Une comédie qui nous emporte dans une transposition contemporaine des Fourberies de Scapin. Sous le prétexte de jouer les anges gardiens auprès de deux jeunes couples d’amoureux, notre facétieux Ahmed, fin psychologue, dupe avec malice de truculents personnages politiques dans un paysage de bande dessinée.
Le rideau se lève pour la compagnie T’occupe pas du Chapeau de la Gamine en avril 2000 avec en poche des objectifs bien précis. Découvrir de nouveaux talents et permettre à de jeunes comédiens et comédiennes sortis tout frais moulus de leurs écoles de se produire sur scène et se confronter ainsi au plaisir du partage avec le public. Proposer un théâtre populaire accessible à tous avec comme composante principale, l’humour, un humour incisif, parfois dérangeant, mais avant tout divertissant.
Après l’univers surréaliste créé pour Ouvrage de Dames et ses trois drôles de dames évoluant au centre d’un cabas géant, nous voici à Sarges-les-Corneilles, au cœur d’une cité, dans une adaptation contemporaine des espiègleries de Scapin alias Ahmed le Subtil.
Celui-ci excelle dans l'art de ridiculiser Moustache, personnage aux propos racistes, la députée du PRRRF Pompestan, le maire PQCF Lanterne et le syndicaliste animateur socioculturel à tendance écolo Rhubarbe. Univers coloré, décalé, imprimé de culture urbaine, pour ce propos qui n'en est pas moins d'actualité car il lance un appel à la tolérance. Un divertissement messager du droit à la différence sur fond de satire du monde politique.
Musique de DJ Click et La Vieille Ecole.
Il y a une douzaine d'années, le philosophe Alain Badiou se lançait dans une entreprise insolite pour un titulaire de chaire théorisant : écrire une cycle de comédies autour d'un personnage d'Algérien en France, construit sur le mode de Scapin, tandis que le ton général serait celui de la satire politique, inspiré celui-là d'Aristophane. Il en composa plusieurs épisodes, Ahmed philosophe, Ahmed se fâche, etc., qui furent tous interprétés par l'acteur Didier Galas dans des mises en scène de Christian Schiaretti.
Ce fut une série de succès, le théâtre parvenant, dans ce cas exceptionnel, à conquérir un public peu habitué à fréquenter les salles de spectacle des réseaux culturels.
Aujourd'hui, une jeune compagnie, drôlement intitulée T'occupe pas du chapeau de la gamine, reprend la première des pièces, Ahmed le subtil.
L'action se passe à la cité de Sarges-les-Corneilles. Où Ahmed se trouve au centre d'une série d'ambitions et de luttes pour la survie. Il y a là un ouvrier blanc et une ouvrière noire qui se débattent face aux attitudes racistes ou belliqueuses. Car le Parti républicain pour le rassemblement et le redressement de la France et le Parti de la qualité communiste française entendent occuper le terrain, tandis que syndicalistes, autogestionnaires et terroristes veulent aussi imposer leur loi. L'amour finira par triompher non sans qu'Ahmed, dans une scène évidemment calquée sur Les Fourberies de Scapin de Molière, bastonne une bourgeoise odieuse, non dans un sac mais dans sa voiture haut de gamme...
C'est écrit sans souci de littérature, avec une grossièreté volontaire.
La mise en scène de Françoise Perez Defigeas adopte cette vivacité gouailleuse avec un style qui évoque le tag : décor où les perspectives se distordent, costumes accusant les modes vestimentaires des cités ou les ridicules des bourgeois. Elle a fait appel à des danseurs de hip-hop qui ouvrent et ferment le spectacle sur un air de rap. On pourrait craindre que cette imagerie de bande dessinée rugueuse s'épuise vite mais, au contraire, l'énergie des comédiens, la malice des déplacements et des enchaînements communiquent une tonicité continue à la soirée.
Tous les acteurs ne sont pas égaux, mais ils ont de la fougue autour d'Ahmed joué avec une sincérité enjouée par Lionel Cecilio, vêtu de la veste d'Aladin et d'un pantalon de jogging. On retiendra aussi Christophe Baillardeau, excellent en Français moyen, et Anne de Peufeilhoux, très amusante en grande dame du Parti républicain.
Tous sont valeureux et, sous la direction nerveuse de Françoise Perez Defigeas, donnent une nouvelle jeunesse à la virulence (bienveillante) de la pièce. Amateurs de belle esthétique s'abstenir ! Pour les autres, ça chauffe à bonne température.
Gilles Costaz
Tous les comédiens sont égaux dans cette pièce et nous avons remarqué l'humour quelque peu effronté de Rhubarbe nous avons aimé.
Tous les comédiens sont égaux dans cette pièce et nous avons remarqué l'humour quelque peu effronté de Rhubarbe nous avons aimé.
7, rue des Plâtrières 75020 Paris