Comme tous les improvisateurs, Yves Rousseau est un pirate, toujours en quête de sources d’inspiration et de nouveaux matériaux. Un pirate de l’enfance qui se souvient ici de ses débuts au sein d’orchestres baroques ou classiques et du génie mélodique de Franz Schubert qui éduqua son oreille.
Puisant principalement sa matière dans la musique de chambre du compositeur viennois et dans ses œuvres pour piano, le jazzman habille La Jeune fille et la mort ou encore le fameux Roi des Aulnes de nouveaux atours et les intègre de façon plus ou moins cryptée dans ses compositions personnelles.
Ponctuée d’interludes narratifs empruntés à la correspondance du maître du lied ou à des témoignages d’époque, la suite créée par Yves Rousseau ouvre de nouvelles voies. Aux côtés de sa contrebasse, celle-ci nous promène dans les riches univers de musiciens de haut vol, laissant de vrais espaces à leurs personnalités. Le septet joue sur les tempos, déroule les climats et, de la voix mêlée aux instruments, naît une musique pleine de rythmes et de couleurs, reprise à l’occasion de la sortie de l’album chez Abalone Productions
J’ai grandi dans l’écoute de la musique, de musiques… Quelques oeuvres de Franz Schubert ont tenu une place centrale dans cette « éducation » de l’oreille et de l’âme… Impromptus, Moments Musicaux et Sonates pour piano, quatuors et trios pour cordes jusqu’à l’incontournable Symphonie « Inachevée » bien sûr…
Dans le temps de l’adolescence et dans cette solitude si indispensable à la construction de l’être, j’ai ressenti une intense proximité avec cet artiste habité par une flamme qui me semble encore aujourd’hui unique, comme une sorte de fascination pour cette beauté qui me toucha jusqu’au plus intime… Comme si je mesurais alors ce profond conflit qui anima Schubert, conflit « moderne » dont Heine disait qu’il était « ce dualisme universel qui divise l’artiste au cœur de lui-même… ».
C’est aussi à cette époque, à l’aube de mes vingt ans, que je découvrais toute la puissance évocatrice contenue dans l’œuvre du compositeur, particulièrement dans sa partie chambriste, trios, quatuors, quintettes et octuor…
Je voudrais, afin de décrire au plus près cette impression d’un flot mélodique ininterrompu mu par un lyrisme d’une troublante intériorité, entre joie et tourmente, reprendre les mots de Schubert lui-même… « Voulais-je chanter l’amour, il se muait en douleur ; voulais-je ne plus chanter que la douleur, elle se transformait en amour. Ainsi l’amour et la douleur se sont partagé mon être… » [Extrait d’un écrit de Franz Schubert daté du 3 juillet 1822 et publié pour la première fois le 5 février 1839 par son frère Ferdinand dans la « Nouvelle revue musicale » de Robert Schumann (« Neue Zeitschrift für Musik »)]
C’est en souvenir de ces exaltantes découvertes que je souhaite à ce jour proposer un programme construit autour du génie mélodique de Franz Schubert avec un septet constitué de musiciens d’aujourd’hui, pour certains des improvisateurs qui comptent parmi les plus talentueux de la scène musicale européenne, fort d’un parcours atypique qui me fait voyager dans des genres musicaux très variés depuis bientôt trente ans.
Sans omettre de faire entendre sur scène quelques échanges tirés de sa correspondance avec son frère ou ses amis, je travaillerai autour d’un choix d’extraits d’œuvres choisies parmi celles qui m’ont le plus marqué et dans lequel j’insérerai en toute humilité quelques idées originales, comme une preuve tangible et bien réelle de l’effet qu’eurent sur moi ces quelques pages incontournables des styles classique et romantique.
Yves Rousseau, Janvier 2012
3, place du 11 Novembre 92240 Malakoff
Voiture : Périphérique, sortie Porte de Vanves ou Porte Brancion puis direction Malakoff Centre-ville.