Eldorado dit le policier suit le parcours d’individus dits « sans-papiers ». Ce travail s’attache à examiner les difficultés auxquelles ils s’affrontent, leurs interactions avec les autorités. Il observe pourquoi et comment, du bon côté de la loi, d’autres individus entreprennent ou non de les aider.
Ce projet est né de la rencontre de trois artistes, l’écrivain Denis Lachaud, le cinéaste Laurent Larivière, et le metteur en scène Vincent Rafis. Ils ont voulu éclairer les discours idéologiques qui sous-tendent les décisions prises par les gouvernements français et européens depuis trois décennies à l’encontre des sans-papiers. Ils ont voulu décrypter l’inertie citoyenne face au traitement particulièrement brutal qui leur est réservé.
Écrit au fil des répétitions et nourri d’un travail d’enquêtes et d’entretiens mené collectivement, Eldorado dit le policier explore, par les moyens conjoints des arts vivants et du cinéma, les thèmes de l’altérité, de la citoyenneté et du pouvoir.
Nous faisons du théâtre pour parler du monde tel qu’il est. Jamais cette nécessité ne nous a paru aussi urgente. Notre projet traite de la situation des sans-papiers en France aujourd’hui.
Nous souhaitons témoigner de ce que vivent ces hommes, ces femmes et ces enfants, et interroger ce qui, dans la mise en œuvre de sa politique, permet au gouvernement français d’agir sans susciter d’opposition massive.
Comme toute politique, la politique migratoire française produit ses effets dans le réel. Ce qui nous intéresse, c’est la façon dont ces effets sont difficilement observables, tant les dirigeants politiques semblent soucieux de les dissimuler, d’en brouiller la perception.
Ces dispositifs ne sont pas ignorés : on peut, par le moyen d’Internet, de la presse, des rapports d’associations, y avoir accès. Pourquoi n’en mesure-t-on alors, en tant que citoyens, ni l’impact ni la gravité ? Nous répondons que ce réel fabrique de la fiction – c’est-à-dire que cet ensemble de moyens politiques, légaux, rhétoriques, crée de fausses représentations en maintenant hors de notre conscience les humiliations infligées aux sans-papiers. A son tour, cette fiction accentue la mise à distance de la réalité vécue par les sans-papiers : elle les éloigne de nous.
Notre projet est précisément de retourner cet enchaînement de causes et de conséquences : il s’agira pour nous, en passant par la fiction, de rendre réel pour le spectateur ce qui, dans le réel, lui apparaît comme une fiction.
Si l’histoire " Eldorado dit le policier " est inventée, c’est qu’elle obéit à une construction dramaturgique. Mais elle s’appuie également sur des éléments documentaires : elle s’inspire d’un certain nombre de " faits divers " qui ne renvoient nullement à un traitement journalistique de notre sujet, mais à la nécessité d’apporter, pour chaque événement relaté, la preuve incontestable de son existence.
Denis Lachaud, Laurent Rivière, Vincent Rafis
211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris