Splendeur de Racine
La tragédie par Roland Barthes
Dans L'Est Républicain (31
octobre1999)
Trop noir, trop hautain, trop terrible : Racine s'accommode mal des tiédeurs de notre époque rampante. Britannicus est certes une tragédie de l'orgueil et Racine reste le peintre des grandes ambitions, de celles qui font trembler. Mais Racine est un poète avant d'être un moraliste : c'est celui-là qui nous parle. Il faut écouter ce que Néron et les autres ont à nous dire : des choses cruelles et douces aussi. Avec BRITANNICUS, tout est dans la langue, une langue qui cogne et qui caresse. C'est elle que nous nous proposons de faire entendre. Un Racine impérial et mozartien avant la lettre. Une leçon de présence musicale.
La tragédie par Roland Barthes
( ) La tragédie est la plus grande école de style ; elle apprend plus à interpréter le drame humain qu'à le représenter, plus à le mériter qu'à le subir.
Dans les grandes époques de la tragédie, l'humanité sut trouver une vision tragique de l'existence et, pour une fois peut-être, ce ne fut pas le théâtre qui imita la vie, mais la vie qui reçut du théâtre une dignité et un style véritablement grands. Ainsi, dans ces époques, par cet échange mutuel de la scène et du monde, se trouva réalisée l'unité de style, qui, selon Nietzsche, définit la culture. Pour mériter la tragédie, il faut que l'âme collective du public ait atteint un certain degré de culture, c'est-à-dire non pas de savoir, mais de style. ( )
( ) Si le drame (dont le genre décadent fut le mélodrame, et l'un s'éclaire bien par l'autre) procède par un surenchérissement toujours plus débordant sur les malheurs humains, souvent dans ce qu'ils ont de plus pusillanime, la tragédie, elle, n'est qu'un effort ardent pour dépouiller la souffrance de l'homme, la réduire à son essence irréductible, l'appuyer en la stylisant dans une forme esthétique impeccable sur le fondement premier du drame humain, présenté dans une nudité que seul l'art peut atteindre. ( )
Dans L'Est Républicain (31
octobre1999)
"Un Britannicus purement classique aux Deux Sapins"
"C'était une représentation très commentée que celle de Britannicus donnée au Théâtre des Deux Sapins vendredi et samedi soir. Marcel Guignard, directeur du théâtre du Pilier avait su choisir une uvre que certains avaient étudié à leur époque.
L'interprétation du texte en vers a un peu dérouté certains. En effet, les créations cinématographiques et théâtrales contemporaines semblent avoir oublié ce support parfaitement adapté à la tragédie. Mais une fois entré dans le texte, dans ce lieu unique strictement respecté, la salle du palais propre aux classique, le drame se déroule impeccablement. Terreur et pitié, ce sont les réactions que Racine voulait, de la part des spectateurs. Et, se référant au principe de catharsis, il développe les sentiments excessifs de la passion amoureuse et politique, signes d'un destin irrémédiable et inévitable.
Et le drame de ces personnages aux murs "tordues", excessives, se déroule, sans aucune pitié, ou si peu. Où la seule manière d'évincer un rival est de le supprimer physiquement.
La Compagnie Théâtrale de la Cité a ainsi créé une présentation stricte, avec des comédiens entrés dans leurs personnage, Philippe Villiers en Néron étonnant, Britannicus étant incarné par François Delaive, Agrippine ayant le visage et la voix de Christine Gagnepain, Stephanie Peiffert en amante de Britannicus, le gouverneur de Néron, Burrhus est campé solidement par Luciano Baldelli, le gouverneur de Britannicus, Narcisse est Nicolas Hocquenghem, et la confidente d'Agrippine, Albine est Florence Barillot. La mise en scène de Nicolas Hocquenghem et les lumières de Hassen Sider étaient parfaitement étudiées et utilisées. Un très beau spectacle et une interprétation de qualité, ont été également aidés par la sobriété des costumes créés par Fabrice Loubatières."
20, rue Théodore Deck 75015 Paris