La pièce
Notes de mise en scène
Extrait
Une maison isolée, au bord de la mer. Comme une épave.
Non loin, des enfants jouent dans les dunes.
Une chaleur aussi écrasante que les souvenirs qui pèsent sur le coeur de ses locataires,
Barbara et sa mère.
Toutes deux semblent échouées là, après un passé dans le luxe déchu des anciennes colonies de l’autre bout du Monde.
Il ne reste plus entre elles que le drame suscité par l’ambition aveugle de la mère.
Elles le revivent sans cesse. Le ressassent.
La mère pour survivre, la fille pour s’en débarrasser et ressusciter.
Ce drame, c’est l’amour impossible.
Le père a préféré le suicide aux exigences insupportables de sa femme.
Le prétendant de Barbara a choisi de fuir les vexations perpétuelles de la mère.
Tout pourrait continuer ainsi si, un jour, ce dernier ne réapparaissait et, après une violente conversation avec la mère alors que la jeune femme rendait visite à une voisine, ne choisissait à son tour la noyade.
Il est venu, c’est la lutte de deux femmes, dont l’une veut s’approprier tous les fantômes de l’autre. C’est l’arène de deux solitudes, l’une définitive, l’autre en attente d’avenir.
Cela, en présence d’une mer à la fois lieu de mort, de souvenir, mais aussi
d’espoir.
Deux univers s’affrontent : l’enfermement des deux femmes et l’immensité extérieure de la vie. Plus le second sera évoqué et symbolisé par des effets sonores (les bruits des vagues, les cris d’enfants...) ou lumineux (le balayage récurrent du faisceau du phare, le soleil à travers les volets...), plus le premier sera clos et étouffant.
S’appuyer sur l’ambiguïté de l’écriture de Florent Brussanne pour le jeu des comédiennes. Souvent lyrique et narrative, elle permettra à la mère d’incarner ses souvenirs, de les ressusciter en passant progressivement du récit au flash-back. En revanche, les autres personnages devront mettre l’accent sur ses aspects réalistes, plus rares mais tout aussi importants. Cela dit, il faudra restituer la structure musicale des phrases qui, par leur rythme et leurs modulations, pourrait répondre à une bande sonore travaillée également dans le sens rythmique du flux et reflux des vagues, ponctués par les cris d’enfants.
Le silence fait aussi partie du texte.
En résumé, tout partira de l’écriture.
Un décor dépouillé qui jouera sur les contrastes : abstraction (les souvenirs sont devenus des réalités)/concret (la maison est devenue une cage), obscurité intérieure/luminosité extérieure...
En fait, là encore, le décor symbolisera l’extérieur rongeant l’intérieur. Peu de meubles, tous coloniaux. Un rocking-chair. Un cadre à photos vide (On pourrait y mettre aussi bien le portrait du père que celui du prétendant de Barbara).Un volet en guise de fenêtre. Une petite table faisant office de cuisine. Celle-ci, avec quelques transformations et jeux de lumières, constituera le décor de la scène de la voisine. Le sable gagne l’intérieur de la maison. Peut-être même un rocher ?
De même, la mère sera vêtue d’une robe de cocktail sombre, autrefois très belle, aujourd’hui défraîchie, qui emprisonne le corps. Barbara, en contraste, portera une robe légère, fluide, blanche.
La mère est cinglante, supérieure. Elle attaque pour qu’on ne brise pas son rêve. Son hystérie est théâtrale, mais se décompose très rapidement. Elle devient alors “une épave”. C’est à ces seuls moments qu’on peut déceler le peu d’amour qu’il y a entre les deux femmes.
Barbara ne demande qu’à vivre. C’est une corde constamment tirée à l’extrême. Elle étouffe. Elle a besoin de reprendre son souffle (scène de la voisine), d’air pur. Elle veut laisser entrer l’extérieur (d’où la présence du sable et du rocher dans le décor).
La voisine est une bouffée d’oxygène dans l’univers clos des deux femmes. Chez elle, on écoute la radio où défilent des musiques populaires. Cependant, elle reste hors de la maison, au contraire du sable et du rocher. Elle n’y a pas accès.
Le spectacle se terminera comme un long travelling arrière, alors que la mère fermera définitivement sa maison à l’extérieur. Trouver une terrible image d’enfermement. Abolir le temps.
MERE : Les bateaux, les dunes, les oiseaux...
Parfois la tempête.
Et la nuit, le phare qui balaye la plage et l’horizon obscur, la profondeur des terres aussi.
Regarder la mer, c’est reposant...
Ça fait réfléchir...
Ça fait se souvenir...”
(première scène de Il est venu)
15, rue du Maine 75014 Paris