Présentation
Note de mise en scène
Le jeu
La scénographie
Fatma, lunique personnage de la pièce est femme de ménage dans un ministère et à la mairie dAlger, « deux fonctions que beaucoup menvient ! ». Une journée par mois, la terrasse de son immeuble lui appartient pour étendre son linge. Cest une journée heureuse, de totale liberté. Une journée sans personne sur le dos. Occupée à sa lessive, elle travaille dans la joie : « Il ny a que sur la terrasse où je peux respirer librement parler librement ». Mais cette journée est une journée particulière puisquil sagit de la fête de lIndépendance. Du haut de sa terrasse, Fatma voit défiler les scouts et parle de son pays
Cette femme intelligente « qui na pas lhabitude de sénerver » mais que tout met en colère, est douée pour le portrait. Elle sait en une phrase, une attitude, par sa verve et son sens comique, nous faire vivre un personnage, comme le sage Ammi el Hadj son voisin, la pimbêche Saïda, Hnifa la commère et son époux Lakhdar. Mais elle évoque aussi, avec une grande émotion, son amitié avec Fatima, son amie denfance devenue médecin, son amour de jeunesse Arezki quelle na pas épousé, sa tendresse pour son père, ses rêves denfant
Fatma, cest une femme dAlger, amusante et caustique, qui porte un regard ironique sur le monde en général et lindividu en particulier, comme ce haut responsable du ministère qui lui avoue que « la démocratie, cest comme une mode, elle ne durera que le temps dune mode ».
Fatma est une femme parmi les femmes de celles, anonymes, quon croise dans la rue sans rien savoir de leur destin, de leurs souffrances ou de leurs joies et qui sont des surs, des mères, des épouses des femmes.
Fatma incarne toutes les femmes du monde qui sont étouffées, exploitées, bâillonnées, avec ou sans voile.
« Jaime monter sur la terrasse, cette journée, je lattends avec une joie immense. Ce jour-là je me sens reine des femmes de ménage, certes, mais reine tout de même ».
La langue de Mhamed Benguettaf est claire, précise, rythmée et crée un mouvement dynamique dans lequel la mise en scène doit sinscrire. Fatma, au fur et à mesure du spectacle, va se libérer dans la parole et dans le mouvement. Il sagit de montrer le trajet de cette femme en laccompagnant simplement sans jamais le souligner ni lalourdir. Fatma étend son linge, se bat avec ses pinces, cest donc une pièce réaliste. Fatma sarrête, rêve, redevient une femme, toutes les femmes, et cest une pièce onirique.
Cest cette dimension de Fatma, être universel, que la mise en scène a voulu mettre en valeur. Donc pas de lessive en direct, pas de rinçage à grande eau : simplement deux fils qui se rempliront du linge de Fatma, des dépouilles successives de Fatma, de sa robe qui redevient robe de jeune fille, de son voile, dun torchon derrière lequel elle se dissimule et quelle écarte brusquement comme pour entrebâiller enfin une porte
La mise en scène, à limage des fils que Fatma tend, invente le lien entre la ménagère du début qui balaie avec rage et la femme emplie dune poésie refoulée, niée, qui nous entraîne « sur la crête des vagues » à la fin de la pièce.
Fatma nest pas avare de coups dépingles sur ceux quelle croise dans sa vie. Caustique, elle imite ses voisins, ses chefs elle passe sans arrêt du registre comique au registre dramatique. Là encore, pas question dappuyer les effets. Si la comédienne se coule avec un vrai plaisir dans la peau des différents protagonistes, cest davantage par le rythme propre à chacun des personnages que par la caricature. Le jeu a cherché à explorer la différence de respiration, de débit Coller au plus près du texte de Benguettaf qui connaît si bien son « petit monde ».
Quant aux blessures intimes du personnage, nous nous sommes appliqués à retrouver les résonnances entre la femme de ménage dAlger et la comédienne issue de limmigration qui revendique ses racines. Conjuger les émotions pour arriver à la simplicité, lévidence de la douleur sans tomber dans le tragique. La douleur de Fatma est celle des femmes simples et aussi celle dun pays, lAlgérie daujourdhui.
Les éléments de décor sont simples : des pierres de corniche, un petit banc, deux fils et une bassine de linge suffiront pour que Fatma construise son propre univers : un univers réduit à une terrasse entre ciel et terre qui contient le monde entier.
Les lumières donneront à sentir latmosphère spécifique de cette terrasse algéroise. Cest laube le soleil va se lever lodeur du jasmin embaume lair une femme nous parle.
« Cest pour cela que jaime la terrasse Pour me rapprocher du ciel le ciel te laisse parler ».
32, rue des Trois bornes 75011 Paris