Tout public dès 14 ans.
Boon, un anthropologue judiciaire, témoigne d’une découverte étrange qui a fait basculer ses convictions et sa vie. À travers l’histoire de Murdoch, adolescent incapable d’arrêter de parler, et celle de Norvège, personnage affligé d’une transparente vulnérabilité, Boon replonge dans sa propre adolescence d’où ressurgit le fantôme d’un rêve abandonné.
Avec Assoiffés, neuvième création du Théâtre Le Clou, Wajdi Mouawad nous donne à entendre une parole singulière, lucide et engagée. Benoît Vermeulen, après Au moment de sa disparition et Romances et karaoké, nous propose à nouveau une forme étonnante où la barrière entre la réalité et la fiction se dissout, les frontières du temps explosent, la force de vivre triomphe de l’inertie.
Assoiffés à été créé en octobre 2005 lors d’une résidence au Théâtre Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse avec la collaboration de la Salle Pauline-Julien à Sainte-Geneviève. Nous avons associé au processus de création des groupes témoins d’adolescents à qui nous avons présenté le spectacle à différentes étapes : lectures, enchaînements, représentations expérimentales. Chaque séance était suivie d’une discussion où commentaires, suggestions et critiques étaient les bienvenus.
« Assoiffés est l'une de ces productions essentielles dont on ne sort pas indemne, une sorte de grand cru grinçant. Pourquoi un grand cru ? Parce qu'on n'oubliera pas de sitôt la vigueur du cri qu'on y entend. Parce que Murdoch, le jeune ado révolté, est l'un des plus beaux personnages de théâtre qu'on ait vu ici. Parce que la mise en scène de Benoît Vermeulen est éblouissante […]. Parce que la scénographie de Raymond Marius Boucher est exceptionnelle et que tout l'ensemble parle aux ados dans une langue qui est la leur et qui vient les chercher dans ce qui les révolte. » Michel Bélair, Le Devoir, 21 novembre 2006.
Il arrive quelques fois au réveil d'étranges choses. Nous ouvrons les yeux et parce que cette nuit-là on a dormi un peu plus profondément que d'habitude, on ne se reconnaît plus dans le miroir, on se sent habité par une soif nouvelle, quelque chose d'absolument impossible à étancher. Parfois, la digue ne peut plus supporter la pression qui vient du large et tout craque dans nos vies, tout déborde, tout s'inonde comme si la planète que nous étions chacun ne supportait plus le trop plein de quiétude et d'endormissement.
Parfois, c'est la beauté dans ce qu'elle a d'évident qui nous saute au visage et marchant dans la rue, on ne cesse d'y voir, partout, son cadavre, comme si la ville au complet était ensanglantée par le massacre de ce qui est beau. D'où vient que, d'un jour à l'autre, on ne supporte plus le préfabriqué ? Le laminé ? Le tout fait ? Les maisons en carton ? D'où vient que, tout à coup, attendre l'autobus prend des proportions insoupçonnées et, sans trop savoir pourquoi, on se met à penser au chauffeur de l'autobus en question, qui toute sa vie durant la passera derrière un volant ?
D'où vient le sentiment que nous sommes aujourd'hui plus que jamais au temps du sacrifice humain, mais un sacrifice pour rien, pas même pour les dieux, juste pour le fun. « Merci Mélanie pour ton courage mais le public n'a pas voté pour toi et c'est toi qui est éliminée, bravo pour les autres et la semaine prochaine nous éliminerons un autre candidat ! » Catastrophe catastrophe ! Un vertige effrayant et injuste s'abat sur nous et on se dit : « Calme-toi, il faut bien gagner sa vie… »
D'où vient que notre mesure des choses se soit à ce point amenuisée ? Pourquoi les adolescents que je connais ont pour principale occupation de passer leur temps à massacrer les enfants qu'ils ont été ? Ce sont ces questions qui ont fait émerger à la pointe du jour Murdoch, le faisant rentrer un jour dans ma chambre. Il m'a réveillé : « Envoye esti de fainéant, attrape ton crayon, penche toi sur ton esti de cahier, ouvre les yeux pis écris ! ».
Qui est Murdoch ? Murdoch se lève un matin avec une décision claire et nette : tant qu'à être un mésadapté gâté et précieux, autant devenir un mésadapté poétique et incompréhensible. Au moins, il aura été lui-même dans toute sa grandeur, un peu comme une tentative de redevenir le héros grec qu'il était lorsque sur les rivages de Troie, Achille se battait contre Hector, tout cela à cause d'une femme qui fut enlevée par une culture à une autre. C'était l'époque où les dieux, sans doute Hermès, dieu messager, était le conducteur de l'autobus. Colère colère.
Wajdi Mouawad
Pendant un mois, tous les matins, nous nous sommes rencontrés, Wajdi et moi, dans son petit studio du Vieux-Montréal, pour discuter, de tout et de rien, de notre adolescence, du monde dans lequel nous vivons, de beauté.
Un jour, il m'a demandé : « Pourquoi tu te lèves le matin ? ». Et c'était parti ! Voilà le genre de question dont la réponse commande automatiquement une autre question qui nous entraîne, inévitablement, dans une zone de plus en plus existentielle :
- Pour le travail…
- Pourquoi faire ce travail ?
- Par passion…
- Pourquoi ce besoin de passion ?
- Pour se sentir vivant…
- Pourquoi ce besoin de se sentir vivant ?
Cette spirale nous conduit jusqu'aux confins de nous-mêmes et, à défaut d'apporter une réponse satisfaisante, nous donne la conviction que nous sommes tous unis, en tant qu'êtres humains, par une insatiable soif d'infini. Et que si parfois on oublie cette soif, elle fini toujours par nous rattraper, un jour ou l'autre.
Benoît Vermeulen
23 rue de Bourgogne 69009 Lyon