Klaxon, trompettes… et pétarades a été écrite voici 30 ans, peu après l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades Rouges.
Au prix d’une intrigue rocambolesque qui voit la chirurgie esthétique donner au patron de FIAT le visage d’un de ses ouvriers, Dario Fo embraye sur une farce grotesque qui fait pétiller « la folie du pouvoir qui se trouve inversé ».
C’est sur une demi-piste de cirque que Marc Prin catapulte cette pièce totalement inédite en France, afin de « montrer le réel tel qu’il est, déglingué, incohérent, jusque dans ses emballements farfelus qui révèlent paradoxalement des mécanismes impitoyables ».
Klaxon est une pièce ancrée dans une actualité spécifique : l’Italie des années 1970-1980 et son lot de mouvements sociaux, de luttes, de séquestrations, d’attentats meurtriers, jusqu’à l’apothéose du pire : l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro.
Cette époque, qui appartient à l'Histoire, qu'a-t-elle à nous dire sur la nôtre ?
Vue d'aujourd'hui, elle annonce très clairement l’avènement de la prédominance et de l’omnipotence du pouvoir économico-financier sur la «chose» politique. Par contraste, elle jette aussi un éclairage cru sur la passivité des politiques et sur notre résignation collective face aux délocalisations et autres restructurations, qui laissent sur le carreau des centaines de milliers de licenciés économiques, de salariés. Elle nous oblige enfin à prendre la pleine mesure de la colère et de la désespérance de ces laissés-pour-compte de la globalisation triomphante, celles des ouvriers de Continental à Clairoix s’attaquant à la sous-préfecture de Compiègne, celles des travailleurs de l’usine Molex à Villemur-sur-Tarn, séquestrant l’un de leurs dirigeants, pendant 26 heures.
Car la lutte des classes, dont la disparition a pourtant été plusieurs fois claironnée et entérinée, existe toujours bel et bien. Elle est même dans une phase critique : elle est en passe d'être perdue. Ou gagnée... « La lutte des classes existe, bien sûr, et c’est la mienne qui est en train de la remporter », clame haut et fort le milliardaire américain Warren Buffet. C'est ce triomphe obscène que Dario Fo pressent lorsqu’il fait dire à Agnelli à la toute fin de Klaxon : « Vous n’avez jamais lu Karl Marx, alors ? Eh oui, je sais… nous sommes les seuls à présent, nous les grands industriels, à lire le Capital… en particulier le passage où il est dit ; « Le seul véritable pouvoir est le pouvoir économico-financier, les holdings, les banques, les marchés… en un mot, le Capital ! » (…) Mettez-vous bien ça dans la tête : je suis l’État ! Le capital que je représente c’est l’État ! (…) L’État c’est moi ! ». Tel est le miroir impitoyable tendu par Fo à notre époque : triomphe cynique de l’argent, mise au pas de la justice, haine ouverte de la pensée et de la culture, abrutissement généralisé à grands coups de futilités télévisuelles...
Comment faire face ? Qui mieux que Dario Fo, qui affronte bille en tête une Italie rendue aux sirènes du populisme de Berlusconi et de Bossi, peut nous indiquer la voie ? Artiste engagé et infatigable enragé, il est, à 87 ans, toujours en prise avec la réalité d’un monde sinistre à souhait - «Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté». Fort de son érudition hors norme, ardent défenseur d’une culture orale et populaire, il démontre par le rire que la farce et la satire sont une arme efficace contre le tragique contemporain. Par la grâce de son gai savoir d'auteur-acteur, sa riposte consiste à transposer la tragédie du réel en comédie grotesque, rageuse et vengeresse. Sans demi-mesure ni fausse pudeur, sans barguigner ni tergiverser, le dramaturge italien rend coup pour coup et se farcit au propre comme au figuré aussi bien la figure du patron que celle de l’ouvrier machiste. Klaxon est férocement drôle et violemment d’actualité.
Avec une sorte d'évidence miraculeuse, une fois traduite, adaptée et resserrée, Klaxon, trompettes… et pétarades se met à parler d’aujourd’hui avec une force de percussion inouïe. Théâtre de situations plus que de texte, la machine scénique inventée par Fo propose une partition d’une précision mécanique. Machine à broyer et/ou machine à jouer, elle donne toute sa place au corps de l’acteur. Précipité dans les situations les plus folles, l’acteur suit sa logique propre, naïve, absurde mais toujours concrète et sincère. Seul, à deux ou à plusieurs, il avance parfois masqué, mais toujours à découvert, au cœur d’un dispositif de «quat’sous», d'une scénographie délibérément légère, bricolée, sans coulisses ni miracles. Il s'engage, il se dépense, il se dépasse, toujours exposé à la vue du spectateur, sans jamais l’oublier, jamais devant, jamais derrière, toujours avec. Il y a là la nécessité d’être en prise directe – au présent – avec le public, de façon à le «dominer, pour garder le rythme». L’acteur « tripes à l’air » est contraint à la virtuosité.
Marc Prin
« La scénographie de Marc Prin est habile, c'est joyeux, vif, parfois truculent. » Télérama Sortir
« Une réussite, portée au meilleur d'elle même par une distribution épatante. » Rue du Théâtre
« Un théâtre profondément engagé, résolument populaire. » La Terrasse
20, avenue Marc Sangnier 75014 Paris