En 1939, Jean Renoir tourne La Règle du Jeu, chef d’oeuvre du cinéma français que Godard, Truffaut n’ont jamais cessé de saluer. Inspiré de Musset, le film est une sarabande amoureuse, entrainant maîtres et valets, exquise et tragique, sur fond de montée de guerre et d’antisémitisme. Mal accueilli d’abord, il est la plus subtile méditation sur la société d’avant-guerre que le cinéma ait produite.
Aujourd’hui Benoit Giros, jeune metteur en scène remarqué, avec ses projets au long cours, amples, généreux, revient sur les pas de Renoir. Ce qu’il veut y ausculter, c’est l’inquiétude pour le temps, dont le cinéaste disait en 1939 qu’elle l’avait tenu sur un fil pendant tout le tournage. Inquiétude devant la montée des haines, devant l’imminence de guerres que l’on s’emploie à nier, devant la règle d’un monde où dominent la défiance et le mépris pour l’injustice et la pauvreté. Un temps aussi pour un nouveau courage.
L’histoire racontée, c’est celle de Renoir, tiraillé entre le désir d’être un héros, et celui de continuer à faire du cinéma, au risque de la lâcheté. C’est la chronique décalée de cette année décisive, avec ses notes troubles, euphoriques ou angoissées, et sa fuite en avant. C’est une méditation sur les questions qu’un homme doit affronter quand l’époque accélère sa menace.
À mesure que monte la délicieuse sarabande des héros de Renoir, avec leur grâce et leur cruauté, montent les échos du temps, le temps des années 30. Notre temps au péril jumeau.
Le théâtre aime le cinéma, ses fantômes, sa vie en nous.
Librement inspiré de La Règle du Jeu de Jean Renoir
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