En écrivant Compartiment fumeuses, l'auteur raconte au plus vrai, au plus juste, au plus délicat, au plus simple, une histoire d'amour entre deux femmes .
Dans un univers carcéral morne et sans âme, dans un univers où la réglementation annihile tout ressort humain, où seuls retentissent dans la tête des prisonnières, le bruit des clefs, les pas qui résonnent, le claquement sec d'un œilleton qui retombe, dans un univers où une cellule s'apparente à une tombe d'acier, un amour éclot. Petit miracle subversif inattendu.
L'amour n'a ni sexe, ni temps, ni lieu, ni nom, ni patrie. Le passage de Blandine de Neuville en prison n'est pas une mort mais une résurrection
Quand du pire naît le meilleur... J’ai tout de suite était séduite par l’écriture, simple, fluide, poétique, lyrique et surtout au plus proche des personnages. C’est une pièce de femmes, voilà aussi une chose qui m’a plu. Elle rend compte avec beaucoup d’humanité de la complexité infinie du féminin, de la violence au désir, du renoncement à la liberté, de la tendresse à la passion.
Deux femmes que tout sépare se rencontrent en prison. De ce contexte exceptionnel, naîtra une relation exceptionnelle. De ce huis clos, elles sortiront changées, bouleversées. Comme le dit l’un des personnages « C’est ça la prison : rire, espérer, se souvenir, rêver et souffrir ». Voilà pour moi le condensé de ce que je souhaite faire de ce spectacle.
Dans un décor unique et sobre, entre onirisme et concret, je vais me concentrer sur ces trois personnages. La surveillante qui symbolise l’enfermement, l’autorité, le jugement mais avec ses failles et nos deux détenues Blandine et Suzanne, qui comme chacune de nous, peut basculer de l’autre côté.
Elles vont faire de cette expérience, quelque chose d’unique, elles vont chercher le beau , la lumière et la vérité dans cette intimité carcérale forcée. Il s’agira donc pour moi, d’explorer la richesse des rapports de ces femmes, de ces interprètes de grande qualité, avec poésie et délicatesse sans oublier l’âpreté et l’humour, car il y en a beaucoup.
Anne Bouvier
Voilà un moment que je n’oublierai pas. Divine surprise ! Pour ma plus grande joie, écrite il y a vingt cinq ans, Compartiment fumeuses ne se laisse pas oublier. Elle reprend vie dans une version inédite ! J’éprouve une merveilleuse sensation de re-création, d’engouement partagé, de souffle qui la perpétue.
La rapidité, d’abord. Une mise en scène soignée, signée Anne Bouvier. Trois merveilleuses actrices, dont la grande Bérengère Dautin dans un registre inattendu, Florence Muller, charismatique malgré son statut de bête noire numéro un. Des lumières qui vous transportent ailleurs, une musique originale du talentueux Stéphane Corbin. J’ai vite compris que Sylvia Roux voulait être satisfaite du résultat à cent pour cent, que son exigence était grande (...).
Compartiment fumeuses reste une pièce forte, toujours en prise directe avec une actualité brûlante.
Blandine de Neuville, victime de cet inceste, éclaboussure de sang familial. Son Père, respectueux médecin le jour et sacrilège la nuit. Faire comme si tout était intact. Cette horreur qu’elle doit taire, cette terreur sans aide. Elle est comme un tout petit arbre foudroyé, figé dans le temps. L’écorce s’est refermée autour de cette plaie brûlée et ceux qui regardent ne voient qu’un tronc bien lisse. J’ai voulu vivre Blandine en écho à toutes ces fillettes enfermées dans des caves secrètes. Mais l’une d’entre elle a échappé à son bourreau. Elle a retrouvé le monde et son soleil. Suzanne est le soleil qui donne enfin vie à Mademoiselle de Neuville. Je voulais dire cet espoir éclatant et ce triomphe de la vie.
Bérengère Dautun
D’après moi, il n’y a rien de compartimentédans ce texte, en dehors des fumeuses ! La force vient de la femme et de ses choix. L’amour cohabite avec la désespérance, la faute peut devenir un départ, une libération. La lutte pour le pouvoir, (celui de la surveillante, révèle ici frustrations et manque de confiance. L’imaginaire de ces détenues permet l’évasion, et, en cela, c’est un bel hommage au théâtre et au courage féminin.
Florence Muller
Jouer Compartiment fumeuses est un plaisir non disimulé. C’est une partition qui nécessite joie, écoute, vérité et inventions entre les actrices. Avec Bérengère et Florence, cela devient réjouissance. Programmer cette pièce reflète aujourd’hui une ambition citoyenne. A l’heure où les minorities souffrent de se faire accepter par le plus grand nombre, redonner ses lettres de noblesse à un sourire était bienvenu. Une pièce écrite, dirigée et interprétée par des femmes, où les êtres humains cohabitent, où le mot, le geste et la générosité redeviennent piliers de vie et offrent une renaissance au sentiment amoureux.
Sylvia Roux
La pièce m'a tout de suite séduit par son écriture poétique et sa situation extraordinaire. La relation hors du commun de ces trois femmes est très cinématographique et inspire immédiatement des ambiances musicales minimalistes et répétitives pour souligner l'oppression de la prison. En parallèle je travaillerai à souligner la tension amoureuse, la naissance de l'évidence des deux personnages principaux qui se découvrent à elles mêmes au fil du temps.
Le piano sera l'instrument central, avec une attention particulière portée au traitement sonore, réverbérations et textures qui définiront le climat et feront partie intégrante du décor de la pièce, en cohérence avec le travail de lumière et la mise en scène d'Anne Bouvier.
Stéphane Corbin
78 bis, boulevard des Batignolles 75017 Paris