Le spectacle
Intentions de mise en scène
Voix d'auteur
Voix de metteur en scène
Voix d'acteurs
Invitation au spectacle
Lieu et temps : « En Flandre, dans la principauté de Breughelande, l’an tantième de la création du monde. »
Les personnages : le Diable, ou bien n’est-ce qu’un acteur qui joue à faire le Malin, un directeur de troupe, le patron d’une baraque de foire... L’Homme, un grand gars costaud, un solide matelot ostendais, juste un passant. La Femme, une belle aux formes généreuses, pleine du désir de l’homme, un peu sorcière aussi.
Sujet : « c’est Carnaval et c’est l’heure des méprises… » Dans un monde à la dérive, on se prépare à la fin en regrettant l’âge d’or où les « alouettes vous tombaient rôties dans la bouche… ».
Le Diable n’en finit pas de jouer avec l’homme et la femme. Un jeu en abîme où le masque en cache un autre, à l’infini...
Une danse macabre, des masques, des travestissements se succèdent dans des tableaux flamands aux couleurs de Breughel, de Bosch, de James Ensor...
Où commence le jeu ? Où est la vérité ? Tout n’est-il qu’illusion ?
La littérature francophone hors les frontières hexagonales, et particulièrement en Belgique, a souvent fait naître des univers pleins de poésie. La langue de Michel de Ghelderode, pleine d’archaïsme et de créativité, nous ouvre les portes d’une Flandre fantastique et folklorique, d’un imaginaire coloré et baroque. Il nous transporte dans un monde cruel où l’on se joue de la mort et de la vie. Le rire reste le seul rempart contre la monstruosité. Les mêmes thèmes, les mêmes ambiances, les mêmes personnages jalonnent tout son théâtre pour en constituer une œuvre unique.
C’est un voyage au pays de Ghelderode que je vous propose, au fil de quelques facéties. Un rêve-spectacle, façon de rendre hommage à ce dramaturge qui intitulait ses pièces : « mystère pour marionnettes », « tragédie-bouffe », « cantate burlesque», « pochade», « divertissement »…
Jean-Michel Laude
« Je crois que tous nous n’avons qu’une préoccupation, c’est d’échapper à la tyrannie de cet horrible dieu Chronos. C’est bien pourquoi les gens courent au spectacle, au cirque, au théâtre, au ciné, au music-hall, au Luna-Park - au diable, à la condition qu’il tienne baraque ou cabaret ! »
« La Mort demeure le comparse obligé, ne vous en déplaise ; la Mort, que flanquent la Folie et la Luxure, voilà les compagnons ordinaires du poète dramatique. […] Les monstres peuplent mon théâtre parce qu’ils sont partout dans la vie, dans les rues, dans toutes les chambres, autour de nous ; que dis-je, ils sont en nous, ils sont nous ! Les convenances sociales, dont je n’ai pas à tenir compte, exigent seulement qu’on fasse semblant d’en ignorer. »
« En réalité, il s’agissait de pièces écrites pour des acteurs vivants, ces œuvres que je sous-titrais "pour marionnettes" ; mais je ne pense pas que des comédiens de chair soient prêts à les jouer telles quelles, la lâcheté devant la critique et le public étant la marque des interprètes d’aujourd’hui - à quelques exceptions près qui sauvent l’honneur du Théâtre. »
Michel de Ghelderode
(Entretiens d’Ostende)
Jean-Michel Laude
Ghelderode est un personnage énigmatique. Il est multiple. C’est pourquoi, j’ai essayé au travers d’un éventail de ses textes de le présenter dans son entier ; enfin si cela est possible... Ghelderode raconte toujours le même genre d’histoire. Une histoire entre la fête et le jeu, le vrai et le faux ; une histoire qui se joue de la mort, du diable, de ce qui fait peur ; une histoire qui se joue de la vie. Son écriture est diverse, elle va de la pantomime à celle du théâtre pour marionnettes. Ce qui m’intéressait, c’était de rendre les différentes facettes (j’ai appelé mon montage facéties) de son théâtre. D’ailleurs, comme il le dit lui-même, ses personnages sont pratiquement toujours les mêmes. Il les reprend d’une pièce à l’autre. C’est vraiment un auteur dont on peut dire qu’il n’a pas écrit plusieurs pièces, mais qu’il a rédigé une seule œuvre d’où j’ai choisi de sortir des extraits.
Le théâtre de Ghelderode est une grande mascarade, il faut donc revenir à un théâtre de foire, un théâtre de rue, et ce, bien qu’on soit sur scène. C’est un théâtre qui doit entraîner le public dans cette danse un peu folle du carnaval. C’est une fête, un divertissement baroque où parfois des étincelles de vérité éclairent le mensonge.
Caroline Uhland
Ce métier est fait de rencontres. Rencontre avec un texte, un metteur en scène, des partenaires et si tout se passe bien, rencontre avec le public. La réussite de cette alchimie n’est pas systématique. Le théâtre n’est pas une science exacte. Ma rencontre avec Jean-Michel Laude et l’univers de Michel de Ghelderode est de celle que l’on espère. Jean-Michel est un metteur en scène qui porte son projet avec rigueur et passion, qui annonce son exigence mais qui reste toujours agréable. Alors, on a envie de le suivre dans son désir de mettre en scène un texte qui invite au jeu.
Il y a chez Ghelderode de l’espace pour la grandiloquence, la sincérité la plus nue, la rupture, la cruauté et le désespoir, il y a de l’espace pour parler de l’humanité en somme. Et puis, il y a « Elle », le personnage féminin de « D’un diable à l’autre », femme au parcours étonnant. Mariée mais toujours vierge, « Elle » est dépucelée par le Diable ; « Elle » peut être sorcière, néanmoins amoureuse, une grande prêtresse quelque peu diabolique. Comment ne pas prestement enfiler son costume « largement » ajusté à son appétit d’ogresse ?
Lyès Mussati
Ghelderode nous offre un monde intrigant, à travers un texte riche et fort, où l’humour et le drame, le grotesque et le sublime se côtoient sans vergogne.
Pouvoir toucher cet univers en interprétant le personnage de « l’Homme » est une grande chance.
Faire face à un rôle aux multiples facettes, à la fois courageux, téméraire, mais aussi rempli de cette naïveté et de cette résignation toute humaine, quel comédien ne rêverait pas d’un tel défi !
Jean-Michel Laude
Je me souviens de ma première rencontre avec Ghelderode. Elle s’est passée au conservatoire, lors d’un travail de scène. On cherchait avec ma partenaire des scènes pas très connues, on est tombé sur lui. C’était presque un hasard. Ghelderode m’a tout de suite emmené dans un monde complètement étranger au théâtre que je travaillais à l’époque. Depuis, je suis resté fasciné par ce monde qu’il nous donnait à voir et à jouer ; enfin, si nous osions, nous acteurs, relever le défi de ne pas être comme des marionnettes...
Le personnage du Diable, grand marionnettiste du monde, a ce statut particulier d’être dans une situation identique à la mienne : à la fois dans l’action et à la fois en dehors. Il participe au déroulement du drame, et par ailleurs, il est celui qui manipule les autres, qui les dirige, un peu comme le fait un metteur en scène. Ce dernier est, de par sa nature même, monstrueux (bien que ce ne soit pas le plus monstrueux des trois). Avec lui, il n’y a pas de limites, et, c’est ce que j’essaie de faire aujourd’hui : transcender les limites.
Ce n’est pas une performance. Il s’agit juste de revenir à un jeu plus simple, un jeu d’enfant, un jeu de carnaval et de masques.
Jouez ! Jouez sans retenue !
Devenez ces monstres de théâtre, de folklore !
Faites-vous des têtes d’épouvantails de carnaval !
Et entraînez le spectateur dans mes histoires,
Racontez-lui les grandes peurs, l’âge d’or perdu, la vie enfin
Embarquez-vous vers Brughelmonde
Faites montez à bord le public,
Et donnez-lui du spectacle !
Voilà comment j’entends Ghelderode. Voilà le défi qu’il nous lance. Voilà le défi que je relève !
Monsieur de Ghelderode, je suis fier de servir vos contes, de devenir le passeur de vos histoires fantasques et fantastiques. Vous dites que vos personnages sont des monstres ; pour moi, ils sont magnifiques. Vous en appelez à notre courage devant le public. Mais, quel courage faut-il donc ? Vos mots, votre truculence, votre univers, j'ai eu la prétention de les faire miens et d'y emmener ma troupe...
Tous ensemble, aujourd'hui, nous invitons les spectateurs ; "Entrez, ici c’est Babylone, on paye l’illusion qui n’a pas de prix…" - Jean-Michel Laude
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris