Opéra & Théâtre d’après William Shakespeare (Hamlet), Heiner Müller (Hamlet-Machine) et Frantz Schubert (Winterreise).
Hamlet doit urgemment venger son père, mais il lui faudra cinq actes et des années pour y arriver... Entre temps, combien de mots (« Words, words, words... ») pour retarder le passage à l’acte, pour chercher une issue, pour contourner l’impuissance ? ! Hamlet n’est-il pas la figure même du poète qui tente de nommer le présent, à défaut de pouvoir agir sur lui ? Dans l’extraordinaire Hamlet-Machine d’Heiner Müller, le « héros » se verra réduit à bredouiller un dérisoire « blablabla » face au spectacle des « ruines de l’Europe ». Comment ne pas entendre en écho le sublime Voyage d’hiver de Schubert, où le poète est sans cesse rejeté à la marge du monde et de l’amour : impuissant. Bouleversant.
La pièce de Shakespeare met en scène une vengeance parricide. Hamlet est à la foi victime et coupable. Victime du meurtre de son père par son oncle, et coupable de sa propre vengeance envers cet oncle, qui usurpe le trône, et la couche royale de son père, faisant de sa mère une Tante-mère.
Cet acte de vengeance est toujours repoussé, retardé, par des flots de parole, des flots de mots, comme si le danger venait finalement plus du mot que de l’acte. Hamlet cherche inlassablement dans les mots, un possible, une issue, qu’il ne trouvera jamais.
Comment « croire », comment donner force de vérité aux mots, aux paroles, d’un spectre sorti de la brume et de la nuit. Alors pour approcher la « vérité », Hamlet fait appel aux professionnels du mot — les Comédiens — .
Shakespeare attend du théâtre qu’il parle du présent, quant aux comédiens ils sont pour lui « les abrégés, les brèves chroniques de notre temps » (II, 2, 515).
Cette piste m’a semblé être la bonne. Celle des comédiens qui nous montrent notre temps. Pour cela il me fallait un « contre-point » au texte de Shakespeare, pour donner à voir au public le dehors et le dedans de l’être.
Hamlet-machine de Heiner Müller et le Voyage d’Hiver (Winterreise) de Schubert se sont imposés à mon regard comme ces « chroniqueurs de notre temps ».
J’ai donc porté sur le plateau deux personnages, féminins, qui seraient par leurs mots joués et leurs mots chantés les abrégés de tous les autres personnages de la pièce, mais aussi simple « figures » porteuses de nos émotions, de nos drames quotidiens, de nos vies actuelles.
Dominique Jacquet est cette comédienne qui interprétera tour à tour entre les vagues lyriques de Laurence Malherbe, un Hamlet, un Claudius, une Ophélie, mais surtout le « BLABLA » d’un Hamlet-machine qui parle inlassablement au « ressac du rivage », avec dans son dos, « les ruines de l’Europe ».
Jacques David
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