Un regard sur l'autre
De son vrai nom Sarah Baartman
Un conte de fée à l’envers
Une brève histoire de la civilisation à réinventer
Extrait
La presse
Lolita Monga, écrivaine et réunionnaise, s’empare du destin édifiant de la Vénus Hottentote et confie la mise en scène à Frédéric Maragnani. « De bout en bout, dit-il, l’histoire de la Vénus s’apparente au négatif parfait du conte de fées – une femme noire humiliée en toute impunité jusque dans sa mort ». Au-delà du personnage-symbole de la barbarie occidentale et colonialiste, la pièce poétique et décalée évoque l’exil– de la terre, de la langue, du corps.
J’ai été profondément touchée par l’histoire d’un être humain – la Vénus Hottentote - comme j’ai été touchée par d’autres destins : celui d’El Negro, l’homme Bushman empaillé exposé en Espagne ou d’Eléphant Man… Dès qu’on reparle de ces histoires, les portes sont closes, les bouches cousues. Et les archives inconsultables. La « mise en scène » de ces « sauvages » « indigènes » « colonisés » « freaks » au 19e et début 20e a produit un grand nombre de stéréotypes à caractère raciste encore présents aujourd’hui dans l’opinion publique. C’est une des pages de l’histoire de France taboue.
Au-delà de la femme, c’est aussi l’histoire de tous les êtres qui, par leurs différences physiques et culturelles, sont considérés comme des « monstres », des êtres « inférieurs ». Au-delà de l’histoire coloniale chacun de nous peut se questionner sur le regard qu’on pose sur « l’autre », celui qui a un handicap, celui qui est différent de nous.
Lolita Monga
Arrachée à son pays natal l’Afrique du Sud, cette jeune Africaine aux formes hallucinantes est exhibée à Londres et Paris comme une bête de foire. Elle enflamme le monde scientifique, nourrissant malgré elle les théories de la classification des races. A sa mort en 1815à l’âge de 26 ans, son corps est disséqué par le Baron Cuvier. Commence alors une surprenante destinée posthume : elle est exposée au Musée de l’Homme jusque dans les années 1980. Deux siècles après sa mort, les Khökhöi, tribu sud-africaine, font appel à Nelson Mandela pour la restitution de ses restes à l’Afrique du Sud. Elle devient l’enjeu d’un imbroglio diplomatique entre la France et l’Afrique du Sud. En 2001, elle a droit à des funérailles nationales.
Vénus, Il était une fois signifie maintenant, est un conte qui mêle différentes voix venues d’ailleurs et d’âges différents, des conversations, des chants, des inventaires de noms, de choses. C’est un conte de fées à l’envers où la fée est un corps aux formes généreuses et à la peau noire. C’est l’épopée de notre mémoire collective des civilisations et des peuples, des déplacements forcés des populations, des barbaries humaines, des rencontres improbables et des coïncidences de l’histoire. Vénus est un hymne drôle et grave aux exclus, aux étrangers de tous les temps, aux marginaux de la planète, aux décalés, aux démembrés. C’est une formidable matière poétique et scénique, un nouveau pari pour le jeu théâtral et un tendre regard sur notre humanité.
Quand Lolita Monga m’a parlé pour la première fois de La Vénus Hottentote, je n’y ai pas cru. Non pas que la possibilité humaine de la barbarie dans l’histoire ne m’apparaisse pas clairement : je connaissais la cruauté et l’indécence des zoos humains et des « shows » des foires universelles du début du vingtième siècle et le combat pour imposer les idées évolutionnistes et humanistes.
Non, j’ai été sidéré, qu’au tournant de notre Histoire (Sarah Baartman dit La Vénus Hottentote est née en…1789 !), une femme noire, tour à tour esclave, servante, monstre de foire, curiosité scientifique et curiosité mondaine, puisse symboliser en aussi peu de temps (elle est morte à l’âge de vingt six ans) une brève histoire de la civilisation : l’alliance criminelle d’un régime politique et économique, la colonisation, sa justification idéologique, la religion et sa caution morale, la science. Passé la surprise de l’évidence de ce fait, j’y ai vu une formidable épopée théâtrale à inventer.
Ce qui m’a intéressé dans ce nouveau projet à mettre en oeuvre est autant la notion de sujet que je n’ai, jusqu’à présent, jamais vraiment traité dans mon parcours de metteur en scène (l’histoire a eu lieu, des témoignages et des preuves existent mais des recherches sont néanmoins nécessaires pour en reconstituer le fil rouge) que le fait que cette histoire dont l’énigme reste entière sur bien des aspects, puisse être un creuset d’inventions, de fantasmagories, et que la part cachée est finalement bien plus importante que la part visible. Je rejoins là ma préoccupation récurrente dans mon travail : le rapport entre le champ et le hors-champ (ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas) et la préexistence de la parole et des mots du théâtre comme seule réalité possible.
L’anecdote historique de la Vénus Hottentote est, à cet égard, une base tout à fait intéressante pour aller vers une épopée théâtrale des mots car il s’agit essentiellement d’une histoire du visible et de l’invisible par l’histoire de la dislocation des corps. Il est passionnant de suivre le parcours du corps de cette femme d’Afrique du Sud, curiosité anatomique (seins, fessiers, sexe), corps désiré, corps acheté, échangé, puis finalement corps disséqué, disloqué, séparé, corps perdu, retrouvé, reperdu, de nouveau retrouvé, puis finalement inhumé (en partie) dans sa terre.
L’occasion m’est donnée de mettre en oeuvre une forme de mise en scène « ouverte », parlée, chantée, musicalisée, chorégraphiée. Une équipe composée d’une femme et de deux hommes sera l’unité des «chercheurs-spéléogues» à la recherche de notre Vénus perdue.
Frédéric Maragnani
« C’est une vénus madame
Le tableau est piquant
Elle nous vient d’Angleterre
Le tableau est charmant
On la dit Hottentote
De part sous sa culotte
Sa chair est fuselée
On en reste bouche bée »
"Servie par trois comédiens excellents et un travail préalable en osmose avec l’auteur (Lolita Monga) la pièce est une réussite, poétique et piquante." Antoine De Baecke, Sud-Ouest
" Frédéric Maragnani fait souffler sur cette Vénus un humour décalé qui permet de prendre du recul entre deux questionnements philosophiques. Vénus, avant d’être le cœur de la pièce, est un prétexte pour interroger la mainmise de la science et de la religion occidentale sur un monde réduit à l’état d’objet." Vincent Pion, Le Quotidien de la Réunion
"Le texte, et les kilos d’infos servies, la mise en scène, la diction en écho, le jeu des mots à deux, l’ambiance musicale, tout est fouillé et "touillé" pour un régal partagé. Eh oui, cette Vénus théâtralisée est vraiment une beauté. Preuve que le passé, ravigoté avec un doigt de génie, peut griller les feux de la modernité, et de la rampe aussi. Allez-y. " Le Journal de l'Île
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