Parole de Femmmes
Note d'intention
C’est une femme qui lève le voile sur la création, illustrée par son journal vidéo intime qui fait défiler des images de sa vie d’hier, d’aujourd’hui, de demain. Elle se prépare à jouer Femmme (3).
Trois écrans l’accompagnent, l’entourent, la portent. L’un est le miroir de sa réalité immédiate, un autre balaie les trois temps de sa vie. Le troisième explore la nature de son irréalité ou l’irréalité de sa nature.
C’est une parole de chair poétique qui parle sans pudeur. C’est une volonté de vivre, une confession de vierge. Le monde par le trou, la parole telle une farce.
Comédiens pour la vidéo : Christiane Cohendy , Bagheera Poulin, Messua Wolff et Antoine
Tout a commencé par le texte, offert par Christian Rullier comme un cadeau empoisonné à Bagheera Poulin. A la première lecture, ses mots crus et sa conscience absolue me parurent anachroniques, douloureux et impossibles à entendre dans la bouche de cette belle femme « en construction » qu'était Bagheera Poulin.
Je retournais à ma vie, sans savoir que Femmmes avait commencé son chemin en moi. La résonance des mots de Christian Rullier m'invitait à jouer au sorcier, à fabriquer une sorte de pentacle d'images qui porterait et accompagnerait l'encore trop grande fraîcheur de Bagheera Poulin, en supportant le poids des maux énoncés.
- Construire un « objet visuel » capable de distancer le vivant du plateau, le rendant plus fort, et dans le même temps, imposer la
concentration au spectateur par le plus juste équilibre du plein et du vide,
- Explorer la mémoire, l'origine, le monde du dedans et celui du dehors.
La répétition des choses, comme un hommage aux boucles de la vie (de l'imagerie de l'ADN à celle, beaucoup plus simple et tangible des nôtres). Comment libérer cette « parole », l'éclairer de toutes ces lumières, lui rendre sa véritable dimension de clef de vie ? Désormais amoureux de cette langue, je laisse mes coeurs fonctionner, et chacun des blocs de la structure du texte stratifie mon, puis notre, travail. D'abord, les images.
Le passage de parties du texte dans une autre bouche de femme, et pas n'importe laquelle : Christiane Cohendy, à la fois lien vivant avec le texte pour avoir reçu le premier recueil de Femmmes, mais aussi pour être l'une des comédiennes à m'avoir définitivement fait plonger dans « l'absolu » du théâtre, en me montrant ce que peut être réinventer, ouvrir... Pour un juste équilibre, le texte réclamait alors de la jeunesse. Elle s'incarne sous les traits de Messua Wolff, la fille de Bagheera Poulin, bouclant ainsi la représentation-parcours d'une vie ponctuée par ces trois temps : enfance - majorité - maturité.
La nouvelle trinité composée donne deux sortes de rendus :
- un prologue « morphing » à trois têtes de la totalité du texte chuchoté en 15 minutes ;
- une séquence vidéo qui ponctue la 32ème minute du spectacle, comme une bulle de mémoire réunissant les trois générations
de femmes, deux mères en préparation de la troisième.
Viennent s'y ajouter quantités de séquences/scènes de vie ciblées, filmées avec Bagheera Poulin, ce travail pour tendre à la liberté
et prétendre ainsi à la vie éternelle, illustrant le parcours d'une femme à la recherche d'une clef salvatrice, celle qui lui permettra
de vivre pleinement en toute liberté, mais aussi celle qui donne aux mots de Christian Rullier toute leur grandeur.
Ces séquences-là, réunies, deviennent un « film décor » de la durée totale du spectacle, comme une fenêtre de l'âme du personnage,
et ponctuent l'écoute de propositions directionnelles.
Pour protéger Bagheera Poulin de l'impact de certains passages du texte sur le public, je fabrique un bouclier virtuel en utilisant l'objet de « propagation culturelle » de notre début de siècle, la télévision. Une caméra fixe, en prise directe et continue, filme toutes les actions, recadre l'attention, dirige le spectateur et le « contrôle » dans ses possibles dérives. Il ne reste plus qu'à faire circuler et grandir le corps de Bagheera Poulin dans un parcours de vie (naissance, mort puis renaissance), à la manière du sang dans les veines. Faire résonner les mots par le juste équilibre des temps, sonorités, intentions et couleurs... séduire et rassurer à la fois... et s'amuser à naître ensemble... Inviter à vivre, tout simplement.
C'est avec tous ces éléments que la première version de Femmmes (3) a pris forme en 2004 dans un festival de théâtre roumain où nous étions invités. Quatre années de gestation, et les « Métallos » lui redonnent vie en programmant sa création. La « Femmme 3 » que nous vous proposons aujourd'hui est pleine, dense, généreuse, lumineuse. Elle apaise l'âme et réveille les sens. Elle invite à entendre... Elle remet les choses à leur plus juste place : devenir homme, tout simplement.
Jacques Perdigues
94, rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris