George Dandin est un paysan dont la fortune est faite, et qui s'est offert le luxe d'une brillante alliance : en épousant Angélique de Sotenville, il redore le blason de cette famille désargentée, obtenant du même coup pour ses futurs enfants le titre de gentilshommes.
Mais Angélique, mariée de force à cet homme qu'elle exècre, entend bien profiter des quelques belles années que lui offre sa tendre jeunesse, et noue un commerce suspect avec un certain gentilhomme du nom de Clitandre.
Par l'entremise de leurs valets respectifs, Claudine et Lubin, ils voudraient duper le mari jaloux, mais Dandin veille, et tente à plusieurs reprises de les confondre, en prenant à témoin les parents d'Angélique...
Cette transition entre héritage et modernité, cette actualisation du discours, c'est ce que la Compagnie des Passeurs souhaite transmettre. De l'héritage farcesque, puisé par Molière dans la commedia dell'arte, et qui est aussi le nôtre, nous retenons ici le recours au masque, non point tant, cette fois, pour souligner le type représentatif des personnages que pour mettre en valeur leur évolution, car le texte fait montre d'un humour subtil, celui du double discours ; une psychologie plus profonde apparaît chez chacun d'eux, affinée par une écriture fort travaillée, à la fois savante et naturelle. C'est ainsi que les masques utilisés sont des masques protéiformes, créés ou choisis pour savoir mélanger les traits de caractère de plusieurs autres personnages préexistant dans la commedia dell'arte. Il s'agit ici de dépasser le théâtre de codes.
C'est pourquoi nous avons choisi un espace de jeu qui puisse actualiser l'héritage du théâtre de tréteaux dont nous nous inspirons. Tout se joue en transitions dans George Dandin, jamais l'oeil du spectateur ne pénètre dans l'intimité de sa maison, comme il n'y pénètre plus lui-même. Tout se joue donc entre le seuil de la maison et la rue.
Le seuil de la maison est une structure métallique en hauteur, simple et dépouillée, afin que l'imagination puisse prendre ses racines dans notre temps comme dans un autre : un échafaudage, une volière, une tour, une prison, un échafaud... La maison, que l'on imagine au-delà du cadre d'aluminium, est un lieu de souffrance pour Dandin. Jeté hors de chez lui, n'y trouvant pas d'allié, c'est au dehors qu'il va chercher de l'aide.
Au-dehors, c'est la place publique, marquée par un large disque noir, lieu de passage et de rencontres fortuites, mais aussi lieu de témoignage : par ses interactions constantes avec le public, c'est la foule que Dandin rend témoin de son histoire, et c'est aux citoyens, à ses semblables, qu'il en appelle pour juger. Il est un choryphée cherchant son choeur dans le public. Justice ou injustice ? Coupable ou victime ? À chacun de décider...
Les costumes, quant à eux, s'inspirent des formes traditionnelles du XVIIè siècle, mais les coupes en sont épurées, comme réduites à leur principe géométrique. Les couleurs sont simples, issues d'une époque qu'on ne saurait définir et que l'imagination peut compléter. Le gris, le noir, le blanc s'articulent pour créer un mouvement qui ne soit pas situé dans le temps.
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