Dans un lieu qui pourrait s’appeler cabaret ou théâtre, où le sérieux et la légèreté, la gravité et la dérision pour un soir ne s’opposeraient plus, quelques spécimens de l’humanité viennent se raconter ou se chercher une vérité sous la conduite d’un présentateur plutôt déconcertant. N’ayant d’autre principe que faire spectacle de tout, ce lieu se voudrait un miroir, ce même miroir des contes dans lequel on vient s’interroger ou se dévoiler.
« Véritable théâtre de l’illusion, les spectacles de Joël Pommerat jouent à merveille des ombres et des lumières, des voix naturelles et du play-back, pour étudier l’homme dans sa réalité la plus immédiate, la plus nue, la plus troublante. Après la création de Je tremble (1) en 2007, il crée aujourd’hui la deuxième partie de ce spectacle et entreprend un voyage fait de petits moments, de petits instants, de chansons, de récits dans un monde que l’on pourrait croire voué au divertissement, qui pourrait être celui du cabaret. Mais devant et derrière le rideau changeant, rouge, doré, argenté se construit un cérémonial où les paillettes et le strass se lézardent très vite pour laisser la place à la parole de celles et ceux qui viennent nous dire la vérité de leur vie. Inventeur de l’anthropologie théâtrale, Joël Pommerat nous entraîne une fois encore dans les entrailles de l’humanité en multipliant les narrations biographiques, réelles ou fantasmées, de tous ceux que nous croisons, les voyant parfois mais sans jamais les entendre : “la femme très mal en point”, “l’homme le plus riche du monde”, “l’homme qui n’existait pas”, “la femme très enceinte”, “la femme très âgée”… Ici, pas de dénonciation, pas de jugement, pas de morale mais un contact avec l’intime d’autant plus fort et plus dérangeant qu’il est mis en situation dans un monde de rêves et d’illusions.
Dans sa fragmentation, ce travail touche au plus près notre fascination pour les images dont nous sommes envahis, belles images qui dissimulent une réalité moins belle, puisque Joël Pommerat multiplie les séquences tel un magicien ou un prestidigitateur.
Assistons-nous bien à un spectacle de cabaret, à un vaudeville, à une nouvelle forme de tragédie ? Sans doute à tout cela à la fois, sans autre certitude que de se dire que Joël Pommerat et ses remarquables acteurs nous permettent d’être au coeur de l’art du théâtre, puisque nous sommes “dans l’histoire sans être dans l’anecdote”. »
Jean-François Perrier pour le Festival d’Avignon 2008.
« Le théâtre, c’est ma possibilité à moi de capter le réel et de rendre le réel à un haut degré d’intensité, de force… Avec des moyens qui sont des artifices, je cherche le réel. Pas la vérité. Il n’y a que la réalité qui m’intéresse. On dit que mes pièces sont étranges... Oui, l’étrangeté, c’est toutes les contradictions que le réel ne peut pas abriter parce que la vie en société ne le permet pas forcément, ces contradictions qui existent, mais dont on se détourne. Et là on ne se détourne pas… »
L’écriture du texte de « Je tremble (1 et 2) » s’est faite en proximité et en écho à l’oeuvre de François Flahault.
37 bis, bd de la Chapelle 75010 Paris