Issue de l’union fatale d’OEdipe et de Jocaste, Antigone est aux prises avec son destin, en révolte contre l’ordre des hommes. Ses frères Étéocle et Polynice se sont entre-tués lors de la guerre des Sept Chefs. Leur oncle, Créon, devenu roi de Thèbes, organise des funérailles solennelles pour le premier et refuse que le corps du second soit enseveli. Bravant l’interdit, Antigone recouvre de terre le corps de Polynice. Arrêtée, conduite devant le roi qui tente de la sauver, l’inflexible jeune fille rejette avec véhémence le bonheur, factice, que son oncle lui promet. Et le verdict tombe, déclenchant l’implacable mécanique tragique, sans que rien ni personne ne parvienne à faire fléchir Créon.
« Je n’ai pas de biographie et j’en suis très content », aimait à dire Jean Anouilh. En effet, la vie de cet auteur à succès se confond avec la chronologie de ses pièces. Triomphe à sa création en 1944 dans une mise en scène de Barsacq, Antigone fait partie des « pièces noires », selon la classification que l’auteur fit lui-même de la quarantaine de pièces qu’il a écrites. Après Sophocle, Anouilh reprend le mythe d’Antigone qu’il ancre dans la modernité du XXe siècle, développant l’héroïsme d’une enfant, symbole de la résistance au tyran.
Rappelant qu’Anouilh a écrit et fait représenter son Antigone pendant l’Occupation, Marc Paquien s’attache au choc que fut cette création. Antigone, femme moderne, qui s’extirpe du mythe, nous adresse, dans une langue d’une simplicité et d’une beauté incroyables, un message de résistance qui fait écho au monde d’aujourd’hui.
Distribution en alternance.
« On pourrait s’attendre, en lisant Antigone de Jean Anouilh, à une simple ré-écriture de la pièce de Sophocle, comme cela arrive souvent, mais il n’en est rien. Dans le contexte de l’occupation allemande, en 1944, Jean Anouilh et André Barsacq (le metteur en scène d’Antigone et directeur du Théâtre de l’Atelier), décident d’un geste bien plus audacieux. Dans le Paris des rafles, des tracts et des attentats, de la peur et de la violence, la figure d’Antigone vient soudainement incarner tout l’espoir d’une génération, devient le symbole de toutes les résistances. Loin du tragique religieux (ce n’est ni Sophocle, ni Claudel), loin d’un tragique athée (ce n’est ni Camus, ni Sartre), la pièce de Jean Anouilh s’incarne dans l’époque et nous ébranle.
C’est un objet singulier, complexe, polémique et poétique, qui nous saisit et nous émeut, violemment. Et surtout, qui nous questionne. Une grande comédienne, adolescente à l’époque de la création d’Antigone, me racontait récemment à quel point cet événement avait soulevé l’espoir, en 1944 : « On en était fous, me disait-elle, c’était la voix que nous voulions entendre… ». Il me semble qu’aujourd’hui encore, cette voix-là peut vibrer de toute sa force, de toute sa singularité.
Bien sûr, la personnalité de l’auteur divise. Jean Anouilh est un être à part, difficile à saisir, qui s’est élevé, après la guerre, contre l’épuration et la condamnation à mort de Robert Brasillach, comme de nombreux intellectuels, et fut ensuite très vite catalogué politiquement. La pièce n’est pas écrite « pour » la résistance, mais elle devient, au vingtième siècle et jusqu’au vingt-et-unième, « notre » Antigone, un acte fondateur de résistance. Et elle ouvre évidemment la voie à toutes sortes de réflexions liées à la question même du politique. Qu’attendons-nous de l’autorité de l’État ? Quel champ sommes-nous prêts à laisser aux actes individuels… ?
La chose la plus singulière est de découvrir, qu’ici, Antigone n’agit pas au nom des dieux. Elle l’affirme de façon très explicite quand Créon lui demande les raisons de son geste et qu'elle répond : « Pour moi ». Chez Sophocle, le peuple hurle aux portes du palais pour sauver la jeune femme. Chez Anouilh, il crie pour demander sa mort. Elle ne semble pas non plus déterminée par son passé : elle ne se souvient de rien et ne fait qu’avancer. Le mythe semble renversé pour faire place à une cruauté bien plus familière et laisser Antigone s’incarner dans notre modernité.
Comme tous les autres personnages de la pièce, elle est habitée par la peur. Le chemin vers la mort n’est pas une chose facile pour elle, elle semble vaciller au moins à deux reprises. Antigone n’est qu’une enfant aspirant à rester pure face à ses idéaux. Ces thèmes de l’enfance et de la pureté se retrouvent d’ailleurs dans toute l’oeuvre de Jean Anouilh, et résonnent ici d’une manière toute particulière. Antigone n’entrera pas dans le monde des adultes, elle ne sera pas souillée par ce monde de compromissions.
La force de la pièce est aussi de rompre avec la tragédie antique, comme si l’auteur avait cherché à faire exploser le mythe, à le violenter. Le début d’Antigone, où le Choeur présente tous les personnages, fait penser à une effraction : maintenant que tout a disparu, regardons notre histoire. Et quand on songe au contexte de chaos qui secoua le monde dans les années 1940, à la destruction qui était en marche, on comprend aisément le poids et la résonnance de ce texte.
Sous une apparente simplicité, l’oeuvre de Jean Anouilh est loin d’être simpliste. Elle révèle, au contraire, une grande complexité et un sentiment de tourment face au monde. Des forces terribles et violentes surgissent à sa lecture. Antigone nous projette face à nous-mêmes, face à nos propres questionnements et face à nos propres idéaux.
La figure d’Antigone peut s’incarner partout dans le monde. Elle surgit et nous interpelle sans cesse : on peut penser à Simone Weil, mystique et résistante, à Anne-Marie Schwarzenbach, antifasciste engagée, ou bien, plus proche de nous, à Annabelle Delory, cette jeune femme qui réclame toujours que la lumière soit faite sur la mort de son frère otage au Niger.
Cette Antigone n’est plus une héroïne lointaine, prisonnière de son passé et du pouvoir des dieux, mais une jeune femme qui, refusant que le corps de son frère pourrisse au soleil, incarne toutes les rébellions du monde. Elle prend en charge notre propre histoire, nos propres révoltes, nos propres actes de résistance contemporaine.
Dans le prologue dit par le Choeur, Anouilh nous rappelle que la tragédie a déjà eu lieu, que tout est déjà terminé. Il tend ainsi un miroir vers notre monde qui n’en finit pas de s’éteindre… Son théâtre devient véritablement l’art de faire parler les morts. »
Marc Paquien
« Une mise en scène dans l'esprit de l'auteur qui fait ressortir la modernité du propos et le talent de la troupe de la Comédie-Française. » Figaroscope, Nathalie Simon
« Marc Paquien, qui signe la mise en scène, dégage cette pièce, écrite par Anouilh en pleine Occupation (1944), du drame bourgeois auquel on la réduit le plus souvent. En faisant entendre ses dimensions tragique et politique, il permet à Antigone de trouver une modernité surprenante. Sa mise en scène lumineuse et habitée est servie par d'excellents acteurs (...) » Sylviane Bernard-Gresh, Télérama sortir
Un peu déçue par l'interprétation ( Antigone et Créon )
tout est bien sauf le personnage Antigone mal fagoté soit on l'entend mal soit elle crie au lieu de hausser le ton mise en scène bonne autres personnages très bien cette antigone là nous aussi nous l'aurions condamnée
Sublime, Françoise Gillard est époustouflante, grand hommage à Anouilh et interprétations intemporelles par toute la troupe !
Excellent spectacle
Pour 9 Notes
Un peu déçue par l'interprétation ( Antigone et Créon )
tout est bien sauf le personnage Antigone mal fagoté soit on l'entend mal soit elle crie au lieu de hausser le ton mise en scène bonne autres personnages très bien cette antigone là nous aussi nous l'aurions condamnée
Sublime, Françoise Gillard est époustouflante, grand hommage à Anouilh et interprétations intemporelles par toute la troupe !
Excellent spectacle
Très belle pièce, forte et qui prend encore plus de sens si on la resitue en 1944, sa date de création. Les acteurs jouent très juste, avec le bon degré d'exalataion pour Antigone et de compromission pour Cléon. La mise en scène est originale, le décor simple mais adapté... Bref un excellent spectacle
Les personnages principaux étaient tous excellents, la mise en scène très bien et avec une pointe d'originalité, ... Bravo!
Nous avons passé une très bonne soirée avec mes filles. Les acteurs sont tous de grande qualité et très professionnel. Bravo pour cette belle interprétation
superbe et tellement actuel
Très bon moment, bon jeu d'acteurs, audibles et bien posées (les voix). Du coup je m'interroge sur la légitimité de mon point de vue lorsque je lis le commentaire de JEAN G. Pour ma part j'ai partagé un grand moment d'émotion sur un texte que je connais bien. Alors peut-être ai-je inconsciemment complété les "lacunes" des acteurs ?...
Le texte toujours aussi beau et d'actualité. Un texte sans doute trop exigeant pour certains. Des voix qui ne passent pas toujours la rampe très loin. J'en attendais plus. De très bons moments: la deuxième et la troisième tirade du chœur, le texte du garde, parfois Créon, pas assez souvent Antigone elle-même... Seulement assez bien.
j'y suis allée un peu par hasard, n'attendant rien de particulier. Un éblouissement. merci et bravo
Place Colette 75001 Paris