Hedda Gabler

du 26 mai au 24 juin 2007
2h30

Hedda Gabler

CLASSIQUE Terminé

Comment représenter et interpréter Hedda Gabler, qui semble osciller entre fragilité et monstruosité de cruauté, bouleversant le monde et les êtres qui l’entourent ? Ce texte serait-il le cri de désespoir d’une société où l’on s’ennuie, où les êtres sont laids de lâcheté et de perversion ? Hedda Gabler est une plongée dans les abîmes de l’âme humaine.

Résumé
Effraction et dissidence
Peindre des hommes

La pièce

  • Résumé

La belle Hedda, fille du général Gabler, a épousé Joergen Tesman. De retour de leur voyage de noces, ils s’installent dans leur nouvelle et vaste maison, mais elle voit pourtant ses rêves de grandeur s’évanouir, engluée qu’elle est dans une existence petite-bourgeoise et provinciale. C’est alors que réapparaît Eilert Loevborg, un ancien ami.

Hedda, comme lui, est en quête d’absolu. Elle est passionnée, pulsionnelle et ne peut tenir dans le monde conservateur, masculin et patriarcal qui lui est imposé. Mais, encore prisonnière des conventions, elle n’ose se libérer et fait payer aux autres sa lâcheté.

Hedda Gabler est une plongée dans les abîmes de l’âme humaine, écartelée entre l’impulsion vitale et l’exigence morale, entre le beau et le bien, entre l’individuel et le social. La question de l’altérité y est centrale…

  • Effraction et dissidence

Dans Hedda Gabler émergent, en une vision étonnamment anticipatrice, des thèmes que l’on retrouve dans la littérature de la crise bourgeoise : le divorce entre vie et esprit, ou entre vie et art, exigence morale et impulsion vitale, liberté chaotique et ordre répressif. La crise élabore l’antithèse entre morale publique et morale privée. Une contradiction ironique se fait jour entre l’exigence d’une personnalité individuelle autonome et la conscience que cette dernière se trouve rigoureusement déterminée par les rapports sociaux.

L’exigence fondamentale d’Hedda est : je veux tout savoir, mais me garder pure !

Les personnages du théâtre ibsénien me touchent tant ils courent à leur perte et évoluent dans des zones troubles. La manière qu’ils ont de se débattre avec une anxiété pathétique, qui les conduit souvent à la destruction d’eux-mêmes, pose question. Hedda Gabler est une plongée dans les abîmes de l’âme humaine.

Hedda Gabler, la pâle beauté, en apparence froide. Demande beaucoup à la vie et à la joie de vivre. Lui (Tesman), qui l’a enfin gagnée, médiocre personnage, mais savant libéral, honnête et doué… Tesman est la correction, Hedda est la personne blasée, Mme Elvsted est l’individu nerveux hystérique d’aujourd’hui, Brack le représentant de la conception bourgeoise personnelle… Le désespoir de Lovborg consiste en ce qu’il veut dominer le monde et ne peut se dominer lui-même.

Comment représenter et interpréter Hedda Gabler, qui semble osciller entre fragilité et monstruosité de cruauté, bouleversant le monde et les êtres qui l’entourent ? Ce texte serait-il le cri de désespoir d’une société où l’on s’ennuie, où les êtres sont laids de lâcheté et de perversion ? Hedda et Lovborg sont deux figures de désir en conflit avec l’ordre social : personnages hétérotopiques, ils ne sont nulle part, ne consistent en aucun endroit, ne tiennent dans aucun schéma dramaturgique classique. Ces personnages ne sont pas conformes, ils ne trouvent pas leur place dans un monde déterminé par le finalisme. Et si on les tire du côté de l’hystérie, vers un diagnostic de la folie, on les rend malades, mais ils ne le sont pas.

La pièce traitera de l’insurmontable (de l’inabordable), de l’aspiration à ce qui est contraire à la convention, aux usages admis dans les consciences… Lovborg a incliné vers la bohème. Hedda est attirée dans le même sens, mais n’ose pas faire le saut.

Du jour où quelqu’un dit non au déterminisme et décide que sa personnalité est polyphonique, multiple, hétérotopique, et que cela se passe en 1890, soit il est considéré comme fou, soit il crève. En ce sens Hedda est une figure passionnée et pulsionnelle. La question de l’altérité est centrale : c’est un théâtre de face à face, l’autre est incontournable. Il n’y a pas de fuite possible.

Ce qu’il y a de démoniaque en Hedda, c’est : elle veut exercer une influence sur un autre... Une fois fait, elle le méprise… La vie n’est pas lamentable… La vie est ridicule… Et on ne peut la supporter. C’est à proprement parler toute la vie de l’homme qu’Hedda veut vivre. Mais surviennent les scrupules. Hérités et inculqués. Ce sont des forces et puissances souterraines qu’il s’agit. La femme comme ouvrier mineur.

Aussi, je souhaiterais avec les comédiens pousser nos limites apparentes, dépasser nos résistances, nos défenses naturelles, pour atteindre ce que nous ignorions pouvoir atteindre. Déjouer la psychologie de personnage, éliminer toute anticipation pour investir pleinement le présent. Comprendre comment construire au théâtre une durée qui ne va pas vers sa résolution, mais fait de chaque instant une cohérence, une création continue. Prendre le risque d’une effraction, d’une dissidence, de l’authenticité et du trouble : un travail au cœur de l’intime et du doute.

Richard Brunel
Citations extraites des manuscrits laissés par Ibsen autour d’ Hedda Gabler, traduits par P.-G. La Chesnais, Henrik Ibsen, Œuvres complètes, Paris, Librairie Plon, 1942.

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  • Peindre des hommes

"Le titre de ma pièce est Hedda Gabler. J’ai voulu indiquer qu’il faut considérer en celle-ci la fille de son père beaucoup plus que la femme de son mari. Je n’ai pas cherché à développer une thèse. La grande affaire a été pour moi de peindre des hommes, des caractères et des destinées en prenant pour points de départs certaines lois sociales et opinions courantes."

Henrik Ibsen - Lettre au Comte Prozor, Munich, 4 décembre 1890

  • La pièce

Hedda Gabler, la pâle beauté, en apparence froide. Demande beaucoup à la vie et à la joie de vivre. Lui (Tesman), qui l’a enfin gagnée,médiocre personnage, mais savant libéral, honnête et doué. Le manuscrit que perd Loevborg a pour objet de montrer que la mission de l’homme est : la vie, avec le fondement social actuel, ne vaut pas la peine d’être vécue. Donc y échapper par des divagations. Par la boisson, etc. Tesman est la correction, Hedda est la personne blasée, Mme Elvsted est l’individu nerveux-hystérique d’aujourd’hui,
Brack le représentant de la conception bourgeoise personnelle. [...]

Le désespoir de Loevborg consiste en ce qu’il veut dominer le monde et ne peut se dominer lui-même. Brack a le goût de vivre en célibataire, en se procurant accès dans une bonne maison familiale, y devenant ami, s’y rendant indispensable.

La pièce traitera de l’insurmontable (de l’inabordable), de l’aspiration à ce qui est contraire à la convention, aux usages admis dans les consciences, ... dans celle d’Hedda également. Loevborg a incliné vers la bohème. Hedda est attirée dans le même sens, mais n’ose pas faire le saut. Il y a chez Hedda une profonde poésie, au fond.Mais l’entourage l’effraie. Pensez donc, se rendre ridicule ! [...]
Elle épouse Tesman, mais son imagination va vers Loevborg... Cette fuite hors de la vie lui est odieuse [...]

Hedda a raison : il n’y a pas d’amour du côté de Tesman. Et pas non plus de la part de la tante Julie. Si affectueuse qu’elle soit. Il est beau de travailler pour un but. Même si c’est pour une erreur... Elle ne le peut pas. Ni prendre part à celui des autres. C’est ainsi qu’elle se tue. [...]

Ce qu’il y a de démoniaque en Hedda, c’est : elle veut exercer une influence sur un autre... Une fois fait, elle le méprise. [...] La vie n’est pas lamentable... La vie est ridicule... Et on ne peut la supporter. C’est à proprement parler toute la vie de l’homme qu’Hedda veut vivre.Mais surviennent les scrupules. Hérités et inculqués. Ce sont des forces et puissances souterraines qu’il s’agit. La femme comme ouvrier mineur. Nihilisme. Père et mère appartenant à des mondes différents. La révolution féminine souterraine dans la façon de penser. La crainte d’être esclave des circonstances.

L’exigence fondamentale d’Hedda est : je veux tout savoir, mais me garder pure !

Extraits des manuscrits laissés par Ibsen autour d’Hedda Gabler, traduits par P.-G. La Chesnais Henrik Ibsen, Oeuvres complètes, Paris, Librairie Plon, 1942.

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La Colline (Théâtre National)

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Spectacle terminé depuis le dimanche 24 juin 2007

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