« L’inceste ne peut être vu du dehors. Il n’a pas d’apparence particulière. Il ne se voit en rien. Il en est de lui comme la nature. Il grandit avec elle, meurt sans être jamais venu au jour, reste dans les ténèbres du fond de la mer, dans l’obscurité des sables des fonds des temps. De toutes les manières ou les formes de l’amour et du désir, il se joue. De toutes les sexualités diffuses, parallèles, occasionnelles, mortelles, il se joue de même. De son incendie il ne reste rien, aucune scorie, aucune consommation, après lui la terre est lisse, le passage est ouvert. Ainsi passe par un après-midi de mars un jeune chasseur qui remonte le fleuve alors que les pousses de riz commencent à jaillir des sables. Il regarde une dernière fois sa soeur et emmène son image vers les grands cataractes du désert. »
Marguerite Duras
La provocation est dans le monde.
Non seulement depuis, mais également bien avant Shakespeare, la force de l’amour et ses conséquences sont encore et toujours matière à histoires. Prenons Agatha : Elle – Lui – L’amour - Ils sont frère et soeur - Le secret – L’inceste, alors la provocation...
« L’inceste ne passe pas le seuil des maisons. Clos sur lui-même. Il se passe dans une famille, complètement enfermé dans le ghetto de la famille. Comme pour beaucoup de gens – et je le sais, parce que j’ai eu des frères. Plus grands. J’ai eu des frères plus grands qui avaient le désir de moi, de leur soeur, comme j’ai eu le désir d’eux. Et ce désir a été vécu. Il n’a pas été poussé jusqu’au bout, mais il a été vécu, très violemment. Surtout entre mon petit frère et moi. Par ailleurs, je pense que si je devais traiter ce sujet, je serais submergée par l’érotisme, par la violence érotique de l’équation de l’inceste. Je crois qu’on ne peut pas aller plus loin. « Chambre hallucinatoire » c’est l’expression pour désigner le lieu de l’inceste. Je pense que c’est Agatha (le personnage) qui a découvert l’inceste, lui ne l’aurait pas fait, il n’était pas capable de le découvrir. C’est là la force incommensurable de cette petite fille, Agatha… » dit Marguerite Duras à Jean-Luc Godard
« Dans l’inceste, il y a le tout du désir, et le tout de l’amour. Aucune passion ne peut remplacer celle de l’inceste. L’inceste, ça ne se reproduit jamais avec d’autres gens. Parce que c’est une double donnée, justement, c’est un amour et c’est la mémoire. »
Pour moi, une évidence, faire la mise en scène d’une pièce écrite il y a presque quarante ans, avec de tous jeunes comédiens, signifie faire le grand écart.
Hans Peter Cloos, décembre 2016, à Paris
5, passage Louis-Philippe 75011 Paris