Pour cette 8ème édition, mises en lectures et découvertes de nouveaux textes contemporains français et étrangers.
Lundi 7 avril - 19h - Suisse alémanique
Le Test (Ce brave Simon Coré) Die Probe (Der Brave Simon Korach).
De Lukas Bärfuss. Mise en lecture Simon Delétang.
Mardi 8 avril – 19h - Royaume-Uni/Ecosse
Le dernier message du cosmonaute à la femme qu’il aima un jour dans l’Ex-Union Soviétique (The cosmonaut’s last message to the woman he once loved in the former Soviet Union).
De David Greig. Mise en lecture Thierry Bordereau.
Mardi 8 avril – 20h30 - Autriche
Junk Space.
De
Kathrin Röggla. Mise en lecture Catherine Hargreaves.
Mercredi 9 avril – 19h - Italie
Suite 204 Grand Hôtel et des Palmes.
De Philippe Fusaro. Mise en lecture Olivier Rey.
Mercredi 9 avril – 20h30 - France
Loin de Corpus Christi.
De
Christophe Pellet. Mise en lecture Gilles Chavassieux.
Jeudi 10 avril- 19h - Allemagne
Un temps pour aimer, un temps pour mourir (Zeit zu lieben, zeit zu sterben).
De Fritz Kater. Mise en lecture Yves Charreton.
Le Test (Ce brave Simon Coré) - Die Probe (Der Brave Simon Korach)
De Lukas Bärfuss. Traduit de l’allemand par Johannes Honigmann. Texte inédit.
Mise en lecture Simon Delétang.
Avec Olivier Borle, Valérie Marinese, Françoise Lervy…
Le texte
Familles je vous hais ! Comment savoir si on est vraiment le père de son enfant ? Pris de doutes un homme fait un test de paternité et découvre que celui qu’il a élevé et aimé n’est pas son fils. Cette découverte entraîne une remise en question profonde de sa conception de la famille… Aime-t-on un enfant parce qu’il est le fruit de nos entrailles ou parce qu’on s’est habitué à l’avoir à nos côtés ? Mensonges, tromperies et règlements de compte sont au cœur de ce Test grâce à la langue acerbe et drôle de Lukas Bärfuss.
Le dernier message du cosmonaute à la femme qu’il aima un jour dans l’Ex-union soviétique. (The cosmonaut’s last message to the woman he once loved in the former Soviet Union).
De David Greig. Traduit de l’anglais (Ecosse) par Blandine Pélissier.
Mise en lecture Thierry Bordereau.
Avec Christian Bageot, Réjane Bajart, Sophie Barboyon, Fabien Grenon, Thierry Vennesson.
Ce texte a reçu l’aide à la création du Centre National du Théâtre.
Le texte
Oubliés du monde entier depuis une dizaine d’années, deux cosmonautes russes sont sur orbite, Dieu sait où dans l’espace et sans moyen aucun d’entrer en contact avec la terre. Leur seule possibilité de communiquer, c’est "l’autre" avec qui on partage le même espace et le même ennui. À l’infini. Heureusement, il y a les souvenirs de celles que l’on a aimées.
Au même moment en Écosse, dans le salon d’une maison bourgeoise d’Edimbourg, un couple passe, comme d’habitude la soirée devant la télé. Elle est orthophoniste, lui est dans le secteur de la pêche et cela fait pas mal d’années qu’ils vivent ensemble. Mais ce soir, ils parlent puisque la télé s’obstine à n’émettre que des parasites. Ils sont à l’image d’autres hommes et d’autres femmes, qui ailleurs en Europe travaillent, se rencontrent et parfois s’aiment, communiquent inlassablement, échangent des idées et envoient des messages.
A propos du texte Le dernier message du cosmonaute à la femme qu’il aima un jour dans l’Exunion soviétique
Entre autres choses, cette pièce est une autobiographie. Non que je sois un cosmonaute (je ne le suis pas plus que nous ne le sommes tous). En fait, je n’apparais pas du tout dans la pièce. Mais c’est toutefois une écriture inspirée de la vie. Vous - on - a tendance à agencer les événements de la vie en une histoire qui, si quelqu’un vous le demande, pourra être racontée. Une histoire sensée.
Il y a, cependant, ces choses qui nous arrivent et qui paraissent déconnectées de notre histoire. Un tas d’événements qui renvoient à nous, qui semblent parler de nous, mais qui ne sont pas cohérents avec l’histoire que nous racontons de nous. Et ils sont là. Ils nous ennuient. Donc, cette pièce est faite de quelques-uns de ces événements. Rien de tout cela ne s’est passé, tout est vrai, et cela ne veut rien dire de particulier.
Ainsi, même s’ils ne feront pas la lumière sur la pièce, voici, mentionnés à titre de note d’auteur, quelques exemples des fragments de ma vie en orbite qui ont trouvé refuge dans cette pièce :
1. Dans mon école primaire, il y avait une fille russe. J’avais un faible pour elle. Elle me faisait peur. Je l’avais surnommée Valentina Tereshkova, du nom de la première femme dans l’espace. Nous avions fait le projet de nous marier. Je ne me souviens pas de son vrai nom.
2. À Oslo, j’ai séjourné dans un hôtel dans lequel tous les clients à part moi étaient les délégués d’une conférence internationale sur l’interdiction des mines terrestres. Le vestibule était empli du bourdonnement des voix de ces personnes venues de tous les pays: des personnes qui paraissaient sans origine, des personnes du genre diplômées d’Harvard qui parlaient toutes un anglais étrangement parfait, sans idiosyncrasie. Elles étaient extrêmement polies.
3. Mon frère gère une réserve naturelle dans les montagnes du Lesotho. La réserve est financée par la Banque mondiale. L’homme dont le boulot est d’inspecter les projets de la banque est arrivé un jour dans son avion privé. Il portait un costume blanc. Il parlait un anglais étrange, sans idiosyncrasie. Il a inspecté la réserve. Il était très poli. Il s’en est allé. Quelques semaines plus tard, mon frère était à un festival new age pour le nouveau solstice près de Free State et il jure qu’il a vu l’homme de la banque en train de danser en plein air avec des hippies. Il portait le même costume.
4. J’étais en vacances en France avec une femme et partout où nous allions, elle voyait des hommes qui ressemblaient à son mari.
5. Quand Yuri Gagarin est revenu de l’espace, un journaliste lui a demandé s’il avait vu Dieu. Gagarin a répondu au peuple soviétique: "Je ne l’ai pas vu, et croyez-moi, j’ai bien regardé".
PS : Je suppose que tu ne t’en souviens pas mais quand j’étais à l’école, j’étais amoureux de toi. Tu ne me regardais même pas. Des années plus tard, je t’ai revue et nous nous sommes rendu compte que nous nous entendions très bien. Tu as passé le week-end avec moi. Je devais te téléphoner le mardi mais… que dire… je ne sais pas comment je n’y suis pas arrivé. Voilà, je ne sais pas ce que cela veut dire et je ne sais pas si tu le recevras un jour mais cette pièce est un message adressé à toi.
De l'autre côté du désespoir
Être isolé, c’est être sans contacts, sans relations, sans amis, sans amours, et bien sûr c’est un malheur. Être seul, c’est être soi, sans recours, et c’est la vérité de l’existence humaine. Comment serait-on quelqu’un d’autre? Comment quelqu’un pourrait-il nous décharger de ce poids d’être soi ? « L’homme naît seul, vit seul, meurt seul », disait le Bouddha. Cela ne veut pas dire qu’on naisse, vive et meurt dans l’isolement ! La naissance, par définition, suppose une relation à l’autre : la société est toujours déjà là, l’intersubjectivité est toujours déjà là, et elles ne nous quitteront pas. Mais qu’est-ce que cela change à la solitude ?
Chacun sait bien que la société n’est pas le contraire de la solitude, ni la solitude le contraire de la société. Le plus souvent, nous sommes à la fois tout seul et tous ensemble. Voyez nos villes, nos HLM, nos lotissements… La société moderne rassemble les hommes plus qu’aucune ne l’a jamais fait, ou du moins elle les rapproche, elle les regroupe, mais la solitude n’en est que plus flagrante (…).
Davantage de solitude, c’est aussi davantage de liberté, de possibilités, d’imprévu… Dans une grande ville, personne ne vous connaît, et cela dit la vérité de la société et du monde : l’indifférence, la juxtaposition des égoïsmes, le hasard des rencontres, le miracle, parfois, des amours…
L’éternité, c’est maintenant : ce n’est pas un avenir qui nous est promis, c’est le présent même qui nous est offert. On pourrait à nouveau citer Wittgenstein : "Si l’on entend par éternité, non pas une durée temporelle infinie, mais l’intemporalité, alors celui-là vit éternellement qui vit dans le présent." Or comment vivrait-on autrement, ou ailleurs ? L’éternité est notre lieu à tous, et le seul. Mais nos discours nous en séparent, comme nos désirs, comme nos espérances… Au fond, nous ne sommes séparés de l’éternité que par nous-mêmes.
David Greig
Junk Space
De Kathrin Röggla. Traduit de l’autrichien par Henri Christophe.
Mise en lecture Catherine Hargreaves.
Avec Gilles Chabrier, Laure Giappiconi, Baptiste Kubich, Estelle Clément Béalem, Marianne Pommier.
Le texte
"Monsieur Eskar - Vous ne verrez ici aucune psycho-fumisterie, je peux vous l’assurer. Ce qui se passe ici est transparent pour tous et vérifiable à tout moment. Monsieur Kloser part du principe de la transparence parfaite. Dans toutes les phases du travail, la transparence règne, il ne se passe rien qui soit fait contre notre gré." Ils sont au cœur de la vie professionnelle. Ils s’appellent Schneider, Schmidt, Schulze… Ce qui les rassemble ? Un stage de remise en forme, ils en ont besoin et nous pouvons l’appeler ainsi ! Junk Space est une métaphore de l’état de notre monde.
A propos de l’écriture théâtrale autrichienne au féminin dans le cadre des semaine du théâtre autrichien à Paris.
L’importance des femmes au théâtre ne cesse de croître, tant dans la pratique que par l’écriture. Nombre de metteuses en scène figurent aux divers palmarès du théâtre allemand et autrichien, quelques femmes dirigent parmi les plus prestigieuses maisons. Et les femmes auteurs figurent parmi les plus novatrices et incisives dans le domaine de l’écriture dramatique. Elles portent un regard particulièrement percutant sur la société et savent le transformer dans des poétiques théâtrales fortes, très différentes les unes des autres, souvent violentes, toujours sans concession au formalisme et aux conventions. Et elles sont jouées !
Suite 204 Grand Hôtel et des Palmes
De Philippe Fusaro, d’après Palermo Solo du même auteur.
Mise en lecture Olivier Rey. Musique Laurent Guérel.
Distribution en cours.
Le texte
Le baron est né à l’aube du Xxe siècle. Le baron n’a rien vu, ni rien su de ce qu’était le Xxe siècle dans sa seconde moitié. Le baron est originaire de C. Le baron a dû quitter sa ville natale parce que la Mafia l’a condamné à ne plus y retourner, sauf le 2 novembre, jour de la Fête des Morts.
Le baron est un homme d’honneur, il paie sa dette de sang, il paie d’avoir battu à mort un garçon issu d’une famille d’un autre clan. Le baron vit depuis plus de cinquante ans dans une suite du Grand Hôtel et des Palmes à Palerme, via Roma, à deux pas du port, à deux pas de la mer. Le baron est une rumeur qui circule dans la ville blessée de Palerme… Jazzy en diable, Palermo Solo oscille sans cesse entre rêve et réalité. Langoureux et sensuel comme un air d'Ella Fitzgerald, le mystérieux roman de Philippe Fusaro distille une superbe mélancolie.
A propos de Palermo Solo
Grand Hôtel et des Palmes, Palerme, Sicile : construit en 1856 et transformé en hôtel en 1874, cet établissement de luxe situé au cœur du Palerme historique a vu défiler quelques grandes figures des arts et des lettres au long de son existence. C'est là qu'a choisi de se replier le baron Castelvetrano, le héros de Palermo Solo : une sorte d'aristocrate déchu issu d'une autre époque, qui s'est installé à l'hôtel sans bagages voici des décennies et y est resté plusieurs années sans sortir de sa chambre, au prétexte que ses ennemis le guettent au dehors. A Palerme, il est devenu une sorte de légende ; les journalistes défilent à la réception pour recueillir des informations sur lui et tenter de le rencontrer, mais les consignes sont strictes : on leur répond invariablement qu'il n'y a personne de ce nom-là à l'hôtel. Seuls quelques rares employés ont le droit de pénétrer dans sa chambre, la 204, en ayant pris soin de frapper trois coups auparavant. (…)
En alternant narration à la troisième personne et extraits du carnet intime du Baron, Philippe Fusaro compose un court roman d'une grande délicatesse, très inactuel dans son ton, son atmosphère et ses références (c'est un compliment), presque cinématographique par moments, tout embrumé d'une sorte de mystère que sa brièveté, son style sobre et ses ellipses densifient jusqu'à lui conférer une dimension magique.(…)
Ce Palermo solo n'en reste pas moins un très beau roman, hanté par les souvenirs des grandeurs du siècle dernier et par quelques silhouettes qui ont traversé le hall du Grand Hôtel (Burt Lancaster, Michel Leiris, le juge Falcone), habité par un personnage romanesque tout à fait splendide ; un roman sur l'honneur et le temps, la réclusion et la solitude, le rêve et l'amour. A lire en costume froissé, avec un orchestre de jazz west coast en fond sonore, dans le fauteuil club qui fait son âge d'un hall d'hôtel lambrissé. Un verre d'alcool est possible.
Bernard Quiriny pour Chronicart
Loin de Corpus Christi
De
Christophe Pellet. Texte publié chez l’Arche éditeur.
Mise en lecture Gilles Chavassieux.
Avec Magali Bonat, Yannick Laurent, Valérie Marinese, Christian Taponard.
Le texte
Au cours d'une projection à la Cinémathèque française, Anne est envoûtée par une image, celle d'un jeune acteur américain des années quarante. Elle commence une enquête sur lui, une enquête qui couvrira toute une partie du vingtième siècle : de la chasse aux sorcières maccarthiste aux États-Unis à la chute du Mur de Berlin et à l'ouverture des archives de la STASI. Deux hommes parcourent cette enquête : l'obscur acteur Richard Hart, et le célèbre et engagé Bertolt Brecht. Tous deux vécurent au même moment, dans la même ville ; l'un traverse avec intensité la première moitié du siècle, l'autre, l'acteur dont l'image cinématographique nous a laissé les traces, se dissout en lui.
Les personnages se bousculent dans cette grande fresque comme des passants dans une gare. Le théâtre de l'histoire devient une salle des pas perdus. Il y a ceux, comme Brecht, qui ne se laisseront jamais manipuler, qui avancent droit devant eux, même s'ils se trompent. Et ceux, tel Hart, qui trahissent sans bien savoir pourquoi, agis par d'autres.
Mais Hart ne se réduit pas à cela. C'est aussi une image fascinante sur un écran. Voilà, après celle de la place de l'individu dans l'Histoire, l'autre grande question de Loin de Corpus Christi : comment expliquer la fascination qu'exercent sur nous les images et leur beauté ? Cela va d'un portrait de la Renaissance exposé au Louvre
A propos du texte Loin de Corpus Christi
Avec Loin de Corpus Christi, Christophe Pellet livre une interrogation fascinante sur le statut de ce que c’est, une image, et pourquoi cela fascine, cela peut dévorer une somme d’existences. Anne est une véritable cinéphile, une fanatique du cinéma. Au cours d’une projection, elle est littéralement envoûtée par le visage perdu et éternellement beau de Richard Hart, un obscur acteur des années 40.
S’engage pour elle une quête à cœur perdue qui sera un véritable repli sur soi, une usure et perte de son existence sans réelle solution, la pièce entremêlant à son enquête de fascinants flash-backs, sauts temporels et spatiaux autour de divers personnages marqués par Hart, tourmentés par la beauté de ce qu’est une image.
Jouant comme il sait si bien le faire sur la suggestion, l’allusion, le mystère et l’évocation, Christophe Pellet, par ce parcours temporel original et maîtrisé, nous fait entrer dans un parcours lacunaire et énigmatique, fait de désirs ambigus et de trahisons, gravitant autour de celle de Richard Hart, ce jeune américain du sud promis à être fermier, venu se perdre corps et âme véritablement à Hollywood. Il trahira, sans vraiment le choisir, davantage agi par les autres que par lui-même - surtout il se trahira lui-même.
Sur son avancée inconsciente qui l’entraîne irrésistiblement vers le bouleversement de toutes les promesses de générosité et sincérité que certains ont pu voir en lui, il croisera Brecht en fuite hors de l’Allemagne Nazie, un Brecht inquiété aussi en Amérique par les prémisses du maccarthysme - et ce sera l’occasion, cette rencontre, d’une réflexion sur la distance qu’il faut prendre à l’égard des images, de leur beauté, de leur illusion trompeuse, réflexion qui n’est pas sans valeur pour la trame elle-même finalement…
Nous suivrons aussi les pérégrinations d’une socialiste qui, trahie par ce jeune fermier qui rêva d’être acteur, abandonne la Mecque du cinéma pour l’Allemagne de l’est, où elle sera victime à nouveau des manipulations d’un autre pouvoir répressif, celui de la Stasi, déçue encore une fois par l’amour dévorant qu’elle aura eu de la beauté.
De saynètes en saynètes, lacunaire, allusif, Christophe Pellet emporte le lecteur/spectateur ravi dans un parcours chatoyant qui glisse admirablement dans les années et les Etats. Cette pièce s’offre ainsi comme une traversée fascinante et troublante de la seconde moitié du XXème siècle, amorcée par cette histoire manquée, cette vie effacée d’Anne, une femme que d’aucuns qualifieraient d’inadaptée, mais que l’on peut voir comme une incarnation symbolique des contradictions inhérentes aux désirs de notre époque. À travers la quête qu’elle entreprend, cette quête visant à pister cet acteur qu’elle a surpris sur un écran et qui, étrangement, malgré sa beauté intense n’eut qu’une fulgurante carrière avant de sombrer dans l’anonymat, c’est le sens et la force angoissante et pétrifiante que possède l’image dans notre temps iconolâtre que l’auteur interroge.
Mais ce qui se savoure ici, autant que la dimension riche et erratique de la trame ou que l’intérêt du sujet, c’est aussi la qualité rare de la langue. En effet, même si parfois trop discursif et abstrait - le dialogue de Anne et son maître peut sembler trop mécanique, dépourvu de vie, le style de Christophe Pellet sait être poétique souvent, avec sobriété, plein de chatoiement, de demi-teintes et d’allusions, aimant fouiller, ou plutôt remuer les plis de désirs que l’on peut croire pervers, mais qui apparaissent finalement bien authentiques dans tout ce qu’ils ont de morbides, de destructeurs, de pathogènes.
Et en trouvant cette langue qui sait dire les errances des désirs les plus louches, les tentations les plus vénéneuses et menaçantes, c’est bien un tableau dévastateur de ce que c’est désirer aujourd’hui que trace Christophe Pellet - en cohérence avec d’autres pièces comme En délicatesse ou Des Jours Meilleurs.
Un temps pour aimer, un temps pour mourir (Zeit zu lieben, zeit zu sterben)
De Fritz Kater librement adapté de motifs du film Time stands still de Pétér Gothár. Traduit de l’allemand par Céline Robinet.
Fritz Kater a reçu avec ce texte le Prix des Dramaturges de Mülheim en 2003.
Mise en lecture Yves Charreton.
Avec Gilles Chabrier, Carl Miclet, Nathalie Ortega, Rémi Rauzier.
Le texte
Le deuxième pan de la trilogie que Kater a consacrée à la RDA traite de la manière dont on pouvait grandir sous le communisme, sous Honecker.
Partie 1 - eine jugend/chor (une jeunesse / chœur) : "Sex, drugs and Rock'n Roll" dans les années 70. Bribes de souvenirs d'une jeunesse en RDA. Laquelle a les plus beaux seins ? Qui en supporte le plus ? Où sont les frontières ? En marge se déroulent la fuite, la trahison, la mort. L'amour et l'horizon s'élargissent, les perspectives se rétrécissent. La première partie, chorale, de la pièce, raconte la légèreté, les échappatoires portées par l'espoir qui s'achèvent par l'enrôlement et son dégrisement.
Partie 2 - ein alter film/die gruppe (un vieux film / le groupe) : une histoire familiale au ralenti. L'oncle sort de prison au bout de plusieurs années, remplace le mari pour la femme et, pour son fils, un jeune voyou, un père qui était passé à l'Ouest à la fin des années 60. L'oncle a abjuré et pourrait faire carrière. Ne jamais jouer les héros, telle est la leçon donnée à ses frères. Un ami d'école se révolte - mais ils se retiennent, jusque dans l'amour. C'est seulement lorsque le plus jeune des deux veut suivre son père qu'il tombe amoureux. Il reste. Sept ans plus tard, il est soldat, et l'amour de sa vie attend l'enfant du professeur détesté.
Partie 3 - eine liebe /zwei menschen (un amour / deux personnes) : après la chute du Mur. Un homme, père et époux, seul dans une ville où il est venu chercher du travail, tombe amoureux d'une cantinière, une mulâtre. Début d'une relation torride. Il se met rapidement à avoir peur de ne pas lui suffire. Ils s'infligent volontairement des blessures. Explosions de rage, voyages, séparations, recommencement, jusqu'à ce qu'elle avoue en avoir toujours aimé un autre. La pièce de Fritz Kater traite de l'amour au temps de l'immobilité sociale. Ton subjectif, dialogues cinématographiques, prose dense. Sur les trois parties autonomes de la pièce se tend un arc qui raconte la mort des grands rêves et l'arrivée dans un présent solitaire.
5, rue Petit David 69002 Lyon