C'est sur ce morceau de terre, face à Manhattan qu'on devait décider de leur sort : allaient-ils être acceptés sur le sol américain ? Ou repartir sur le vieux continent, rejetés après leur harassante et dangereuse traversée de l'Atlantique ?
Robert Bober et Georges Perec tentent d'approcher ce qui prenait la place d'un quotidien sur l'île, afin de retrouver la trace, sous les chiffres, sous le flux, d'une humanité. Le texte perecquien est d'une puissance inouïe dans sa simplicité, son apparente neutralité, et approche un thème qui touche plus que jamais notre société actuelle. Perec y parle du déracinement, de l'exil, mais aussi de son rapport à la judéité, et en creux, de son histoire, avec la retenue et la finesse qu'on lui connaît.
À l'heure où les Boat People continuent d'aller d'île en île à la recherche de refuges de plus en plus improbables, il aurait pu sembler dérisoire, futile, ou sentimentalement complaisant de vouloir encore une fois évoquer ces histoires déjà anciennes mais nous avons eu, en le faisant, la certitude d'avoir fait résonner les deux mots qui furent au coeur même de cette longue aventure et qui s'appellent l'errance et l'espoir.
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