1992. Une jeune Américaine fait irruption dans une ancienne blanchisserie d’une petite ville irlandaise, là où l’ont menées ses recherches pour retrouver sa mère naturelle. C’est à travers les souvenirs d’une vieille pensionnaire qu’un monde éclipsé va ressurgir…
1963. Alors que la jeunesse occidentale s’émancipe au son d’Elvis Presley, quatre jeunes femmes se retrouvent enfermées dans la laverie du couvent Saint Paul pour femmes pénitentes de Killmacha. À leur contact, une jeune novice arrivée depuis peu va voir ses convictions bouleversées par les dérives de l’autorité exercée par les religieuses. Son dilemme : respecter l’ordre « moral » ou aider ces pécheresses à rompre un destin a priori scellé et amené à être oublié ?
Par la Cie Ag Baile.
L’influence excessive de l’Eglise Catholique tout au long du XXe siècle, notamment au détriment des femmes, n’a été dénoncée que tardivement en Irlande. En effet, la morale érigée par le pouvoir religieux a été pendant longtemps profondément ancrée dans les mentalités, et la contredire ou la contrarier était sévèrement puni. C’est ainsi que toute femme suspectée d’immoralité était reniée par sa famille et placée dans une institution religieuse. Sous prétexte de repentance, à l’image de Marie-Madeleine, les pénitentes devenaient alors des esclaves modernes. La dernière de ces institutions a fermé ses portes le 25 septembre 1996, laissant éclater un scandale jusqu’ici tenu au secret.
Au-delà de la dénonciation d’un système tout puissant et des abus qu’il peut engendrer, Eclipsées pose la délicate question de la résistance face à l’autorité morale ; le choix de s’opposer ou de se résigner. Pour ces femmes cloîtrées dans une existence spartiate et sans amour, comment continuer malgré tout à chercher une lueur d’espoir et de liberté ? Certaines baissent les bras, s’en remettant au jugement de l’Eglise. D’autres traînent leur rage, leur désir ardent de sortir pour retrouver l’enfant qu’on les a persuadées de placer. Les dernières, enfin, s’évadent dans un monde imaginaire qui empiète de plus en plus sur la réalité. Toutes tentent malgré tout de préserver leur dignité et de s’accrocher les unes aux autres dans leur survie ; dans les larmes, comme dans les rires.
Mais la force de l’œuvre de Patricia Burke Brogan est de ne pas se contenter du manichéisme « victimes/bourreaux ». Ce huis clos met en lumière le dilemme d’une jeune novice en proie à ses doutes sur ce qui se passe au sein de ces institutions, sans pour autant rejeter la croyance. C’est elle qui, dans la pièce, est le témoin empreint de culpabilité d’une page de l’histoire encore largement étouffée par l’Eglise. Notre devoir est de rendre la parole à ses femmes oubliées, et muselées par une autorité plus forte qu’elles, et que leurs droits.
Cette pièce a été écrite en 1992 à la mémoire des Magdalènes, par Patricia Burke Brogan, ancienne novice d’un couvent en Irlande qui a été une des premières à briser le silence. La découverte du destin malheureusement peu connu de ces femmes, considérées comme pécheresses par la communauté et astreintes au labeur forcé, nous a bouleversés. Notre envie de partager avec le public français la grande humanité de ce texte est devenue pour nous une évidence ; il s’agit de faire entendre ces voix étouffées et oubliées. C’est pourquoi nous avons mis toute notre énergie et notre sensibilité au service de cette histoire.
L’histoire de ces pénitentes a été portée à l’écran par Peter Mullan en 2002, The Magdalene Sisters. La pièce de P. Burke Brogan a remporté plusieurs prix sur trois continents et est joué pour la première fois en France.
La Cie Ag Baile
12, rue Edouard Lockroy 75011 Paris