Le théâtre du rire et de
l'épouvante
Mise en scène
Opinions
Du spectacle de foire aux films noirs américain en passant par le Vaudeville, un tryptique composé de deux pièces effrayantes, entrecoupées d’une comédie. Manipulations génétiques, personnages ignobles, cyniques, drôles, épouvantables et épouvantés. Panique, folie, horreur, angoisse, suspense, humour et éclats de rires.
" Le faiseur de monstres " de Max Maurey,
Charles Hellem & Pol d’Estoc
Brokau fabrique des monstres vivants en transformant des animaux par des mutilations et
des manipulations aussi diverses qu’abominables. C’est une mine d’or pour
son patron Apollon, qui est prêt à tout pour le conserver à son service. A tout
… !
" Isolons-nous, Gustave ! "
d’André Mouëzy-Eon
La pièce se déroule pendant une nuit d’orage. Or, madame a une peur bleue des
éclairs. Heureusement Clémentine, la bonne, a un talisman qui protège de la foudre,
pour autant qu’on en soit à proximité. Le couple en vient à accepter la bonne dans
le lit conjugal.
" Devant la mort " d’Alfred Savoir
& Léopold Marchand
L’a action se situe dans une région où sévit une épidémie de rage. Le docteur
Plassant enferme sa femme et l’amant de celle-ci en leur disant qu’il a inoculé
la rage à l’un d’eux. Il les laisse aux prises avec le doute et
l’angoisse… Qui survivra ?
Le théâtre du rire et de l'épouvante
Mieux vaut le dire tout de suite : Guignol est une référence encombrante. Le Grand-Guignol n’est ni un théâtre de marionnettes, ni un théâtre pour enfants. Le Grand-Guignol, c’est le théâtre du rire et de l’épouvante, installé à Paris, impasse Chaptal où il a touché un public nombreux de 1897 à 1962. Des centaines d’auteurs y servirent la cause de l’épouvante et de la comédie. Les pièces d’horreur étaient toujours présentées en alternance avec des comédies pour permettre aux spectateurs de respirer. Une même soirée pouvait présenter jusqu’à 7 pièces différentes. Des centaines de pièces ont donc assuré une quarantaine d’années de succès à ce théâtre hors du commun.
Mais, après la guerre de 40 et la découverte de l’horreur nazie, la réalité dépasse la fiction et relègue la terreur grand-guignolesque au rang d’un conte tant dérisoire qu’enfantin. De plus, l’évolution technique aidant, le cinéma prend peu à peu le relais du vérisme théâtral et range au grenier les boyaux de caoutchouc, les gelées de groseille et les moignons de mou de veau qui avaient tant effrayé la Belle Epoque.
Impasse Chaptal, les successeurs d’Oscar Méténier ou de Max Maurey à la direction du théâtre n’eurent pas le même talent ou autant d’ingéniosité. Ils se passaient la main et s’en tiraient en ayant recours à la violence gratuite et aux effets "sexy " d’un goût pas toujours sûr. Au début des années 50, ce fut l’orientation vers le genre policier. Quant aux derniers drames présentés, ils relevaient plutôt de la science-fiction.
Le Grand-Guignol avait perdu son âme, ses grands interprètes, sa spécificité et son public…il n’avait plus qu’à disparaître. Mais, dans l’art vivant qu’est le théâtre, une disparition n’est souvent qu’une éclipse plus ou moins longue, c’est pourquoi voici : EFFROIS ! ! !
Tout le pari de ce spectacle est de faire éprouver au public d’aujourd’hui les délicieux frissons qui secouaient celui de la Belle Epoque. Dans les trois pièces choisies : pas de mutilation ou de bain de sang. Tout est suggéré, révélant ainsi une connaissance profonde de la nature humaine, en faisant appel à deux de ses traits les plus caractéristiques : l’instinct de survie et l’imagination.
La mise en scène s’inspire de l’expressionnisme allemand et des films noirs du cinéma américain. Un espace réduit, une scénographie modulable, un éclairage contrasté (lumières crues et zones d’ombre) ainsi qu’une bande son très présente associés au rythme et à l’intensité du jeu des comédiens permettent de plonger le spectateur dans l’angoisse ou le rire .
Charlie Hebdo
Avec entrain, cette jeune troupe nous transporte dans les années 1920, rue Chaptal. A
cette période de son histoire, le Grand-Guignol n’était pas le repaire de
charcutiers-tripiers que l’on croit. Les auteurs préféraient titiller
l’imagination du public, comme le démontrent les pièces choisies pour cette
trilogie comico-horrifique. (…) Le faiseur de monstre (….) Un rien
sordide, baignée dans une ambiance tout à la fois glauque et très kitch, cette entrée
en matière est une vraie réussite : on y est partagé entre le malaise et
l’envie de se poiler. Vaudeville déjanté, Isolons-nous, Gustave !
détend cette atmosphère chargée (...) Légère comme une bourrée chantée par
Pavarotti, mais joyeusement anticonformiste, cette petite saynète prépare en douceur au
très costaud " drame " de clôture : Devant la mort. Devant
la mort est la seule des trois pièces où l’on n’a pas du tout envie de
rigoler. D’autant que les cinq comédiens et comédiennes sont franchement
excellents. Grâce à eux, on y croit dur comme fer. Ressusciter avec une telle
efficacité et une telle justesse le théâtre populaire du Grand-Guignol est un bel
exploit. Les prochains jeunots qui voudront s’y frotter auront intérêt à mettre la
barre très haut s’ils ne veulent pas souffrir de la comparaison.
Gérard Biard
Figaroscope
Un spectacle original de la Belle époque et du théâtre du Grand-Guignol, où ont été
créées ces trois courtes pièces. Trois textes surréalistes, mis en scène avec
intelligence, qui rappellent Alfred Hitchcock ou Fritz Lang par leur sens du suspens ou
leur humour très noir, jamais sanguinolent.
Jean-Luc Delbras
Le journal du théâtre
Ce triptyque aligne deux pièces effrayantes entrecoupées d’une comédie : le
spectacle a l’originalité de retrouver cette double dimension du Grand-Guignol,
l’horreur et le rire. La comédie est vraiment drôle : affolé par un orage
nocturne, un couple de bourgeois en vient à faire entrer dans son lit la bonne qui porte
un talisman contre la foudre. Dans la première pièce, un homme fabrique des monstres
chez un patron qui s’intéresse à leur exploitation. Dans la troisième, un médecin
révèle à sa femme et l’amant de celle ci qu’il a inoculé la rage à
l’un. Mais auquel ? Ils sont pris de panique et de folie. Cette littérature
dramatique du Grand-Guignol, qui combla d’aise quelques surréalistes, casse rarement
trois pattes à un canard. On savoure ici le spectacle bien mené vers une noirceur de
film rétro ( quand les textes sont dramatiques, évidemment ) et joué avec classe.
G. Costaz
La terrasse
Trois histoires à intrigues où caracolent par pur plaisir et divertissements, rires et
grands frissons, délires et suspens. Interprétant une galerie de personnages, tantôt
ignobles cyniques ou drôles, les comédiens nous entraînent avec une grande vitalité
dans ce petit théâtre de l’épouvante et de l’angoisse… Du spectacle de
foire aux films noirs américains, la mise en scène et les comédiens - tous bons -
renouent avec l’atmosphère Grand-Guignolesque des années 20, et parviennent au bout
du compte à nous tenir en haleine. Un spectacle très plaisant, pour jouer à se faire
peur et frissonner comme des enfants.
Valérie Librati
Campus Mag
Le spectacle combine à merveille le drame et la comédie, mais il tend plus à suggérer
une horreur- pourtant bien présente- qu’à la montrer de manière explicite. Il met
en évidence les traits les plus spécifiques de la nature humaine : l’instinct
de survie et l’imagination. Le faiseur de monstres, Isolons-nous,
Gustave ! et Devant la mort, sont les trois pièces proposées et jouées
par cinq excellents acteurs. Deux drames entrecoupés d’une comédie. Manipulations
génétiques, épidémie de rage, angoisse, un décor réduit à sa plus simple
expression, une musique qui vous titille… Bref, tout est fait pour vous rendre encore
plus proche des personnages. Un pari réussi.
Karine Bodnar
L’écran fantastique
… La troupe, et c’est tout à son honneur, tient à rendre hommage au genre sans jamais s’en moquer. La mise en scène, s’inspirant de l’expressionnisme allemand et des films noirs américains, entend s’adresser à l’imagination et à l’instinct de survie du spectateur. Elle y parvient remarquablement grâce à une parfaite maîtrise des thèmes du répertoire Grand- Guignolesque, allant jusqu’à les comparer judicieusement aux films de Lang, Hitchcock et Tourneur. Entre auteurs européens, la filiation paraît quasi naturelle. Comme il est d’ailleurs difficile de regarder le Faiseur de monstres sans penser aussitôt à Freaks, le chef d’œuvre de Tod Browning puisqu’au royaume du talent créatif rien ne se perd, tout se transforme …
Sébastien Socias
53, rue Notre Dame des Champs 75006 Paris