au présent ; c’est-à-dire de traiter des sujets brûlants qui nous touchent de près. Le feuilleton a cet avantage d’être suffisamment flexible pour pouvoir réagir à l’actualité, ce qui est aussi la fonction du théâtre. Et puis il y a ce pari qui consiste à explorer quelque chose de nouveau, d’inviter le public à une nouvelle forme et qui m’oblige donc à inventer. De plus j’aime l’idée de travailler avec une équipe. De partager avec elle l’enjeu d’invention de cette forme mais aussi la force mélo-dramatique, passionnelle et drôle du type d’histoires que le feuilleton porte.
Comment allez-vous mettre en scène ce feuilleton au théâtre ?
Le théâtre n’offre pas les possibilités d’intensité propre à l’écriture cinématographique, qui est faite de décadrage, de plans de coupe, de simultanéité des actions...Néanmoins, j’ai tenté de retrouver, comme un clin d’oeil du théâtre adressé au cinéma, la caractéristique de certains effets cinématographiques : montage alterné, gros plan, fragmentation narrative, jeu sur les temps du récit … Tout d’abord, notre scénographie propose un espace découpé en deux espace-temps différents ; avec, en bas, ceux qui sont pris sous les décombres et tentent de survivre tant bien que mal et, en haut, les habitants et responsables de la cité aux prises avec les répercussions émotionnelles et politiques de la catastrophe : les secours, les pompiers, les élus et leurs administrations, les journalistes venus couvrir l’événement, la foule… Ensuite, cette scénographie, nous l’avons voulue mobile, de sorte qu’elle offre toutes les proximités ou distances avec le public pour des effets de gros plans ou de plans plus larges. Et de sorte aussi qu’elle offre tous les angles de vision. C’est une possible évocation au théâtre de la grammaire cinématographique. Enfin nous avons voulu que l’écriture soit animée par l’intensité du montage entre les séquences : travailler donc sur les rythmes, la rapidité, le dynamisme, trouver le bon ton dans la vivacité des échanges. Comme dans toutes les séries dont je suis passionné, j’ai voulu retrouver une pluralité des registres de discours. Différentes voix se feront entendre et différents types de langage, du plus familier au plus expert : chaque personnage aura sa couleur et son verbe particulier, la voix des spécialistes tels que les urbanistes, architectes etc. ou encore une voix du choeur (constituée d’amateurs), qui sera poétique et chantée et comme souvent chez moi accompagnée de musique. À cela s’ajoute la vidéo qui permet de démultiplier les temporalités et de donner une image complexe de la ville. Je vois ce plateau comme un plateau des espaces émotionnels, mentaux, visuels, sonores, très contrastés. Cocasserie, provocation, gravité, colère, mélancolie… Pour former un grand poème de la ville. Au fil de l’histoire, quelque chose s’approfondit ou s’épaissit. Les situations s’intensifient parce que nous en savons de plus en plus sur les protagonistes, mais aussi parce que les relations entre eux évoluent, se transforment. Et parce que notre réflexion sur le présent s’élargit et gagne en résonances.
Pourquoi vous intéressez-vous à la question de la ville et du logement ?
La question du logement, c’est aussi celle de la justice sociale. L’effondrement de cet immeuble est le symptôme d’un certain nombre de dérèglements et de problèmes liés à la politique de la ville. Nous devons parler de la vie des habitants. Il y a par exemple, dans notre histoire, la difficulté des jeunes à se construire, dans un univers où il est compliqué de trouver un travail et donc de se loger. Et par là, en effet, se joue le problème de leur autonomie. Il y a la question de la place des personnes âgées. Mais il y a aussi la question des clandestins, des sans-papiers, la question des ghettos. Je pense qu’il est urgent de parler de nos problèmes. Mais je pense aussi qu’il est urgent de rendre justice aux gens, porteurs de pensées et d’initiatives. Nous voulons aussi dresser le paysage de leurs aspirations, de leurs efforts.
« On est tout excité, que va-t-il se passer entre Nabil, Octave, Jacques, Pascale et Nathalie tous ensevelis sous les décombres de la maison de retraite ? Hugo le directeur du cabinet du maire va-t-il définitivement péter les plombs ? Et bien c’est chose faite, c’est en addict de La faille feuilleton théâtral qui se joue en ce moment au Nouveau Théâtre de Montreuil que nous sortons des quatre épisodes de la saison 1. Mathieu Bauer invente un théâtre vivant, politique et résolument contemporain. » Médiapart, Véronique Klein
« Si on attend en vain la météo et la pub, c'est bien par un générique que s'ouvre Une faille. Des images de Montreuil, un gimmick sonore. Puis les deux intrigues - le « dir cab » et les survivants - en montage alternés. Générique de fin avec le casting complet. « Il faut retrouver la convivialité de la salle », lance le metteur en scène. Vous avez oublié le début ? Pas de problème : un résumé des événements précédents annonce la suite. Ça fonctionne. Et personne n'a envie de zapper. » L’Express, Igor Hansen-Love
Spectacle à voir, à voir, à voir, savoureux, plein d'humour, attachant, inventif, spectacle à entendre, très belle musique. Bonne soirée à tous les chanceux qui ne l'ont pas encore vu ! Ne ratez pas les premiers épisodes ! La suite déjà en décembre.
Spectacle à voir, à voir, à voir, savoureux, plein d'humour, attachant, inventif, spectacle à entendre, très belle musique. Bonne soirée à tous les chanceux qui ne l'ont pas encore vu ! Ne ratez pas les premiers épisodes ! La suite déjà en décembre.
Place Jean Jaurès 93100 Montreuil