Folies coloniales

Sous des airs de Jour de Fête, un état des lieux, comme un instantané du langage colonial, tel qu’il s’est exprimé lors des cérémonies de la célébration, à Paris et à Alger, du Centenaire de l’Algérie française, en 1930. Saynètes et chansons : une « Revue Blanche ». Très blanche. Entre rires et sidération.
  • Une « Revue Blanche »

Algérie, années 30. Sous des airs de Jour de Fête, à travers l’empilement de discours officiels, d’extraits de manuels scolaires, de paroles historiques, de comptes-rendus de manifestations sportives, de poèmes de circonstance (tous authentiques)…, un état des lieux, comme un instantané du langage colonial, tel qu’il s’est exprimé lors des cérémonies de la célébration, à Paris et à Alger, du Centenaire de l’Algérie française, en 1930. Saynètes et chansons : une « Revue Blanche ». Très blanche. Entre rires et sidération.

Par la compagnie Passeurs de mémoires.

  • Note d’intention

"Comment voyait-on l’Autre, en 1930 ? Je possède un document unique, lumineux, qui répond à la question.

Il s’agit de deux énormes volumes, 900 pages en tout, établissant le compte-rendu exhaustif de toutes les manifestations consacrées, cette année-là, à la célébration du « Centenaire de l’Algérie » : congrès, conférences, œuvres artistiques, soirées, poèmes, odes, expositions, concours, défilés, témoignages – notamment, un étonnant journal de voyage de lycéens, tenu au jour le jour par un inspecteur d’Académie-… et , surtout, l’intégralité des discours prononcés, ici et là, en cette occasion.

Cette compilation est l’œuvre de mon grand-père maternel, haut fonctionnaire à la Ville de Paris, et dont l’une des fonctions était d’en être l’historiographe – et l’hagiographe - vigilant.

Triomphe, avec l’Exposition coloniale qui va suivre immédiatement en 1931, de la pensée coloniale, cette somme expose en pleine lumière la superbe de l’Homme Blanc, sa foi en son pouvoir démiurgique (Avant nous, le chaos, avec nous, la lumière), son racisme tranquillement affiché, béat, naturel : négation absolue de l’Autre, qui passe par tous les cas de figures - folklorisation, dépréciation, et jusqu’à son absence pure et simple. C’est surtout un hymne – qui nous paraît aujourd’hui dérisoire et tragique, délirant (y règnent l’hyperbole et les adjectifs…) - aux valeurs « civilisatrices » de notre Troisième République, contenues, pour faire vite, dans le « devoir qu’ont les races supérieures de coloniser les races inférieures » (Jules Ferry, eh oui…) .

Textes de façade, vérités officielles, discours de circonstance, langue de bois : tout y est fait pour encenser l’entreprise coloniale, en évacuant sciemment toutes les zones d’ombre (quarante ans de résistance à la « pacification », un tiers de la population massacrée y sont ainsi réduits à des « péripéties »). Mais textes qui révèlent autre chose que ce qu’ils souhaitent transmettre, se retournent contre leurs auteurs, et, à eux seuls, condamnent définitivement l’entreprise coloniale qu’ils portent aux nues.

Cette conception du monde précède de seulement 15 ans les émeutes de Sétif et de Constantine, de 24 ans le début de la Guerre d’Algérie. Elle prévaudra jusqu’en 1962, date à laquelle, en même temps que l’indépendance de l’Algérie, elle passera brusquement à la trappe : chape de silence dont les effets pervers sur l’évolution de notre société commencent tout juste d’ être reconnus.

Je veux faire entendre -monter- ces documents. En faire le fil rouge d’une parade, nécessairement burlesque -Banquet Républicain et/ou « Revue Blanche » - qui puisera également dans d’autres documents de l’époque : déclarations d’hommes politiques célèbres, affirmations de « savants », dialogues tirés de romans ou de films, extraits de débats politiques, et beaucoup de chansons…

Ni condamnation, ni repentance : seulement faire entendre d’où nous venons. Et ce qui reste encore, profondément, enfoui en nous, et qui pèse. Et faire percevoir aussi, en creux, le cri, jamais entendu, de l’autre."

Dominique Lurcel

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Spectacle terminé depuis le samedi 28 mars 2009

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