Nomination Molière 2011 dans la catégorie meileure compagnie.
« On n’a pas besoin de lumière quand on est conduit par le ciel. »
Étrange destin que celui de ce « grand seigneur méchant homme » qui cumule tant de vices propres à susciter la réprobation qu’il en devient émouvant, voire séduisant. Bien qu’éminemment condamnables, l’inconstance et la duplicité de cet aristocrate arrogant et cynique, qui abandonne sa jeune épousée le lendemain de ses noces pour s’en aller courir Dieu sait quelles aventures en compagnie de son valet, semblent péchés véniels au regard de la fascination qu’exerce la folle énergie qui l’anime et le pousse toujours plus loin vers l’avant, jusqu’à l’inévitable catastrophe.
Comment, en effet, ne pas voir une quête existentielle dans cet insensé pari sans enjeu déchiffrable que le personnage semble avoir engagé avec lui-même et le reste du monde ? Comment ne pas reconnaître l’image même de la vie dans la dérive qui le conduit de la clarté du bord de mer jusqu’à la pénombre de la forêt profonde ? Comment, enfin, ne pas lire dans cette pièce disparate et sans intrigue, qui mélange de façon explosive bouffonnerie et inquiétude philosophique, jubilation et amertume, le scénario insaisissable de toute existence humaine écrit par un grand artiste étonnement inspiré et fraternel ?
[...] J’ai monté huit pièces de Molière (L’Avare, L’Ecole des femmes, Les Femmes savantes, Le Tartuffe entre autres), mais j’ai longtemps hésité avant de me lancer dans l’aventure de Dom Juan.
C’est sans doute sa pièce la plus étrange, la plus baroque dans sa construction, la plus difficilement cernable dans sa forme et sa thématique. Peut-être parce qu’elle est née de circonstances très particulières : Molière s’est laissé convaincre par ses comédiens, après l’interdiction du Tartuffe, et alors qu’il se trouvait sans création nouvelle à proposer au public, d’écrire une comédie sur un thème à la mode, censé gagner les faveurs du plus grand nombre : Le Festin de pierre mis en vogue par l’Espagnol Tirso de Molina.
Il y avait là, semble-t-il, indéniable matière à succès : une histoire romanesque à souhait, des péripéties surprenantes, un séduisant exotisme et un savoureux mélange des genres où s’entrecroisent comédie, tragédie, farce et merveilleux. Il y avait là encore pour la troupe du Palais-Royal l’occasion de rivaliser avec le Théâtre du Marais, spécialiste des pièces à machinerie et des merveilles que celle-ci autorise : changements de décors, apparitions, disparitions, effets multiples susceptibles d’épater la galerie. [...]
René Loyon
Mettre en scène Dom Juan dans le petit théâtre de l’Atalante est certes un choix qui s’inscrit dans le projet de coopération que notre compagnie développe avec celles d’Agathe Alexis et d’Alain Barsacq, c’est aussi et surtout un axe de travail, un choix artistique singulier que nous poursuivons depuis plusieurs années, celui d’un Théâtre de Chambre qui, paradoxalement, permette à de grandes oeuvres du répertoire (qu’on imagine plus volontiers données dans de grandes salles, avec l’ampleur de jeu et la projection vocale qu’elles supposent) d’être jouées dans un rapport de grande proximité avec le public – ce théâtre « vu de près » dont parlait Antoine Vitez.
Un théâtre où l’attention du spectateur, débarrassée de la convention déclamatoire qui brouille trop souvent la réception des « grands textes », est sollicitée de façon neuve : dans l’intimité ainsi créée, où la parole, pour mieux faire entendre la plénitude du sens, peut jouer jusqu’au murmure, c’est quelque chose de l’ordre de la confidence, du secret, qui se joue ; une confidence où s’entremêlent les contradictions du monde social et la dimension psychique, une confidence qui permet au texte « classique » de retrouver son étrangeté première, l’éclat originel des textes neufs.
Après Les Femmes savantes et Antigone, la création de Dom Juan à l’Atalante vise à pousser plus loin le paradoxe esthétique : dans l’oeuvre de Molière, c’est la pièce par excellence des grands espaces de l’imaginaire où la liberté d’invention du poète et son goût d’une certaine fantasmagorie mêlée de bouffonnerie s’en donnent à coeur joie. On y trouve un palais ouvert à tous les vents, une plage au bord de la mer, une forêt, où bientôt apparaîtra le tombeau du commandeur tué par Dom Juan, l’appartement de Dom Juan, une campagne aux portes de la ville…Et pour couronner le tout et mieux dire la liberté d’une fiction baignée d’onirisme, Molière avertit : « La scène est en Sicile », quand se succèdent sur le théâtre aristocrates aux noms espagnols et personnages populaires aux noms et à l’accent français.
René Loyon
16, place Stalingrad 92150 Suresnes
Navette gratuite Paris - Suresnes : Une navette est mise à votre disposition (dans la limite des places disponibles) pour vous rendre aux représentations du Théâtre.
Départ de cette navette 1h précise avant l’heure de la représentation (ex. : départ à 19h30 pour une représentation à 20h30), avenue Hoche (entre la rue de Tilsitt et la place Charles de Gaulle-Étoile), du côté des numéros pairs. À proximité de la gare Suresnes-Longchamp (Tram 2), la navette peut marquer un arrêt sur le boulevard Henri-Sellier (à l’arrêt des bus 144 et 244 (direction Rueil-Malmaison), 25 minutes environ avant la représentation. Faites signe au chauffeur.
La navette repart pour Paris environ 10 minutes après la fin de la représentation, et dessert, à la demande, l’arrêt Suresnes-Longchamp, jusqu’à son terminus place Charles de Gaulle-Étoile.