Bérénice

Boulogne Billancourt (92)
du 12 au 22 janvier 2006
2 heures

Bérénice

CLASSIQUE Terminé

Ni horreur, ni fureur dans Bérénice qui est une plainte à trois voix, poignante et déchirante. Celle de Bérénice, reine de Palestine, sommée de retourner chez elle par l’homme qu’elle aime. Celle de Titus, empereur de Rome, qui s’oblige à sacrifier son amour aux exigences de la raison d’Etat. Et enfin celle du roi de Comagène, Antiochus, condamné par Bérénice à un silence éternel sous peine d’en être haï. Au delà du contexte historique, Racine exprime tous les renoncements auxquels nous sommes confrontés.

Une plainte à trois voix
Note d'intention
Remarques du metteur en scène

Ni horreur, ni fureur dans Bérénice qui est une plainte à trois voix, poignante et déchirante. Celle de Bérénice, reine de Palestine, sommée de retourner chez elle par Titus, l'homme qu'elle aime. Celle de Titus, empereur de Rome, qui s'oblige à sacrifier son amour aux exigences de la raison d'Etat. Et enfin celle d'Antiochus, roi de Comagène, éperdument amoureux de Bérénice, et condamné par elle à un silence éternel sous peine de s'en faire haïr. Au delà du contexte historique, Racine exprime tous les renoncements auxquels nous sommes confrontés et si nous sommes touchés à ce point par un texte écrit il y a trois siècles, c'est qu'il met en lumière nos lâchetés, nos compromis, nos fragilités et la violence d'une lutte où chacun doit tuer une part de lui-même pour continuer à vivre !

Bernard Lévy, comédien et metteur en scène, formé au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, a notamment travaillé sous la direction de Georges Lavaudant, Jean-Michel Ribes ou Bernard Sobel. Fidèle à la parole des auteurs, ce metteur en scène aborde avec la même rigueur les textes de Paul Claudel ou de JeanLuc Lagarce, en offrant une lecture limpide de l'œuvre dépouillée de ses apprêts pour nous la rendre encore plus proche et mieux nous faire saisir que Bérénice est un chef-d'œuvre intemporel...

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Lorsque je dois écrire un texte sur une oeuvre théâtrale, je suis toujours gêné et emprunté. C’est comme évoquer un iceberg et ne prendre en compte que sa partie visible. Je crois que pour être sérieux et surtout singulier, il nous faudrait plonger, l’observer, le mesurer, faire des prélèvements, etc. Alors nous pourrions émettre certaines hypothèses. Pour le théâtre, et à fortiori pour une oeuvre comme Bérénice, seule la mise à l’épreuve du plateau m’importe. En effet, comment transmettre l’importance du grain de la voix d’un comédien par exemple ou l’intensité d’un silence ou des corps qui se frôlent.

Ces précautions nécessaires étant faites, je peux maintenant faire quelques remarques.

Au fur et à mesure de mes lectures et discussions autour de Bérénice, je me rends compte que cette oeuvre est très souvent considérée comme étrange. C’est une tragédie mais aucun meurtre sur le plateau ou en coulisse, pratiquement aucun événement théâtral important, à tel point que j’ai souvent entendu dire à son sujet : « ce n’est pas facile de la mettre en scène, il ne se passe pas grand chose ». Ce serait en quelque sorte un long poème dramatique que l’alexandrin, certes sublime, rendrait étale en le « nappant » d’une douce tristesse. Or pour qu’il y ait « théâtre » comme on dit, il doit y avoir conflit.

Mais à y regarder de plus près et en ce qui me concerne, je perçois Bérénice comme terriblement conflictuelle, et même s’il n’y a pas de meurtre, toutes ces scènes ne sont que des tentatives de meurtres envers soi-même: chaque personnage, je parle ici des trois principaux, lutte et cherche à tuer une part de lui-même (politique ou amoureuse), Bérénice allant jusqu’à menacer de se tuer. Il nous faudra montrer la violence et l’intensité de ces combats.

C’est une tragédie, dans le sens où Racine nous donne à voir dans ce « cabinet » la part profondément intime de ces hommes de guerres. Dès le début, à peine Antiochus est-il sur scène, qu’il tremble de peur. Plus tard, Titus va pleurer. L’ aveu de ces hommes politiques usés par la guerre me touche.

Je me suis longtemps interrogé sur l’émotion et la sensualité à propos de l’écriture de Bérénice. Comment est-ce possible qu’un texte écrit trois siècles auparavant puisse nous toucher à ce point ? Serions-nous aussi émus si la même histoire avait été écrite en prose? Il me semble que cette écriture à un «pouvoir dire» qui nous échappe totalement. Et c’est peut-être dans cette part manquante que nous pouvons «charger» la lecture de notre propre intimité. Alors, elle devient éternelle puisque sans cesse lue à l’aulne de son histoire et l’on ne s’étonne plus dès lors de son évidente modernité.

Bernard Lévy

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Je ne peux m’empêcher de penser à l’oeuvre du peintre Mark Rothko et du cinéaste Wong Kar-Wai lorsque je pense à Bérénice, sans doute pour l’émotion, la sensualité et la violence contenue que je ressens.

« Arrêtons un moment. » La pièce commence par ce premier vers. D’où viennent-ils et pourquoi s’arrêter ? Peut-être pour faire du théâtre...

Antiochus pourrait boiter et rentrer peut-être par la salle…

Les confidents (Arsace, Phénice, Paulin) sont essentiels. Ils me font penser à un choeur antique, mais aussi à un psychanalyste : ils sont en retrait, ils écoutent, observent, commentent, encouragent, invectivent et apaisent. Ils pourraient être tous les trois d’un certain âge et se situer près des murs...

L’alexandrin a un pouvoir dire qui nous échappe et c'est très bien ainsi... Ne pas taper sur les mots. Pas d’emphase. Chaque vers devra être joué comme si l’on voulait fendre l’atmosphère avec de la matière.

C’est un espace où l’on doit ressentir à travers les murs, la pression extérieure (politique).

« Il fallait partir sans la revoir. » Antiochus (Acte I, sc IV) Cette réplique est pour moi la plus surprenante de la pièce. Antiochus dit cette réplique au passé, comme si il avait déjà vécu cette situation, comme un commentaire, une voix off...

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Spectacle terminé depuis le dimanche 22 janvier 2006

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