Théâtre musical en allemand, français et anglais, surtitré.
Bernhard Lang, compositeur autrichien formé à Linz, fait partie d'une génération qui peut, sans fausse honte ni démagogie, citer côte à côte John Cage et Grateful Dead, Jefferson Airplane et Steve Reich, ou s'intéresser à produire une transcription d'un groupe metal comme Godflesh. Tout simplement parce qu'il a lui-même joué dans plusieurs formations de rock ou d'improvisation, sans y voir de contradiction avec ses autres recherches musicales. Mais l'intérêt de Lang pour son époque ne se borne pas aux univers sonores qu'elle produit, et s'étend aussi bien à ses innovations littéraires qu'à ses interrogations politiques. Le titre de l'œuvre en témoigne déjà : le « Théâtre des répétitions » tel que le conçoit Lang est en effet ouvertement placé sous l'invocation de Gilles Deleuze.
Dans sa thèse, intitulée Différence et répétition, publiée vers la fin des années 1960, le philosophe français introduit en effet une approche nouvelle de la répétition. Celle-ci n'est plus à entendre comme retour inerte du même, mais comme puissance de production de la différence, comme constitution d'un champ que celle-ci traverse en tant que tension ou différence de potentiel. « Dans le théâtre de la répétition, note Deleuze cité par Lang et Le Roy, on éprouve des forces pures, des traces dynamiques dans l'espace, [...] un langage qui parle avant les mots [...] ». La représentation, au contraire, tend à reconduire et à reproduire nos habitudes perceptives, intellectuelles, esthétiques. Paradoxalement, c'est donc la répétition qui a quelque chance d'introduire de la nouveauté. Car son travail s'opère d'abord au niveau même de la perception, en ébranle les habitudes, en décale et en ravive les opérations.
Tout le Musiktheater de Lang est bâti sur une vertigineuse architecture de répétitions complexes qui vont se différenciant. Sa pièce est en effet un triptyque trilingue, composé de deux « récits » déconstruits d'inspiration européenne (l'Europe en question étant celle de Sade et d'Auschwitz) encadrant un « récit » central à tonalité américaine dont le fonds textuel est emprunté à W. Burroughs. Chacun de ces « récits », qui sont tous trois divisés en sept sections, est organisé symétriquement autour d'un noyau central de part et d'autre duquel les autres sections se répondent deux à deux. La quatrième section du deuxième « récit » constitue ainsi le pivot de l'ensemble de l'œuvre. Elle est aussi le seul moment où les chanteurs font résonner leurs voix ensemble - sur une seule phrase-clef.
A un chanteur qui trouvait inhumain de répéter cette phrase treize fois de suite sans jamais la jouer ou la « représenter », Lang répliqua : « précisément, c'est de cela que traitent ces textes : de situations inhumaines ». Cette inhumanité aurait pu servir au chorégraphe Xavier Le Roy de fil conducteur pour sa mise en scène. Mais Le Roy, plutôt que d'illustrer le travail de Lang en l'interprétant à son tour comme théâtre de la cruauté, a préféré se mettre au service du projet initial. Pour cela, il a superposé aux plans sonores du musicien une dimension de répétition gestuelle dont l'ensemble des corps sur scène - chanteurs autant que chef et instrumentistes - est partie prenante. L'écriture chorégraphique et spatiale, en répondant ainsi à la construction musicale, rend d'autant plus sensible que « tout concert est une théâtralisation », ainsi que le souligne Lang - ou encore, pour reprendre les mots de Le Roy, que « quel que soit le spectacle, on est déjà dans une mise en scène ».
D'après des textes du marquis de Sade et de William Burroughs, des archives de procès et des témoignages.
Direction musicale Johannes Kalizke.
Ensemble vocal les Jeunes Solistes sous la direction de Daniel Navia et Rachid Safir.
Ce spectacle n'aura pas lieu salle berthier mais à l'amphithéâtre de l'opéra bastille.
Ce spectacle n'aura pas lieu salle berthier mais à l'amphithéâtre de l'opéra bastille.
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.