Spectacle en anglais surtitré en français.
Un singe se faisant appeler Peter Le Rouge témoigne de sa condition animale très à part devant les membres d’une académie. Avec sa nouvelle, Rapport pour une Académie, Franz Kafka questionne, en 1917, les violences et les aveuglements de la nature humaine en revisitant la légende du « chaînon manquant » avec un animal qui ayant fait l’apprentissage du langage s’avère plus humain que les humains.
Piégé par des chasseurs sur la Gold coast africaine, Peter Le Rouge, fait très vite le choix dès son arrivée en Europe entre une cage au jardin zoologique et une carrière d’artiste de music-hall. C’est cet animal devenu la vedette des planches des cabarets qui témoigne ici d’une générosité de sentiments que beaucoup d’homo sapiens pourraient lui envier. Avec en toile de fond, le portrait d’un grand singe d’Afrique… c’est en redingote et la coiffure hirsute que l’actrice anglaise Kathryn Hunter incarne le fameux Peter Le Rouge dans cette mise en scène de Walter Meierjohann adaptée du texte de Kafka par Colin Teevan et créée par la Young Vic Theatre Company de Londres.
D'après Rapport pour une académie de Franz Kafka. Chorégraphie : Ilan Reichel.
Avec Walter Meierjohann, metteur en scène
Pourquoi avoir choisi de mettre en scène Rapport pour une Académie de Franz Kafka ?
J’ai rejoint l’équipe du Young Vic Theater à Londres en 2007 et j’y ai vu Kathryn Hunter interpréter Fragments de Samuel Beckett mis en scène par Peter Brook. Je ne connaissais pas beaucoup d’acteurs anglais mais quand je l’ai vue sur scène j’ai été soufflé. Ma première pensée a été « qui est cette femme ? » et ma seconde pensée a été « je connais une oeuvre - Rapport pour une Académie » qui d’ailleurs n’avait pas souvent été montée en Angleterre. Je suis donc allé la rencontrer immédiatement après la représentation. Nous avons commencé à en parler : elle ne la connaissait pas, je lui ai donc préparé une copie suis allé la rejoindre à Southampton où elle été en tournée pour Fragments. Nous avons lu le texte ensemble et elle se transforma devant mes yeux en un singe : je savais que j’avais raison de monter ce spectacle avec elle. Je pense que c’est une oeuvre remarquable. J’ai toujours aimé Kafka et cet auteur a été peu mis en scène en Angleterre. En Allemagne, il est fréquemment interprété par les comédiens débutants pour montrer de quoi ils sont capables. Il est un peu déplacé d’aller proposer à une comédienne d’interpréter un singe mais Kathryn rêvait d’interpréter ce rôle.
Joue-t-elle le rôle d’un singe femelle ?
Non, elle joue le rôle d’un singe mâle. Ce qui est intéressant avec Kathryn, c’est qu’elle a de toute façon cette apparence androgyne. Je pense que c’est exactement ce qu’il faut pour ce texte car cette créature est à la frontière du singe et de l’être humain. En regardant Kathryn sur scène, vous ne savez pasexactement qui elle est, notamment à cause de sa voix incroyablement profonde qui peut être à la fois dure et charmante. Je pense que plus le public se pose la question de savoir qui est sur le plateau, l’effet est réussi.
Avez-vous mis en scène Kafka auparavant ?
Kafka fut le premier auteur que je mis en scène lors de mes études de mise en scène en Allemagne. Il nous avait été demandé de mettre en scène un texte d’une demi-page où il n’y avait aucune aucun effet dramatique. Nous devions donc être inventif, c’est que j’avais beaucoup apprécié. Je pense que c’est pour cette raison que j’ai eu envie de revenir vers son oeuvre.
Avec Kathryn Hunter, comédienne
Qu’est-ce qui vous a attiré chez Kafka ?
C’est un auteur ahurissant, il pense tout le temps en paradoxe. Il a la faculté de faire changer le point que vue que l’on peut avoir sur le monde et nous mettre dans une position instable. C’est ce qu’il fait avec ses personnages, comme dans La Métamorphose. C’est une oeuvre remarquable car vous entrez dans la tête d’un personnage humain qui a l’apparence d’un insecte. Dans Rapport pour une Académie, un ancien singe regarde les hommes et leur demande s’ils sont supérieurs aux animaux. Ce type de questions m’intéresse beaucoup.
Pouvez-vous nou s parler du travail vocal et physique effectué pour le rôle ?
Trouver le chimpanzé physiquement a été un défi et nous sommes heureux d’avoir évité les clichés du singe. Nous avons travaillé sur le rythme de déplacement et exploré la structure interne et externe de cet animal. Je suis notamment intéressée par la combinaison de force et de souplesse, de calmeet de violence que les chimpanzés manifestent. J’ai aussi travaillé vocalement sur une qualité de voix qui suggère un personnage masculin mais sans trop la marquer. Ce chimpanzé, Peter le Rouge, s’est modelé en imitant différentes personnes, il y a donc également un grand niveau d’imitation dans sa voix. Il est extrêmement complexe de créer un personnage qui n’est ni humain ni chimpanzé. C’est un défi physique et vocal.
© Keith Pattison.
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