Cahier de textes

Paris 11e
du 17 novembre au 12 décembre 2015
1h20

Cahier de textes

Une enseignante nous livre, pêle-mêle, ses souvenirs avec humour et sérieux, nous voyageons avec elle. Ses souvenirs nous rapprochent des nôtres. Les rentrées scolaires, les voyages et leurs péripéties, les mutations, les grèves et les élèves, autant de sujets qui nous rappellent que nous sommes tous des enfants de l'école...
  • Souvenirs d'école

Je n’ai jamais décidé d’être prof. Ça s’est fait tout seul, sans que j’aie eu besoin d’y réfléchir. Je ne me suis jamais dit : « plus tard, c’est évident, je serai prof. » Non. Ça s’est fait comme ça.

Une enseignante nous livre, pêle-mêle, ses souvenirs avec humour et sérieux, nous voyageons avec elle. Ses souvenirs nous rapprochent des nôtres. Les rentrées scolaires, les voyages et leurs péripéties, les mutations, les grèves et les élèves, autant de sujets qui nous rappellent que nous sommes tous des enfants de l'école...

  • Genèse

Le 5 juillet 2013 le Théâtre la Boutonnière est convié au rituel repas de fin d’année des professeurs et personnels du Collège Alain Fournier, dans le 11ème arrondissement de Paris.

L’occasion pour les enseignants qui quittent les lieux, de témoigner en quelques mots et d’apporter la conclusion d’une ou plusieurs années passées dans cet établissement.

Vient le tour d’une professeur d’Espagnol, Béatrice Mandopoulos : «Je me souviens... de mes débuts en banlieue, des trajets en RER, des premiers établissements scolaires en préfabriqués, de mon engagement politique, d’anecdotes, de diverses réflexions des élèves, des parents... De mon choix, pour un enseignement strict, souvent contesté par les instances officielles. J’ai un savoir et mon travail, c’est de le transmettre aux élèves. »

Dans ce hall bien glacial, en dépit des 30° estivaux, l’atmosphère se réchauffe. Quelques applaudissements, une émotion partagée, on en redemande... Surprise elle-même par l’instant, portée par la force du leitmotiv de Perec la voilà repartie « Je me souviens »... de mon arrivée au Collège Alain Fournier... des manifestations, des discussions entre enseignants, de cet élève qui...»

En l’écoutant, je suis conquise par cette femme, son amour pour l’enseignement et son engagement dans sa vie professionnelle. J’ai le désir d’apporter cette parole brute au plateau.

Septembre 2013, je reçois Béatrice au théâtre, et lui propose de la mettre en scène, elle, et son histoire ! Surprise, d’emblée Béatrice me répond : « Ecrire oui mais, monter sur scène... ! » Alors elle a écrit.

Le temps de l’écriture m’a fait découvrir une femme qui n’a jamais prétendu avoir une parole extraordinaire à délivrer mais défend bec et ongles son métier, sa matière et sa manière d’enseigner. J’aime l’idée que d’une rencontre inattendue, un projet ait pris son envol.

Cécile Lehn

  • Interview de l'auteur

Pourquoi écrire ce texte ? Qu'est-ce qui vous a, en dernier ressort, décidé à l'écrire ?
C’est tout simple : parce qu’on me l’a demandé ! Si Cécile Lehn n’avait pas entendu, ce matin du 5 juillet 2013, mon discours d’adieu au collège Alain-Fournier et à ma vie d’enseignante, si elle n’y avait pas trouvé « matière à théâtre », jamais l’idée ne me serait venue de plonger ainsi dans mes souvenirs. Il y a un monde entre égrener quelques anecdotes pour faire sourire ses collègues et se lancer dans l’aventure de l’écriture d’un vrai texte. A dire vrai, j’ai d’abord hésité. Quel intérêt présente mon histoire à moi ? Qui aura envie de partager cette expérience somme toute banale ? Pourquoi moi ? Ces questions mises de côté, j’ai laissé les choses se faire...

Comment s'est passée la création pour vous ?
Je ne suis pas écrivain et je n’ai pas joué à l’être. Je me suis plutôt sentie détective à la recherche des épisodes les plus marquants de ma vie d’enseignante. D’emblée, j’ai été surprise par les micro-souvenirs, les histoires minuscules qui remontaient tout seuls à la surface, dès que je prenais un crayon. Ensuite, bien sûr, il faut trouver les mots pour transmettre. Les mots et le ton. C’est un exercice très particulier quand on est son propre sujet. C’est difficile à croire, sans doute mais j’ai parfois eu la sensation de faire mes devoirs. Alors forcément, je me suis appliquée !

Qu'est-ce que ce texte a représenté pour vous ? Y-a-t-il des choses qui se sont révélées à vous, sur votre parcours d'enseignante et, si oui lesquelles ?
Je n’ai pas eu de révélation ! A aucun moment, au cours de ce long processus de presque deux ans, je n’ai eu la surprise de découvrir un aspect ignoré de ma vie. Tant pis pour le romanesque de l’histoire ! C’est sans doute une affaire de distance, de tenir les choses à distance, pour mieux les connaître. Dans cette expérience très particulière, comme dans mon métier, j’ai retrouvé ce besoin de relatif éloignement qui permet de réfléchir. J’y ai toujours beaucoup cru. L’émotion n’est pas bien souvent bonne conseillère.

Ça vous fait quoi, quand vous imaginez votre « double » sur scène ?
C’est d’abord strictement inimaginable. Et complètement intrigant. Mais le plus intéressant à mes yeux sera de découvrir ce que deviennent mes mots, écrits, plats et silencieux, une fois portés par une voix, des gestes et une personne qui ne sont pas moi. A ce stade, sans expérience aucune, je suis ravie que ce texte sorte ainsi de l’autobiographie, qu’il soit débarrassé de cette dimension intimiste de la confidence à la vraie première personne. Je voudrais qu’il puisse devenir un témoignage parmi d’autres.

  • Note d'intention

Cette création est née d’une rencontre. Et elle est avant tout un témoignage. Un hommage à tous ces enseignants, souvent critiqués, qui s’attachent pourtant à leur mission première : donner le goût d’apprendre et de s’élever.

Nous les avons tous connus ces professeurs formidables ! Et ce sont bien eux qui continuent à nous habiter. Je ne suis pas une nostalgique de l’école. Elle est comme une maison que j’ai traversée sans vraiment l’habiter. Je ressemble plutôt au rêveur de Prévert qui regardait par la fenêtre les marronniers dans la cour.

Je suis aux antipodes d’une Béatrice, qui reconnais n’avoir jamais voulu quitter l’école, et deviens prof par la force des choses, presque par accident. Et pourtant cette parole m’a interpellée. Je me suis trouvée ce jour là face à une femme qui ne trichait pas, assumait pleinement une manière d’enseigner souvent controversée.

Il s’agit pour moi de faire voyager les spectateurs à travers la vie professionnelle de cette femme. De tisser des liens entre toutes nos mémoires. Quel que soit notre âge, nous sommes tous des enfants de l’école. Il s’agit avant tout de notre mémoire vivante. C’est précisément ce qui me touche au théâtre, la parole vivante. Tout cela mérite d’être transmis. Voilà ce à quoi je m’attacherai.

Cécile Lehn

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Spectacle terminé depuis le samedi 12 décembre 2015

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