Descente aux enfers
Pensées de l'auteur
Extrait
In Vino est un huis-clos sombre et violent relatant la descente aux enfers d'une famille rongée par l'alcoolisme du père. La mère, en quête de pureté, se réfugie dans la religion quasiment jusqu'à la folie, le fils se laisse dévorer par son désir morbide jusqu'à se procurer un flingue pour tuer son père... et la fille cadette tend simplement à se réaliser.
Romane est une rêveuse, elle survit par et pour ces images qu'elle jette sur la toile. C'est ce qui la sauve de cette chose indicible mais dramatiquement concrète qui détruit tout le monde autour. Par amour, elle essaiera de faire tenir sa famille, éviter l'inévitable... jusqu'à l'étincelle qui lui donnera la force de se libérer, prendre enfin son envol.
En provenance directe de la jeunesse de l'auteur, In Vino reste un regard compatissant pour ces écorchés vifs qui malgré tout gardent jusqu'au bout l'espoir de sauver le peu qui leur reste.
- Un jour j’ai dit à ma p’tite soeur « Je te jure, le jour où il crève ce connard, je fais la fête ! ».
Au réveillon suivant mon père est mort.
Ce jour-là Pascal a commencé à écrire In Vino. Il avait 20 ans, c’était il y a 15 ans.
J’ai passé mon adolescence à rêver de le tuer ! Il tenait à peine debout, j’aurais pas eu trop de mal à concrétiser mon désir morbide. Peut-être même sans m’en rendre compte. Peut-être même que je l’ai fait. En tous cas j’ai écrit la pièce.
Il est mort tout seul, sans sa femme et ses enfants, parce qu’un jour il est rentré du travail et on s’était barrés. On lui a juste laissé son lit, sa table et sa télé.
J’ai vu mon père, en plein milieu d’un épisode de Babar l’éléphant, lancer un grand couteau de cuisine dans le vide, contre sa vie ratée, son boulot de merde, sa solitude, sa frustration, contre ma mère, contre lui-même… C'est moi qui étais sur la trajectoire.
J’ai vu mon père se retourner le cerveau et beugler comme un clochard à côté de moi sur un quai de métro alors qu’il m’accompagnait gentiment à l’un de mes premiers rencards amoureux. Heureusement c’était aussi l’un de mes premiers lapins !
J’ai vu mon père décapsuler sa bière tous les matins à 6H pétante. S’écrouler en larmes dans mes bras « Toi au moins tu pleures pas, t’es un homme ! » J’avais 14 ans, je tremblais de tous mes membres.
Et je l’ai vu souriant, enthousiaste, tout heureux de retrouver ses enfants, me voir revenir vers lui, plein d’entrain à l’idée d’organiser ce repas de famille qu’on devait prendre chez lui le 1er janvier 1996.
C’était une petite semaine avant que son coeur lâche.
"- J’ai décalé, changé les prénoms des personnages. Dans la pièce par exemple, ma mère porte le nom d’une tante. Oui, sauf que ce personnage n'est pas ma mère ! En fait, même s'ils viennent de moi, Josiane, Julien, Romane et Malik n'ont jamais existé ! Seulement Roger.
- Ton père dans la pièce, il s'appelle Roger. En vrai il s’appelait comment ?
- Roger !"
Roger : Je vous promets, je vais faire un effort…On va tous faire un effort et vous allez voir, ça va s’arranger.
Julien : Mhum… Et ça c’est quoi ? De la grenadine ?
Roger : C’est rien, ça, c’est pour fêter l’événement.
Julien : Ah.
Roger : Quoi, c’est les dernières, faut bien que je les finisse.
Julien : Oh pardon, je t’avais pris pour un poivrot !
Roger : Hé !! Moi je m’arrête quand je veux, je te signale ! Un poivrot comme tu dis, c’est quelqu’un qui peut pas vivre sans alcool. Moi, quand je veux je m’arrête.
Julien : T'en as, de la chance !
Romane : Julien… !
Roger : Pourquoi vous m’aimez pas ? Hein ? Je suis quand même votre père. Je veux dire… C’est quand même pas juste parce que je bois un coup ou deux de temps en temps… ?
Julien : Mais papa, tu comprends pas que ça y est ? C’est bon, je suis de ton côté, là ! Tu comprends pas, ça ? Ça y est, c’est bon, j’ai arrêté de te faire chier ! Fini ! Compris ! J'ai tout compris ! En fait tu heu… tu vis une histoire d’amour ! Une grande et belle histoire d’amour !! Et moi j’avais pas capté, ça ! J’avais pas compris !!! [...]
Qu’est-ce qu’y a, tu veux quoi ? De la pitié ? C’est ça que tu veux ? Ma pitié ? Ben t’arrive un peu tard, là ! Tu vois, le respect, la compassion, la pitié… Désolé, papa, je suis en rupture de stock ! Et je te parle même pas de l’amour parce que ça… c’est carrément hors sujet, hein ?
6, rue de la Folie Méricourt 75011 Paris