De Ravel et de choses

Nogent-sur-Marne (94)
du 21 janvier au 3 février 2008
1h30

De Ravel et de choses

Jean Echenoz écrit bien plus que l’histoire de la vie de Ravel. Il est à ses côtés tout au long du récit. Ses insomnies, ses doutes, ses trouvailles, ses colères, il les partage, comme un ami le ferait dans la peine de l’autre. Et c’est avec précision, amour, élégance et surtout humour qu’il raconte et parfois imagine, avec une forme de distance bienveillante, ces dix dernières années de la vie de Maurice Ravel. Piano, crescendo, prestissimo, allegro, lento. Silence.

Le personnage Ravel
« Notre Ravel »
L’histoire
Note d’intention

  • Le personnage Ravel

1927, Maurice Ravel est à l’apogée de sa gloire. Il part en paquebot pour une tournée aux Etats-Unis qui sera triomphale. Il est admiré des plus grands compositeurs et artistes de son époque, aimé du public et « peut se vanter légitimement d’avoir donné leur sens à tous les strapontins ». Mais le personnage Ravel, amusé et dépassé par son succès, se laisse absorber tout entier par l’affinage de ses techniques de lutte contre son insomnie, et par l’élégance de ses tenues vestimentaires.

Musicalement, il est obsédé par l’idée qu’il n’arrive nulle part. Et pourtant, l’air de rien, toujours inspiré, il compose et, parfois après de longues gestations, il donne à la musique des oeuvres qui comptent parmi les plus belles. En réponse à une commande, il dégote une petite phrase musicale entêtante qui pourrait donner quelque chose pour un ballet et qu’il appellera « le boléro ». Puis Ravel commence à perdre la mémoire, et son corps dysfonctionne doucement. Des petites choses de sa vie quotidienne lui échappent, et puis il ne reconnaît plus ses propres oeuvres quand elles sont jouées pour lui. Il lui arrive d’attraper sa fourchette à l’envers. On finit par lui épingler son adresse au revers de sa veste, au cas où.

Jean Echenoz écrit bien plus que l’histoire de la vie de Ravel. Il est à ses côtés tout au long du récit. Ses insomnies, ses doutes, ses trouvailles, ses colères, il les partage, comme un ami le ferait dans la peine de l’autre. Et c’est avec précision, amour, élégance et surtout humour qu’il raconte et parfois imagine, avec une forme de distance bienveillante, ces dix dernières années de la vie de Maurice Ravel. Piano, crescendo, prestissimo, allegro, lento. Silence.

Damien Caille-Perret

Musique live : Dayan Korolic

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  • « Notre Ravel »

Le roman de Jean Echenoz intitulé « Ravel » a été le tremplin de ce spectacle. Il a éclairé pour nous le personnage Ravel d’un angle qui nous l’a rendu familier, et bouleversant. Dans un premier temps, nous avons souhaité porter ce texte à la scène pour partager notre émerveillement. Puis, au fil du travail, en nous penchant de plus en plus près de sa biographie, de sa correspondance, de ses entretiens, de ses écrits, de témoignages à son propos, nous avons peu à peu découvert le portrait de notre Ravel.

Nous avons tracé les contours de ce qui nous touchait dans son destin : sa musique, son humour, son âpreté au travail, sa lutte continuelle contre la dépression par la création, sa quête insatiable de la perfection ; et sa fin où son cerveau a séparé son intelligence de son corps et a enfermé sa conscience intacte dans une impossibilité de communiquer.

Nous avons donc choisi de créer un spectacle moins littéraire, mais plus musical, plus visuel et plus personnel. En puisant dans les propos de Ravel, en rêvant, en écoutant sa musique, nous nous sommes donc lancés dans l’écriture de notre spectacle, assemblant des petites mosaïques, apposant des touches de couleurs.

Damien Caille-Perret et Laure Bonnet

  • L’histoire

Elle commence par l’histoire d’un petit garçon, Maurice, à qui l’on promet dix sous pour chaque exercice au piano. Ce petit garçon devient l’élève de Gabriel Fauré au Conservatoire. Ravel amorce ensuite sa carrière de compositeur dont les premières oeuvres ne suscitent guère l’enthousiasme.

« Ravel n’est pas dans l’erreur, il est dans l’hérésie, puisqu’il sait ce qu’il faut faire et choisit de faire ce qu’il fait. » Il annonce déjà à vingt ans ce qui le poursuivra toute sa vie : « Je crois fermement que la joie est plus fertile que la souffrance » Et en effet, chaque drame dans sa vie sera suivi par plusieurs années de stérilité. « Pendant ce temps, Darius Milhaud aurait trouvé moyen de produire 4 symphonies, 5 quatuors et plusieurs poèmes lyriques de Paul Claudel ! »

Seul, drôle, élégant, cultivé, il devient « le grand compositeur Maurice Ravel », l’auteur du Boléro, « mon chef-d’oeuvre, bien sûr, dommage qu’il soit vide de musique. » Un jour où l’on se pressera pour l’acclamer, il lâchera : « Ce n’est pas moi qu’ils veulent voir, c’est Maurice Ravel. » Lui de son côté, dans la solitude et
l’insomnie, travaille à courir derrière la perfection. « Je suis certain de n’y parvenir jamais, mais l’artiste à mon sens ne doit pas avoir d’autre but. »

Et l’histoire se termine par une trahison : son cerveau sépare son corps de sa conscience. Il attrape les fourchettes par le manche, ne parvient plus à se boutonner, reconnaît les notes mais ne peut plus les nommer, entend la musique dans sa tête, mais ne peut plus, absolument plus, la transmettre.

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  • Note d’intention

Sur la scène
Un comédien donc, un seul, une voix, accompagnée « en creux » par un musicien. La musique du spectacle sera jouée sur le plateau par un bassiste/contrebassiste. Il sera comme un homme-orchestre pour faire de ce monologue un duo. Il jouera du Ravel, bien sûr, mais à sa manière ; une évocation plutôt que l’exécution de compositions de Maurice Ravel. Et il jouera d’autres choses. Il prendra ses libertés : par exemple par rapport au jazz dont Ravel raffolait.

Mon intention quant à la musique
Magnifiques compositions de Maurice Ravel. Celles qu’il joue, celles qu’il dirige, celles qu’il écoute, celles qu’il compose et celles qu’il oublie. Parmi celles-ci, certaines sont plus célèbres que d’autres. Mais, à l’instar du Boléro qu’il compose l’air de rien en s’inspirant du bruit d’une usine, Ravel ne voit pas de hiérarchie dans ses oeuvres. Je ne chercherai pas dans ce spectacle à « illustrer » musicalement ce qui est dit. Sans toutefois le bannir par principe. Je convoquerai aussi d’autres oeuvres que celles citées ici. Le « portrait » d’un homme se nourrit aussi de ce qui ne se voit pas.

Quelques pistes scénographiques
C’est un dispositif autonome qui se pose là, cherchant à être proche du public, créer l’intimité de l’écoute. Ce sera une sorte de bric-à-brac surréaliste dessiné à la ligne claire et qui finit au fusain. Certaines parties du texte seront enregistrées. On peut imaginer que pendant ces temps-là, le narrateur fera tout autre chose : cirer des chaussures par exemple, ou remonter le mécanisme d’un oiseau mécanique. Ce sera un espace, bien que petit, qui sera toujours en mouvement. Il sera comme un partenaire de plus, comme si c’était un trio.

Damien Caille-Perret

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Spectacle terminé depuis le dimanche 3 février 2008

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