Sur scène, une voix qui chuchote dans le noir, tout près. Une voix comme une caresse. Imperceptiblement, un halo de lumière révèle une femme assise, vêtue de soie claire, comme une image de rêve. Des crissements de tissu dans le silence. Une respiration. D’abord conteuse, la femme imite le tic-tac de l’horloge, le souffle du vent, l’oiseau qui gazouille… puis devient comédienne. La voix s’affirme peu à peu jusqu’à devenir forte. Elle nous raconte une histoire de femmes.
Une femme pour 17 autres, qui, tour à tour, vont s’incarner en elle. Toutes ces femmes vont parler. Parler comme on respire, comme on aime, comme on espère… Parler pour ne pas mourir… Parler pour vivre.
Une fille parle de sa mère inconsciente de sa ruine.
Une jeune fille rêve de partir pour vivre ailleurs, à Moscou.
Une jeune femme malade se demande où sort son mari le soir ?
Une mère se révolte contre un fils incompréhensif…
De Catherine Aymerie d'après Anton Tchekhov. Par la Cie Théâtre de la Rencontre.
"J’ai toujours été passionnée par le théâtre de Tchekhov et j’ai toujours rêvé d’en interpréter tous les personnages féminins principaux. C’est de là que tout est parti. La seule façon de réaliser ce rêve, c’était de les réunir. Qu’est-ce que toutes ces voix féminines allaient donner ? Un lien existerait-il entre tous ces personnages ?
Je me suis demandée comment Irina, des Trois sœurs, jeune fille qui rêve de partir à Moscou, pouvait dialoguer ou cotoyer Lioubov Andréevna, de la Cerisaie, aristocrate ruinée et déchue… Comment Sonia, de l’Oncle Vania, petite paysanne amoureuse éperdue, pouvait répondre à Anna Prétovna de Platonov, veuve d’un Général, désoeuvrée, alcoolique et amoureuse ?...
Ces juxtapositions, aussi contradictoires soient-elles, font apparaître une dramaturgie bouleversante, de femmes en fractures, universelles et intemporelles, éperdues de désir, d’espoir, de souffrance, de rage et d’amour. Elles chuchotent à notre cœur, au plus profond de nous, l’insondable mystère de l’existence."
Catherine Aymerie
Tout a commencé par une lecture que Catherine Aymerie m’a faite un jour, en tête à tête. J’ai été frappée par la magie de sa lecture car elle passait allègrement des didascalies à différents personnages, en créant à elle seule la rencontre de toutes ces femmes dans des lieux, des époques et des saisons différentes. Elle était conteuse, elle était Sonia, Anna…, elle était souffle du vent, tic tac de l’horloge, sifflement, chant… Je retrouvai mon âme d’enfant. D’autres lectures publiques ont suivi et m’ont amenée à lui proposer de l’accompagner dans son voyage imaginaire.
Un espace vide. Un sol très clair, comme une terre blanche fissurée. L’espace se transforme par la magie de la lumière et du son, partenaires de jeu de la comédienne. Ils ouvrent sur l’intimité et l’imaginaire de chaque personnage. Ils créent les saisons, les climats, les différents lieux (intérieur et extérieur.) Selon les couleurs et les intensités, ils rythment le spectacle et le mènent à son point d’orgue. Quelques accessoires de jeu, ainsi qu’un costume amovible, participent à cette transformation.
1er acte : Tout dort. Les femmes sont en sommeil dans l’obscurité. Les problèmes couvent.
2e acte : Tout s’éveille. Une énergie se met en place. Les femmes passent de l’ombre à la
lumière qui annonce un renouveau possible. Elles se préparent, s’enthousiasment et
s’impatientent.
3e acte : Tout explose. Dans une lumière intense presque rouge, comme un brasier, toutes ces
femmes libèrent leur rage, leur révolte, leur passion.
4e acte : Tout se rendort : jeunesse, rêves, illusions perdues et ce sommeil ressemble à la mort.
Mais malgré cela, ces femmes gardent au plus profond d’elles-mêmes leur courage, leur tendresse et leur foi en la vie.
Paula Brunet Sancho
73, rue Mouffetard 75005 Paris