Deux femmes, l’une professeure d’histoire à la retraite, l’autre infirmière de nuit, mènent une enquête sur un massacre de tirailleurs sénégalais par les nazis en 1940. Mêlant écriture documentaire et théâtre d’objet, Insomniaques, nouvelle création de la compagnie Avant l’averse, sonde de façon inédite ce tragique mystère historique et ses répercussions au présent. À partir de 12 ans
À partir de 12 ans
Deux femmes, l’une professeure d’histoire à la retraite, l’autre infirmière de nuit, mènent une enquête sur un massacre de tirailleurs sénégalais par les nazis en 1940. Mêlant écriture documentaire et théâtre d’objet, Insomniaques, nouvelle création de la compagnie Avant l’averse, sonde de façon inédite ce tragique mystère historique et ses répercussions au présent.
Insomniaques s’inspire de l’histoire vraie de trois hommes, Jean-Louis Roussel, professeur d’histoire à la retraite, Laurent Martin, infirmier de nuit et collectionneur de photos d’histoire et Guillaume Lemaître, éditeur et historien. En 2019, ils décident d’écrire un livre sur la vie de Rouen pendant la Seconde Guerre mondiale, d’après les photos qu’en ont faites les soldats allemands occupant la ville. Un jour, ils découvrent une photo qui fait dévier leur recherche : le témoignage d’un massacre de tirailleurs sénégalais et de civils noirs, perpétré par les soldats allemands à leur arrivée dans la ville, le 9 juin 1940. C’est donc le point de départ d’une enquête historique.
Insomniaques c’est l’adaptation pour la scène de cette quête sous forme de fiction documentaire pour deux investigatrices et de nombreux objets manipulés. Un récit dans le récit pour raconter cette enquête méthodique interrogeant ce que c’est d’écrire l’Histoire, questionnant sur ce que ces traces du passé racontent de la France d’aujourd’hui.
Je suis la petite fille de Michel, résistant du réseau Hector dans le Perche et déporté à Mauthausen entre 1943 et 1945. Toute ma famille est impliquée, de près ou de loin, dans le travail de mémoire de la déportation.
J’ai rencontré depuis que je suis toute petite des anciens déportés, des veuves, des enfants de déportés, qui racontent. Des gens toujours très actifs dans la transmission de la mémoire, pour des raisons communes et individuelles, politiques et psychologiques.
L’écoute de ces récits, de ces paroles, est toujours un moment très particulier pour moi. Cela me fait une grande impression, je suis réceptive et en même temps extrêmement active : c’est vivant, c’est dans le présent, c’est comme s’il y avait de la vibration, dans l’air et dans les corps. Parce qu’ils ne ressassent pas : il ne s’agit jamais d’une intention de conserver le passé et le récit du passé tel quel, pour simplement archiver et stocker de l’information. Si archives et traces sont primordiales, si les récits du passé sont au coeur d’une démarche qui leur demande une énergie et un temps énormes, c’est parce que la mémoire est un outil pour le présent.
La mémoire est un travail politique familial, familier pour moi. J’ai grandi avec des récits, des lieux, des objets liés à la Seconde Guerre Mondiale. Mais cette histoire-là, celle des massacres de Tirailleurs Sénégalais par les nazis dans les années 40, je ne la connaissais pas : on ne me l’avait jamais racontée, ni dans ma famille, ni à l’école. Comme si cela ne nous concernait pas. Des historien·nes ont bien entendu travaillé sur les forces coloniales et sur la vague de massacres de 1940, mais cela n’était jamais parvenu à mes oreilles, et à Rouen, rien n’avait été fait.
La constatation de mon ignorance a beaucoup résonné en moi avec les résultats des dernières élections, et la montée de l’extrême-droite fascisante en France et en Europe. Je pense que la mémoire est ce qui nous permet de faire des liens, de faire du sens, de poser des repères, de prendre en compte la complexité du monde dans lequel nous vivons. Avoir la mémoire courte, c’est extrêmement dangereux pour le présent. Et à force de ne pas interroger notre capacité à oublier, nous oublions de regarder les autres dans toute leur humanité.
Je pense que la scène est un lieu propice à questionner, à éclairer : c’est comme un laboratoire où le politique et le sensible peuvent se rejoindre pour mieux penser les zones d’ombres, les zones vers lesquelles nos yeux du quotidien ne daignent pas regarder. Il faut raconter cette histoire parce qu’il faut se demander pourquoi cette mémoire-là n’est pas (suffisamment) transmise ; et dès que cette question surgit en vient une autre : pourquoi cette mémoire nous est-elle nécessaire ? Quel rôle a-t-elle pour construire le présent ? Quels points de repères pose-t-elle ?
Notre spectacle s’inscrira dans la transmission de cette mémoire.
3, rue Sadi-Carnot 92320 Châtillon
Voiture : De la Porte de Châtillon : direction Versailles. Dans Châtillon : direction Centre Ville puis Mairie.