Courteline, Amour noir est un spectacle constitué de trois pièces relatives à la « vie de couple » : les saynètes La Peur des coups, La Paix chez soi et Les Boulingrin.
Courteline (1858-1929) se rêvait poète ; son talent d’amuseur désenchanté, en prise avec la tyrannie de la bêtise humaine, le révèle au public. Son sens aigu de l’observation, sa veine satirique, s’exercent en premier lieu dans les journaux où il publie de courts récits de moeurs, moments de vie à vif de contemporains pris en flagrant délire de mufleries. Ses croquis peignent la plus vile des humanités ; les petit-bourgeois étant en premières lignes de ce comique de représailles.
La théâtralité de ses feuilletons l’entraîne irrésistiblement vers le plateau. L’acte unique restera sa mesure ; Courteline y dépense des trésors d’esprit, de drôlerie, la misanthropie en embuscade. La vie de couple, source éternelle d’inspiration, est croquée chez lui avec une rare délectation. Ici tout y passe : une belle et son mari aux représailles mesquines, un petit littérateur minable empêché dans sa tranquillité par une épouse roublarde, et pour finir dans un feu d’artifice hilarant, un couple qui se voue une haine profonde. La fantaisie de ce bouffon désabusé trouvera sa pleine mesure avec Jean-Louis Benoit qui offre à la farce des habits de noblesse ; on se souvient de De Gaulle en mai ou, la saison passée, d’Un pied dans le crime.
« Un acte, un seul acte, voilà ma mesure au théâtre. Que voulez-vous, je n’ai pas d’imagination. »
Courteline ne combine pas d’intrigues. Le quiproquo lui est étranger. Il n’a aucune disposition pour la « machine bien faite » à la Labiche ou à la Feydeau, pour ne citer que les plus connus. Ce n’est pas un charpentier. Courteline fait court. Il écrit donc des « saynètes ». Ses sujets ne comportent pas de développement. Il ne complique pas. Si bien que ce fils de vaudevilliste va aller contre la tradition comique du temps et écrire ce qui se situe à l’opposé du vaudeville : la « tranche de vie ». Cruelle, féroce, réaliste, « quotidienne ». C’est toujours court, une tranche de vie, et c’est souvent cruel et féroce : son auteur veut frapper vite et fort. Il n’a pas le temps.
Et Courteline, avec ces trois pièces que je propose, va exceller à mettre en jeu, avec rapidité et grand mouvement, des rapports hommes/femmes particulièrement « vrais », particulièrement sombres, situés bien en dessous du médiocre. Personnages teigneux, sans amour véritable. Toujours proches de la vie ordinaire, de « notre » propre vie, à la différence des vaudevilles de Feydeau dans lesquels nous ne nous reconnaissons jamais. On se reconnaît chez Courteline. Le miroir qu’il nous tend est peu déformant. Courteline est un pessimiste, bien entendu. Un pessimiste pourvu d’un don d’observation aussi aigu que celui de Labiche, autre grand pessimiste. Ce pourrait être du Henri Becque, mais cela n’en est pas pour une simple et bonne raison : c’est drôle. Très drôle. La forte intensité comique de ces « saynètes » est terrible, surréelle.
On n’avait jamais vu sur scène de telles farces, et on n’en verra jamais plus. Ainsi, en 1891, c’est le théâtre d’avant-garde le plus novateur de l’époque qui va ouvrir ses portes à Courteline, le Théâtre Libre d’André Antoine, celui qui lança à cette époque une véritable machine de guerre contre le théâtre de Boulevards et tous les conformismes régnants, celui qui fit notamment découvrir Strindberg et Ibsen. On a du mal à comprendre aujourd’hui que Courteline fut un représentant de l’avant-garde théâtrale de la fin du XIXème siècle.
La Peur des coups, La Paix chez soi, Les Boulingrin mettent en scène un lâche avec une épouse trop belle, un littérateur minable et mesquin avec une petite femme rouée, un couple haineux qui passe son temps à se déchirer et à déchirer son invité jusqu’à la terrible explosion finale, résolument dévastatrice. Comique et triste inévitablement, comme le furent les « saynètes » de Karl Valentin, Courteline, Amour noir veut relire, revoir et redécouvrir cet auteur de génie dont un journaliste disait en 1898 : « Il n’a pas l’air gai, monsieur Courteline, avec sa figure triste, sa démarche dolente et son geste uniforme pour ramener quelques cheveux sur ses tempes ; mais, avec son air de pompes funèbres, il a mis la salle en joie… »
Jean-Louis Benoit
« Du théâtre " vache " pour faire rire. L'âpreté, les cris, les coups, les batailles d'oreillers, le tout montant en puissance jusqu'au final, rien ne manque à cette performance d'acteurs. Les réparties fusent et le public rit. » Le Parisien
« Ces couples affreux, sales et méchants nous font beaucoup rire avec un texte au sens du détail maniaque dans une mise en scène tonique et très convaincante. Mille occasions de rire de la médiocrité, rire pour ne pas pleurer. » La Marseillaise
« Le spectacle est une réussite. Une farce, tout à la fois grotesque et subtile : grotesque, par la médiocrité des personnages, risibles à force d’être mauvais. Subtile, par la richesse des dialogues, par les répliques cinglantes qui fusent à feu nourri, réduisant en bouillie le peu de respect et de dignité des couples représentés. » MarsActu
« Dirigés d'une main de maître, les comédiens l'ont bien compris. Aucun ne dénote. (…) La troupe de Jean-Louis Benoît rend ici un vibrant hommage à un auteur trop souvent oublié ou mal servi. » Le Figaro
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