Dans sa loge une comédienne tente de se concentrer sur le texte qu’elle doit jouer : Phèdre de Racine, mais bientôt elle se laisse envahir par les chansons de Dalida. Désir, amour impossible et suicide ; les destinées de ces deux femmes se font écho.
Yvan Romeuf tisse avec habileté alexandrins de Racine et airs populaires. Se mêlent alors aux fragments de souvenirs biographiques de Dalida, de somptueux dialogues classiques. Le contrepoint audacieux est savamment orchestré.
La comédienne et chanteuse Anne Lévy n’imite jamais Dalida. Elle touche par la chaleur de son timbre et la sincérité de son interprétation. Elle séduit et émeut en passant avec noblesse de la tragédie classique à la comédie et au chant populaire et nous fait entrer dans l’intimité d’une femme qui crie son infini besoin d’amour.
Un hommage original pour évoquer la destinée de Yolanda Gigliotti, dite Dalida.
L’envie d’un spectacle sur Dalida remonte à très loin : Quand j’ai osé m’avouer que sa mort m’a choquée, m’a peinée et que l’amour qu’elle avait tant chanté - ou le manque d’amour - n’était pas simplement du spectacle, du show biz… Derrière l’icône, la personne. Il a fallu le suicide de Dalida pour réaliser à rebours, la vérité intime contenue dans ses chansons. J’ai aussi aimé - et moqué - dans mon enfance Dalida, pour sa féminité exacerbée, ses toilettes extraordinaires, ses strass, ses paillettes, son accent, son strabisme…..son Kitch ! Il n’y aura pas trace de tout ceci dans le spectacle, à moins d’une transposition poétique….
J’ai aussi éprouvé en tant que comédienne le plein et la chaleur des salles combles et des succès puis le vide, le silence, la grande solitude du retour à la maison. Et tout bonnement mon goût pour la variété, la chanson d’amour populaire, celles qui dépassent les générations….
Puis vient Phèdre, sur proposition du metteur en scène, qui marque mon goût premier pour l’écriture de Racine, un des grands poètes de l’amour au féminin. L’alexandrin avec le souffle et l’engagement émotionnel que cela demande comme la chanson. Tresser ensemble ses deux fils (et d’autres) de culture populaire et classique fait naître en moi la joie d’une réconciliation autour de « la femme amoureuse ».
Elles disent, elles chantent, elles pleurent, elles sont malades, folles, abandonnées, honteuses, glorieuses, provocantes, mais elles parlent, elles sont vivantes…. Jusqu'à ce qu’à bout de force, ne trouvant plus d’issue à ce besoin vital devenue une souffrance trop grande …elles se donnent la mort, la délivrance. Pulsion de vie, pulsion de mort. Eros et Thanatos. Chanson d’amour et tragédie.
Plonger dans une histoire d’amour. Se jeter sur scène. Sauter dans l’inconnu de la mort.
Anne Lévy
1, place de Bernard Palissy 92100 Boulogne Billancourt