En 1975 au Laos, après 25 ans de guerre, le changement de régime contraint une famille à quitter ses terres. Elle entreprend alors un voyage qui la mènera jusqu’à une cité de béton de la banlieue parisienne.
Au revoir Pays raconte une de ces innombrables histoires de réfugiés, comme il en existe des millions. Ces fragments de vie d’une famille comme les autres, dont le quotidien vole en éclat, sont le témoignage d’une réalité qui donne tout leur sens à ces mots abstraits, si souvent utilisés dans les médias : " exil " , " identité " et " intégration " .
La guerre au Laos a tendance à être oubliée de l’Histoire. On connaît davantage le destin de ses grands frères, le Vietnam et le Cambodge. Ce petit pays a pourtant connu dans les années 70 de sombres événements.
La prise de pouvoir des communistes entraînera en effet l’exode de près de 10% de sa population, contrainte de tout abandonner pour reconstruire ailleurs. Autant de drames personnels que les témoins de cette époque ne souhaitent plus évoquer. Mais comment trouver lapaix si l’on se refuse à guérir les plaies du passé ?
Les histoires que l’on ne raconte pas sont à jamais oubliées… L’auteur, elle-même issue d’une famille de réfugiés politiques laotiens, a découvert les circonstances de son arrivée en France par hasard, au détour d’une conversation. Il lui a alors semblé nécessaire d’effectuer un travail de mémoire afin de lever le voile sur 30 ans de silence.
A travers son témoignage, l’auteur a souhaité mettre en exergue une problématique : la difficulté de recréer un sentiment d’appartenance à une terre lorsque l’on vit dans un pays d’adoption. En effet, en fuyant leur pays, les réfugiés deviennent apatrides, ils sont citoyens du monde… et de nulle part. La pièce interpelle le spectateur sur des thèmes plus actuels que jamais : comment définir l’état psychologique mais aussi les positions sociales et politiques d’une personne qui a quitté sa patrie pour une vie (qu’il espère) meilleure ? Comment gérer les contraintes sociales propres au pays d’accueil ? Et de manière générale, comment savoir qui l’on est vraiment si l’on ne sait pas d’où on vient ?
Les notions d’identité et d’intégration sont étroitement liées mais restent parfois mal définies… A quel moment peut-on dire que l’on est Français ? Cela passe-t-il par la maîtrise de la langue ? Parle degré de métissage sur son visage ? Par la reconnaissance personnelle de ce que l’on est ? Par celle des autres ? Où s’arrête l’intégration et où commence l’assimilation ?
Dans le cas de la jeunesse asiatique, on pense à tort qu’elle a su trouver sa place dans la sociétéfrançaise du fait de son intégration économique. En latin integrare signifie renouveler, rendre entier, entrer dans un tout. Aussi, qu’en est-il de l’intégration sociale ? Les premières générations sont arrivées avec la volonté de s’adapter au pays d’accueil, tout en nourrissant l’espoir de transmettre à leurs enfants la culture du pays d’origine. Ces derniers se retrouvent donc déchirés entre le système de valeurs inculqué en famille et le mode de vie local, avec un sentiment permanent de renier l’un lorsqu’ils se plient à l’autre.
« L’idée d’écrire ce texte a germé un soir de Noël, alors qu’une de mes tantes, passablementéméchée, laisse échapper un détail de la vie de ma famille en camp de réfugiés. Je n’avais jamais vraiment su pourquoi et comment ma famille avait quitté le pays, ni les circonstances exactes de ma naissance. Seule ma carte décernée par l’OFPRA m’indiquait que j’étais réfugiée politique et apatride.
Depuis ce soir-là je n’ai eu de cesse de les harceler, dictaphone à la main, pour me faire raconter l’histoire entière. Il est en effet rapidement devenu évident que chacun recelait des péripéties qui auraient pu être les sujets d’innombrables livres ! Avec du temps et de l’obstination, j’ai fini par extorquer le récit de l’exil des membres de ma famille. Si j’avais grandi en ignorant circonstances qui avaient amené ma famille ici, il était fort probable que d’autres soient dans lemême cas. Et là je me suis dit : impossible que cette histoire reste dans un tiroir, il faut que je la raconte. »
Thiane Khamvongsa
7 rue Véron 75018 Paris