" Ce qui s'exprime dans le langage nous ne pouvons l'exprimer par le langage " , remarquait Wittgenstein. Notre relation avec la langue est profondément paradoxale. Comment appréhender ce qui à la fois nous constitue et nous échappe ? Comment ne pas penser que le langage nous est consubstantiel ? Pourtant il semble bien que celui-ci ait aussi sa vie propre loin de nos préoccupations.
Il y a dans le langage " une force soulevante " , constate Pierre Meunier. Poète, metteur en scène, comédien, il entreprend dans ce spectacle de nous confronter avec la langue. Il n'est pas seul dans cette affaire. Car pour exister, le mot doit se partager.
Ils sont donc trois sur scène à éprouver les curieux pièges, jouissances et autres aventures d'une langue déliée ou au contraire trop rare. À ses côtés, François Chattot et Pierre-Yves Chapalain interrogent l'étrange pouvoir des mots et au passage s'amusent comme des fous.
Ils éprouvent dans leur corps l'énigme du langage. Portés et déportés par les caprices du verbe, ils se perdent et se retrouvent pour se perdre à nouveau, faisant l'expérience du langage comme force et manque, comme labyrinthe infini.
D’où ça vient ces mots qui nous sortent de la bouche ? Et ceux qu’on avait sur le bout de la langue, où sont-il passés ? « J’ai oublié le mot que j’allais prononcer », écrit Ossip Mandelstam dans un de ses poèmes. Il y a un mystère profond dans la relation du langage et du corps. Comment se fait-il que les mots puissent à la fois nous dire et nous échapper ? À quel moment coïncidons-nous vraiment avec ce que nous énonçons ? Le langage relève du proche et du lointain. Il rassemble et éloigne. Il pose beaucoup de questions en particulier du fait que les mots qui émanent de notre corps trahissent une relation paradoxale, un mouvement incessant.
Ce rapport conflictuel avec le langage, Pierre Meunier s’en réjouit presque. De même qu’il s’est intéressé dans ses spectacles précédents à la mécanique du ressort ou à l’écoulement du tas, avec Du fond des gorges il aborde le langage comme une matière presque physique d’une richesse inépuisable.
« J’avais envie depuis longtemps d’en découdre avec le langage. Il y a une dimension physique, une force soulevante dans le langage qui m’intrigue. Je veux éprouver ce qui se passe dans la mise en jeu du corps par le langage. Que signifient ces antagonismes, ces difficultés, voire ces impossibilités à énoncer pleinement, suffisamment ce qu’on voudrait dire ? » Il n’est pas tout seul dans cette entreprise. Parce que le langage a besoin d’être entendu et même plus. Le mot énoncé appelle une réponse ; du moins on peut le penser. Pierre-Yves Chapalain et François Chattot sont à ses côtés pour s’expliquer avec ce matériau faussement docile et si souvent réticent, la langue.
Trois acteurs donc et des mots à ne savoir qu’en faire. Des pneus aussi, car la langue est affaire de souffle. Sans compter de nombreux obstacles car on butte parfois sur des mots, mais pas seulement. On bégaie, on ouvre la bouche et rien ne sort, on dit un mot pour un autre, ou alors c’est une logorrhée, un déluge verbal. Il y a aussi les dialogues de sourds… Bref les possibilités sont infinies et nos trois lascars n’ont pas l’intention de se priver.
« Ce sont trois bonshommes, un peu comme trois clowns qui vont se mettre mutuellement à l’épreuve autour de ces questions que nous pose la langue. C’est comme un laboratoire où nous serions nous-mêmes les sujets de l’expérience. Sachant que le public aussi participe par son silence qui est une présence beaucoup plus active qu’on ne le pense en général. Car c’est une chose très importante que ce consentement du public à venir se taire pendant toute la durée d’une représentation. Trois, c’est le début d’un collectif. Cela permet une multiplicité de combinaisons, qui passent aussi par la solitude.
Notre point de départ c’est l’empêchement. Enfant, j’avais des difficultés à parler. Une impuissance terrifiante liée à une timidité extrême. Du coup, je suis profondément touché par les gens qui ont du mal à s’exprimer. Je sens leur souffrance. On aborde aussi la dimension politique du langage, comment certains mots sont vidés de leur contenu tant ils sont dévoyés. Des mots qui ne sont ni vrais ni faux comme « redistribution », « démocratie »… Mais ce qui m’intéresse avant tout, c’est l’énigme, cette merveilleuse énigme qu’est la capacité inouïe de l’homme à pouvoir parler. »
Hugues Le Tanneur
« Le travail présenté par Pierre Meunier procède de l’hypothèse selon laquelle les mots, doués d’une vie propre, auraient investi l’espèce humaine pour la lui insuffler. Cette expérience baroque, bruyante, ludique et inspirée emporte l’adhésion de qui sait suivre le mouvement d’approche indirecte de l’auteur. » Les trois coups
Place Georges Pompidou 78054 Montigny-le-Bretonneux
Voiture : De Paris : Autoroutes A13 ou A86 (30 à 45 mn), RN 10 direction Saint Quentin en Yvelines. Sur la commune de Montigny le Bretonneux suivre la direction du Centre Commercial Régional
Parking : Centre Commercial Régional, SQY Ouest
Covoiturage : Le site internet du TSQY vous propose un module gratuit et sans création de
compte pour faciliter vos déplacements, accessible ici. N’hésitez pas à déposer votre annonce, ou à
répondre aux autres !