« Anne. (...) Tu es là ? Non ? Bon. » Anne n'est pas là. Anne ne sera pas là. Personne ne joue Anne. Mais tous jouent à raconter Anne. Tous jouent à la faire apparaître furtivement, avec la seule parole en guise de baguette magique.
Nous sommes au théâtre. Une pièce sans rôle. Sans distribution. Des tirets seulement, indiquant la prise de parole. Une pièce pour des comédiens/scénaristes. Une pièce/prologue où les comédiens jouent le rôle de l'auteur qui joue à écrire une pièce. Une pièce qui ne sera jamais jouée.
Ce qui est joué, ici, et déjoué, c'est l'écriture elle-même. Ce qui se joue, à chaque instant, c'est la tentative. Ce qui se joue, c'est le théâtre lui-même. Nous jouons à faire du théâtre.
Nous avons pour seule fiction la réalité du plateau. La langue de Martin Crimp distille ce paradoxe : elle est vacillante, elle oscille en permanence entre une parole qui semble s'inventer sur l'instant et une parole qui au contraire s'assume comme matériau préexistant, déjà écrit, déjà dit surtout ! Elle est éminemment théâtrale. Parce que le théâtre, c'est cette oscillation, ce point d'orgue entre la répétition et le présent. C'est ce que nous jouons, c'est notre jeu : un présent répété, une répétition au présent. Nous jouons à montrer. Nous jouons " à vue " . Nous renonçons aux coulisses...
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