Un thriller sur scène
Note d'intention de l'auteur, metteur en scène
Un véritable thriller, aux frontières du film d'épouvante.
Quatre soeurs, Lily, Gene, Diva et Rose, tiennent un hôtel isolé où ne passe jamais personne jusqu'au jour où un homme sans passé vient réveiller de vieux fantômes... Cet homme, Personne, est l'archétype de l'Autre, celui qui dérange par son regard, celui qui devine et met mal à l'aise.
C'est une pièce montée comme une tragédie, qui commence par la fin et qui remonte le fil des événements comme une enquête policière et dont la principale référence est celle d'un film : Angel Heart, d'Alan Parker. Si le spectateur/ lecteur se pose des questions au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, ce n’est qu’à la fin qu’il pourra y répondre. Tout comme lui, les personnages s’angoissent, se crispent, arrêtent parfois de respirer, pour mieux reprendre leur souffle et poursuivre leur quête de vérité.
Après six mois d’atelier à travailler sur du clown et autres improvisations, les Théâtropathes et moi-même nous sommes arrêtés sur un sujet que je n’avais jamais traité : la folie. J’ai écrit la pièce assez rapidement pour que l’on puisse retravailler sur le texte ensemble et c'est pour cela qu’il y a eu plusieurs réécritures, afin que chacun puisse apporter sa petite touche personnelle à chaque personnage.
Comme la pièce a deux niveaux de lectures (réalité et fantasme), nous travaillons sur les deux plans dans la direction d’acteur. Sachant que sur scène, nous n’avons que des « armatures » de décor, les comédiens doivent remplir l’espace.
Avec cette scénographie, l’idée est de montrer un endroit qui est en train de s’effacer au fur et à mesure de la folie qui s’empare de Lily. Au fond de scène, un grand cadre de trois mètres sur deux, vide au début, se remplit d’une toile d’araignée que tisse Lily tout le long de la pièce, pour à la fois signifier le temps qui passe et montrer que tous les protagonistes sont bloqués ici. Sur Cour, nous avons plusieurs photos des personnages réalisés par Guillaume Schneiders. Elles sont en double face. D’un côté, le personnage vivant, de l’autre, le personnage décédé. Le talent visuel du photographe rend l’ensemble assez inconfortable.
La musique est, elle, réalisée par mes soins et le piano de Maud Cilia qui m’accompagne désormais sur chacune de mes mises en scène. Elle décline un terme léger qui finit par s’assombrir et tourner comme une ritournelle extrêmement inquiétante.
Notre envie principale est de vouloir provoquer une chute progressive dans la tragédie. On commence avec une histoire dans une ville dépeuplée à cause d’une crise industrielle et on dégringole petit à petit, dans une sorte de thriller, au frontière du film d’épouvante. Le travail sur la lumière va aussi dans ce sens, entre bougie et ambiance bleutée qui va venir refroidir le plateau. Il y a une volonté chez nous à vouloir mettre le spectateur dans une situation un peu inconfortable, afin qu’il se perde comme le personnage de Lily, avant de lui donner toutes les clés à la fin de ce dénouement qui renverse tout ce que l’on a vu.
En somme, Des nuits à rebours est un spectacle qui est dérangeant car il brouille les pistes, y compris au niveau de sa forme car l’humour apparaît à certains moments pour détendre l’atmosphère. Notre but est, qu’au bout d’une heure vingt, le spectateur refasse le chemin de la pièce pour comprendre et saisir les clés qui ont été semées tout le long.
Lilian Lloyd
10, square des Cardeurs 75020 Paris