L'Avare

CLASSIQUE Terminé

Remarque : toute personne ayant acheté une place plein tarif se verra donner au contrôle un coupon de réduction, lui permettant d'acheter une place à moitié prix sur une autre représentation. Harpagon est un homme possédé par l’avarice. Son vice, qui a peu à peu pris en lui la place de toute autre

Remarque : toute personne ayant acheté une place plein tarif se verra donner au contrôle un coupon de réduction, lui permettant d'acheter une place à moitié prix sur une autre représentation.

Résumé
À propos de l'Avare, par Marielle Bancou
Pour en savoir plus sur l'Avare , par Gérard Wajcman
Quelques extraits de presse

Résumé

Harpagon est un homme possédé par l’avarice. Son vice, qui a peu à peu pris en lui la place de toute autre pensée et de tout autre sentiment, pèse lourdement sur la vie des siens et des gens de sa maison. La situation de sa fortune, le rang qu’il devrait avoir souci d’observer, ne le retiennent pas de faire régner autour de lui la plus sordide économie. Les laquais sont mal payés et mal vêtus, les chevaux mal nourris. Valère, l’intendant qu’il s’est adjoint pour surveiller ses domestiques et gérer ses intérêts, se voit dicter les consignes les plus sévères. Veuf, Harpagon a une fille, Élise, qu’il a entrepris de marier au vieil Anselme, son voisin, pour la seule raison que celui-ci ne réclame pas de dot à sa fiancée. Son fils, Cléante, ne reçoit de lui aucun argent et doit, pour subvenir à ses besoins, recourir à des emprunts usuraires : il découvre d’ailleurs que son courtier n’est que le prête-nom de son propre père.
Les deux jeunes gens, impatients de fonder un foyer pour échapper à la contrainte paternelle, ont l’un et l’autre fixé leur choix. Élise aime Valère et est aimé de lui, qui n’est d’ailleurs entré au service d’Harpagon que pour mieux accomplir leur dessein ; et Cléante s’est épris d’une jeune fille installée depuis peu dans le voisinage, Mariane. Le frère et la sœur se font confidence de leurs projets et conviennent de s’aider mutuellement à les faire triompher.
Cependant, Harpagon s’est de son côté mis en tête d’épouser Mariane. Lorsqu’il découvre que son fils est son rival, il le somme de renoncer à la lui disputer.
La Flèche, valet de Cléante, qui s’emploie à seconder les vœux de son maître, a découvert la cachette où Harpagon dissimule un important dépôt d’argent. Il subtilise la cassette et la remet à Cléante, qui se servira de ce gage pour amener son père à lui abandonner Mariane.
Harpagon, désespéré de se voir dépossédé de son trésor et cherchant à fixer ses soupçons, les porte finalement sur Valère, que lui désigne la vengeance d’un domestique. Valère, voyant la colère du vieillard, croit qu’il a eu connaissance de l’amour qu’Élise et lui-même se portent l’un à l’autre et renonce à s’en cacher davantage. Harpagon voit ses desseins là encore contrariés.
Un événement inespéré va dénouer la comédie. Devant le vieil Anselme, venu pour s’accorder avec Élise, Valère fait connaître ses origines : il se découvre qu’Anselme est le père de Valère et de Mariane, tous trois ayant été séparés jadis dans un naufrage. Valère épousera Élise et Mariane sera la femme de Cléante, qui rapporte à son père, pour le consoler de ses amours contrariées, son cher argent retrouvé qui régnera désormais sans partage sur son cœur.

À propos de l'Avare, par Marielle Bancou

L’Avare 2000 de New York à Paris

Durant l’hiver 1998/99, alors que nous collaborions pour la première fois pour le Marchand de Venise , à " l’American Repertory Theatre " de Boston, Andrei Serban me demandait : " Que pensez-vous d’un autre travail ensemble à Paris ? L’Avare, au printemps de l’an 2000 ? Faites quelques livres et je les emporte à Paris pour les montrer à Jean-Pierre Miquel, Administrateur de la Comédie-Française. Je pars le mois prochain. "
Molière, après Shakespeare. J’étais ravie. Sans hésitation je me mis au travail. Comment étais-je passée du livre peint qui faisait l’objet de mes recherches de peintre, depuis quelques années, au décor de théâtre ?
Très directement, à travers la vision du metteur en scène original Andrei Serban, qui collectionnait mes livres, devenus objets-sculptures dans les mains de ce " lecteur " - créateur. Changeant de format, les mini-livres (des livres-accordéon, base japonaise sur laquelle les moines bouddhistes écrivent leurs prières) devenaient maxi-paravents aux couleurs mouvantes et étaient exécutés avec une technique de peintre : ce n’était donc pas simplement un décor peint mais un décor-peinture. Peter Brook, qui aimait l’idée de cette métamorphose, avait recommandé : " Il faudra peindre vous-même, en insistant sur le vous-même ".
C’est la couleur qui crée l’atmosphère de la pièce : je venais de finir un violent paravent " Venise ", rouge et or, en face d’aimables tons pastels que suggérait Belmont. Que choisir maintenant pour l’Avare ?
D’instinct, la première réponse fut : gris pour la bourgeoisie parisienne, gris pour l’avarice, gris pour la structure, gris pour le rideau, gris pour les costumes.
Je couvris des livres de camaïeux gris ; pas de simples gris issus de noir et blancs, mais de multiples gris cassés, teintés de rouge, de vert et de violet.
Récemment, à Paris, j’ai constaté que, dans différents théâtres, le gris était à la mode. Lorsque je m’occupais à New York des couleurs de la mode et que nous publiions des " cahiers de prévisions " américains, on me demandait souvent : " comment devinez-vous ? ". Je ne les devinais pas : les couleurs sont dans l’air. Il faut les voir et les saisir : les gris avaient sûrement couru dans l’air.

À la fin du mois d’août 1999, nous commençâmes à travailler à Paris avec l’équipe du Français - et la maquette des gris prit naissance.
Six mois plus tard, à quelques semaines de la première de l’Avare, je suis " étonnée et ravie " de faire partie, ne fût-ce que pour un court temps, de l’équipe professionnelle, artistique et civilisée plus que n’importe où ailleurs, de la Comédie-Française. Dominique Schmitt et Catherine Rebeyrol travaillent avec moi l’une aux costumes, l’autre au décor - et le magicien Renato Bianchi… Je devrais continuer à citer, sans exception aucune, les noms de tous ces professionnels, amoureux du théâtre, mettant à la disposition des invités de passage le meilleur d’eux-mêmes, avec la plus grande compétence et la plus ouverte générosité.
Il faut citer ici Sarcelles, qui enchante lorsqu’on arrive de New York. C’est dans cette banlieue nord de Paris que sont installés les ateliers géants où se construisent et se peignent les décors, lieu dont l’équivalent manque totalement dans la riche ville de New York.
Nous avions souffert de cette totale absence d’ateliers dans la réalisation des décors pour Hamlet en décembre dernier.
Je dis " nous ", car Andrei Serban collabore de près à la conception des décors et costumes.
J’ai toujours été frappée par la connaissance picturale d’Andrei Serban dans ses réactions, ses critiques, ses suggestions de couleur et de forme. Un jour, devant tous les gris de l’Avare, il me dit " après tout, Molière a écrit des comédies… interrompez parfois, ce gris. Je vois Mariane en rouge, et des paravents comme des accents de couleurs vives ". Ce fût lui qui imagina des paravents de plusieurs hauteurs permettant plus de variété. L’énergie qu’il met en marche avec les acteurs tournant, courant, dansant autour ou au-dessus des paravents (eux-mêmes en mouvement), crée une chorégraphie inattendue. L’originalité de ses mises en scène où il passe comme dans la vie, sans arrêt, du comique au tragique, apporte à chaque œuvre à laquelle nous avons collaboré une vue nouvelle, jamais conventionnelle - toujours en changement. Les changements sont constants, réinventés à chaque répétition. Rien n’est jamais cristallisé ; ce n’est pas facile d’abord pour les acteurs. Je suis frappée par la souplesse, la rapidité et l’intelligence subtile des acteurs en répétition qui immédiatement répondent à chaque demande et créent un jeu, une interprétation nouvelle adaptée au changement du moment.
Ce qui n’est pas facile non plus pour les costumes. Nous avions décidé de costumes modernes ou plutôt sans époque. Rien n’indique un moment précis de l’histoire, dans l’Avare. Au temps de Plaute, de Molière ou de Woody Allen (le Molière new-yorkais), l’avarice est semblable - universelle - …telle quelle.
Mais ces costumes modernes changent, selon l’interprétation du caractère.
Quand faut-il s’arrêter de changer ?
La question est à poser à Andrei Serban. En attendant, comme le dit Harpagon, Gérard Giroudon, " nous vivons ensemble une belle aventure ".

Marielle Bancou
février 2000

Pour en savoir plus sur l'Avare , par Gérard Wajcman

" L’Avarice (Figures, retournements & transpositions)

Si, pour parodier Molière, qui en savait un rayon sur le sujet, on peut donc dire de l’Avarice qu’elle n’est pas un vice à la mode, ne plaisantons pas, cela n’entame évidemment rien quant à l’existence tenace de la chose, qui se porte à merveille, comme chacun aisément s’en persuade chaque jour. L’Avarice semble à la fois prospère et cependant une Figure du passé et dépassée. L’avarice souffre d’un déficit d’image, elle n’a pas d’image moderne et n’est en rien une Figure de la modernité - de toute façon, elle n’a pas une bonne image du tout. Voilà le fait.

Maintenant, on pourrait légitimement se demander si elle n’a pas toujours paru ainsi, ancienne et passée. Ce qui ferait l’image de l’Avare harpagonien une personnification exacte de l’Idée : un vieux qui a toujours été vieux, mangé moins par les ans que de l’intérieur, par sa nature avaricieuse, un vieux de naissance, même si, chez Molière, trait de génie, ce vieux lorgne concupiscemment vers une jeunesse. Un jeune avare ? Ce serait quand même un " vieil avare ". L’Avarice est vieille et rend vieux. Péché rance.

On admet donc implicitement que l’Avare fut élevé en Figure au XVIIe siècle chez Molière, et que ce portrait est définitif. On désignera par Figure la trace que laisse un sujet, ce qui, de lui, reste en héritage dans la mémoire des hommes. L’Art produit ainsi des Figures. Harpagon n’est pas un homme avaricieux, un avare est devenu ici l’Avare pour toujours et à jamais (son nom propre de personnage est d’ailleurs à présent non commun), un Type. Le rôle de l’Avare sur le Grand Théâtre de la Comédie Humaine. Il devait évidemment faire retour chez Balzac. Si Balzac, seul, après Molière, est parvenu à produire d’autres Figures mémorables d’Avares, elles ne sont toutefois pas entièrement nouvelles. Le père Grandet, Gobseck sont encore, dans leur trame, des Harpagon, au temps du capitalisme. La littérature est par nature puissance critique, elle aime penser contre. La Figure dénoncée de l’Avare est d’abord littéraire.

Impossible de s’identifier. L’Avare c’est l’Autre. Se séparant de la série des péchés, l’Avarice semble définitivement insubjectivable. L’Avare est un Autre. Figure d’un Autre Absolu, complet, assis et rassis sur le tas de son Tout, qui ne nous laisse rien, que nos yeux pour pleurer. La Figure de l’Avare c’est le rêve d’une complétude - " bourré de pognon ! " (quand en vérité il souffre, cruellement, du manque, chaque sou qu’il n’a pas ou qu’il perd le déchire, le manque lui est plus qu’un supplice). Il est si Autre qu’on à peine à croire que dans le retrait ombreux d’un confessionnal, quelqu’un ait pu jamais confesser ce péché tel quel, " Mon Père, j’ai commis le péché d’avarice ". Il saute aux yeux que quelque chose ne va pas : on commet la luxure, la gourmandise ou la colère, on ne commet pas un péché d’avarice. L’avarice touche à l’être. On est Avare. On ne peut que se reprendre de son être. Nul pourtant ne s’y résoudra. Et pourtant, comme cela arrive parfois, un jour brumeux de déprime, on ne reculera pas à se couvrir de fleurs autrement vénéneuses. D’ailleurs, de quelle faute le sujet le plus innocent ne serait-il prêt à s’accabler ? Insondable culpabilité de l’être. Pourtant, même du fond de la crise de vérité la plus sévère qui puisse ravager ce sujet, autant dire la plus mélancolique, on a le sentiment que jamais, du plus sourd désespoir, ne jaillira l’exclamation : " Je suis un abominable avare, qu’un sale rapiat ! ". L’Avarice comme trait d’inidentification absolue.

Si le vocabulaire est maigre pour piquer le gourmand, la langue n’est guère avare pour vitupérer le rapiat. On le dira avaricieux, regardant, ladre, grigou, grippe-sou, liardeur, pince-maille, pleure-misère, tire-sou, fesse-mathieu, regrattier, barguigneur, pingre, grimelin, mauvais riche, chien, rat, vampire, vautour, rapace, radin, gredin, harpie, vilain, harpagon ; on dénoncera ses défauts en kyrielle, avidité, âpreté, barguignage, chicheté, parcimonie, sordidité, petitesse, vilenie, mesquinerie, amour de l’argent, soif de l’or ; on fustigera sa lésine (économie sordide et ingénieuse connue surtout sous la forme verbale et généreuse qui enjoint toujours de ne pas lésiner) ; on le taxera de dur, tenace, affamé, avide (ce que le mot avare signifiait aussi jusqu’au XVIe), vénal, chiche, regardant, serré, sordide, crasse, mesquin, chipotier, vénal, cupide. La langue est un trésor, y compris pour un avare de mots.

D’un autre côté, l’Avare n’est pas exactement seul-seul : il a un rapport essentiel au monde, soit comme ce qui recèle l’or qu’il n’a pas, et donc dont il manque, cruellement, et donc qu’il convoite, soit comme ce qui menace l’or qu’il possède et qui risque incessamment de lui manquer. Les êtres sont ainsi instrumentalisés par sa passion, comme ce qui peut, d’une façon ou d’une autre, la satisfaire. On voit tout de suite qu’il n’y a, dans ce monde, qu’un seul mode sous lequel un autre sujet peut apparaître : comme voleur potentiel. Toute autre volonté est hostile. Tout autre désir que celui de l’Avare est ennemi, par définition, plus que rival, menaçant et mortel. La volonté de l’Avare emporte l’exclusion de toute autre volonté, parce que toute volonté, qui ne se renonce pas elle-même, qui n’est pas mobilisée au service de son bien, va forcément contre son bien. Toute autre aspiration devient conspiration. L’homme veut le bien de l’autre, dit-on ; la formule peut s’entendre soit comme celle d’une douce et profonde charité humaine, soit comme celle d’une essentielle et criminelle invidia.

L’Avare, dans sa Figure, est despote. En sa maison, ailleurs, avec tous, partout, tout le temps, par nature. Despotisme implacable, impitoyable. Insupportable. L’Avare impose un ordre de fer. D’or. Si on se précipite à voir cela sous un jour sociologique et progressiste, éclairant l’arrogance de l’Avare par la puissance de l’argent-roi, on s’obscurcit tout. La version psychologique, entre névrose obsessionnelle et paranoïa ne vaudra guère mieux. Car il me semble que l’absolutisme de l’Avare fait surgir une autre face, un visage que je qualifierai de sadien de l’Avare : " Il n’est point d’homme qui ne veuille être despote quand il bande. "

Que l’Avare est homme de Désir. Cela éclate, en creux, dans le quiproquo entre Valère (qui parle de son amante, la fille d’Harpagon) et Harpagon.
" Valère : Tous mes désirs se sont bornés à jouir de sa vue ; et rien de criminel n’a profané la passion que ses beaux yeux m’ont inspirée.
harpagon : Les beaux yeux de ma cassette ! Il parle d’elle comme un amant d’une maîtresse. " (L’Avare, acte V, scène 3).
" Exaltation de la cassette d’Harpagon par le quiproquo qui lui fait substituer à sa propre fille quand c’est un amoureux qui lui en parle ", dit Lacan. Comme si les deux désirs qui se rencontrent, si contraires, pouvaient cependant être confondus. " Les beaux yeux de ma cassette ! " On pourrait chipoter, opposer qu’Harpagon s’étonne de ce discours amoureux tenu sur son argent plus qu’il y consent ; mais il faut s’en tenir à ceci : que le quiproquo existe, qu’il est possible. Cela suffit. Et que c’est un topos que l’or a pour l’Avare les attraits d’une femme, et qu’il " jouit à sa vue ". Comme si l’objet de l’Avare pouvait cristalliser bien d’autres désirs.

Molière en savait un bout sur l’Avare ; c’est sans doute que l’Avare, lui, en sait un bout sur le désir (ressort essentiel de l’intérêt de Molière pour l’Avare ?). Ironie, ironie, voici l’Avare élevé en Figure de Vérité sur les âmes en proie au péché. Contrairement au commun des mortels (est-ce ainsi qu’on nomme poliment les névrosés ?), l’Avare sait ce qu’il veut, il est clair sur son désir. Non seulement il sait ce qu’il veut mais cela lui donnerait une pénétration sur ce qui s’agite au plus intime de chacun. Comme si la passion de l’or, infâme et délétère, détenait, dans son horreur exclusive, la clef de toutes les autres, sorte de Passion ultime et épurée. Un caput mortuum des passions, ce qui reste une fois qu’ont été traversés tous les feux illusoires qui faisaient s’essouffler en vain après ceci ou cela. Une sorte de passion véridique, au-delà de tout. La seule passion qui vaille. Une Passion Vraie. Et Vérité de la Passion. Moche. Très moche. Mais comme disait Nietzsche, y’a pas de raison pour que la Vérité soit jolie ni rigolote. Vérité sur la marionnette humaine, jouet de ses désirs. Malheur à l’homme qui détient une telle vérité sur le Désir, le commun des mortels l’a à l’œil. Il a des airs d’oiseau de mauvais augure. Harpagon, Gobseck en oiseaux de proie, The Men who knew too much.

L’Avare n’est pas un péché moderne parce qu’elle n’est plus un péché. Aucun rentier-petit-porteur-ordonné-économe-obstiné-constipé ne méritera jamais ni cet excès d’honneur ni cette indignité d ‘être traité d’ignoble ou d’infâme. Peut-être même tiendra-t-on cet harpagon pour un parangon de vertus nouvelles, sens de l’économie, prudence des investissement, foi dans les placements ou espérance dans les taux rémunérateurs.

Donc, une Figure possible de l’Avarice aujourd’hui, ce serait une Figure de Vérité sous la forme, si je puis dire, d’un tas de quelque chose, un reste, un truc sans forme, hors-Beau donc, une loque. Après tout, on pourrait tenir ça pour une Vanité freudienne. Ce serait la nouvelle vanité, la vanité moderne. " Vanité de l’Avare ", ça pourrait s’appeler, il y en a même certains qui diraient " Vanité de l’Art ", pour faire plus court.

Gérard Wajcman
Extrait de Collection, éd. Nous, 1999.

Quelques extraits de presse

A F P, le 7 mars 2000 — Yves Bourgade
Le metteur en scène roumain, Andrei Serban, propose pour sa nouvelle production l'Avave avec la Comédie-Française une version rajeunie et dépoussiérée de la pièce de Molière.[...] On ne s'ennuie pas un instant et les tours et détours de la pièce, peu vraisemblables comme souvent chez Molière, passent sans effort. La salle rit aux éclats, comme si elle ne s'attendait pas à ces rebonds, à ces " gags " et à ces interjections, certaines passées dans le langage courant. La troupe est homogène, de Gérard Giroudon à Roland Bertin en M. Anselme, le deus ex machina final, en passant par Muriel Mayette en Frosine, entremetteuse moderne, Céline Samie en Marianne, au profil et courbes de Marilyn Monroe. Les jeunes gens Éric Ruf en Valère, Éric Génovèse en Cléante, sont particulièrement dégourdis et inventifs. Tous donnent à la pièce rythme et vivacité. [...]

Les Échos, le 10 mars 2000 — Annie Coppermann
[...] Andrei Serban est roumain d'origine, vit aux États-Unis, y a monté bon nombre de classiques, Eschyle, Shakespeare, Tchekhov, Brecht, aussi, met également en scène des opéras, des deux côtés de l'Atlantique (en France, " la Flûte enchantée ", mais surtout, à l'Opéra, " les Puritains ", " les Indes galantes " et, reprise actuellement à Garnier, " l'Italienne à Alger "). Il aborde pour la première fois en leur maison les Comédiens-Français... et la rencontre est particulièrement vivifiante. Elle donne un " Avare " allègre, où le personnage vedette, ce qui est rare, n'écrase pas les autres, où les jeunes gens existent et ont des accents d'aujourd'hui, où l'on rit, de bon cœur...[...]

Le Figaro, le 10 mars 2000 — Frédéric Ferney
[...] Le metteur en scène Andrei Serban excelle à traduire ce mélange. Avec une santé presque brechtienne, avec les moyens les plus simples, il retrouve la vérité robuste et outrée du fabliau sous les costumes modernes en exigeant des comédiens un dessin clair, en obtenant d'eux une impeccable et joyeuse lisibilité. [...] Avec des paravents, des couleurs vives, Marielle Bancou, qui signe le décor et les costumes, contribue à simplifier la pièce, à la désaccoutrer de vains ornements. Un seul accessoire : le bâton ! Des yeux, des mains gantées, dans une vision surréaliste à la Max Ernst. Des portes qui s'ouvrent et se ferment mystérieusement comme dans un songe. Tout cela contribue à introduire dans la comédie cette note fantastique rappelant que Serban nous vient de l'Est. Il me semble surtout que ce Roumain de New York et de Boston obtient le meilleur des comédiens du Français : Muriel Mayette (Frosine) et Roland Bertin (Anselme) sont plus épanouis que jamais, avec une jouissante désinvolte envers tous les codes. Reste Gérard Giroudon, longtemps réduit aux emplois de second valet, et qui se voit offrir son premier grand rôle. [...] Vêtu d'un vieux pardessus élimé, progressivement dénudé par les outrages qu'il subit, Giroudon s'implique de toutes ses forces, avec ses muscles et ses nerfs. Une merveilleuse vitalité. Moins une âme égarée qu'un corps perdu, suant, brisé. C'est beau aussi.

Pariscope, le 22 mars 2000 — Arlette Frazier
Andrei Serban est né en Roumanie, il vit à New York et met en scène, pour la Comédie-Française, l'Avare de Molière, pièce qu'il connaît bien pour l'avoir monté il y a dix ans à Boston. La dernière mise en scène de l'Avare à la Comédie-Française remonte à 1969 ! Il était largement temps de revisiter les pièces majeures du répertoire et d'explorer d'autres manières de les aborder, comme le dit très justement Jean-Pierre Miquel, l'Administrateur de cette noble maison. Pas de décors clinquants, ni costumes ni mobilier d'époque, mais des murs coulissants et des paravents de couleur vive d'où sortent des grands yeux et des mains gantées de noir qui semblent poursuivre Harpagon, le maître des lieux. Les portes s'ouvrent et se ferment mystérieusement, dans ce décor surréaliste, signé Marielle Bancou, décor qui renferme Harpagon (Gérard Giroudon) dans son délire d'homme avide et malade de son argent. [...] Tous les comédiens sont épanouis, réjouissants et à l'unisson dans cette comédie de caractère, une des plus noires de Molière, traitée ici avec une belle vitalité.

Le Point, le 17 mars 2000 — Frédéric Ferney
C'est une comédie de mœurs et de caractères, l'une des plus cruelles qui soient avec des sursauts de farce, comme si Molière ne cessait de relier son art à la crudité de ses origines. Serban alterne le pathétique, le boufon, le romanesque avec une vitalité, une santé presque brechtienne ; ce Roumain de New York (et de Boston) ajoute une note fantastique qui inquiète la convention sans s'égarer à tout crin dans les frayeurs et les fumées. Il impose son regard sans fabriquer je ne sais quelle vision devant nous révéler une vérité radicale et insoupçonnée de l'œuvre. Il obtient surtout le meilleur des comédiens de la troupe : Muriel Mayette et Roland Bertin sont ruisselants de verve ; Florence Viala et Éric Génovèse ont du charme. Quant à Gérard Giroudon, il se dépense, il lutte comme un beau diable. On voit moins une âme égarée qu'un corps perdu, suant, brisé par la passion.

Télérama, le 22 mars 2000 — Fabienne Pascaud
[...] Magistralement orchestré à la Comédie-Française par Andrei Serban, jamais l'Avare de Molière n'apparaît pourtant comme une curiosité dépassée. Le metteur en scène roumain y donne à voir, à sentir les fragilités et les frustrations qui hantent et abîme l'avaricieux Harpagon. Jusqu'à la solitude, jusqu'au délire. Une démesure, une violence névrotiques qui sont inscrites dans le rôle, mais que Serban révèle admirablement dans un espace gris sobre et nu, où apparaissent par intermittence des toiles expressionnistes brutales, où se tendent par instants d'inquiétantes mains gantées de noir. Entre onirisme et réalisme, entre Kafka, Freud et Cocteau, la pièce se déroule ici dans toute son étrangeté. [...] Bien avant Marivaux, Molière démonte les liens pervers qui peuvent unir fric et sexe. Et Serban le sert à merveille, qui fait de l'entremetteuse Frosine (Muriel Mayette, irrésistible) une hallucinante mère maquerelle en robe léopard, de la douce Marianne, qui convoitent père et fils (Céline Samie, savoureuse) une pauvre Marilyne Monroe. Le metteur en scène met en lumière les non-dits du texte. Sans les appuyer. Sous sa direction, le couple Élise-Valère, d'ordinaire si mièvre, devient un curieux duo d'enfants solitaires et mal aimés ; le valet La Flèche, un rebelle qui cherche déjà à se venger de son patron ; maître Jacques, un domestique masochiste ; et l'ami Anselme, qui débrouille miraculeusement l'intrigue (et que compose formidablement Roland Bertin), un vieillard désabusé que n'enchante guère la perspective de retrouver sa vieille épouse et ses deux grands enfants. Dans leurs costumes mêlant drôlement – comme Molière – l'ancien et le moderne, les comédiens du Français rivalisent d'insolence et de maîtrise, d'ironie contrôlée et d'émotion vraie. Un exercice virtuose qui dévoile la pièce sous un autre jour, en rend l'opacité et la lumière, avec toutes les nuances possibles du clair-obscur. Et si c'était un cauchemar que vivait Harpagon ? Et si cette lente et terrible dépossession de soi n'était qu'un mauvais rêve qui se termine dans l'absurde comme tous les mauvais rêves ? Serban sait l'art subtil de mettre le spectateur en déséquilibre, tel Harpagon, de le faire douter, donc penser. On n'en a plus si souvent l'habitude.

Le Journal du Dimanche, le 26 mars 2000 — Patrice Trapier
Réputé pour ses mises en scène de tragédies grecques et d'opéras, le Roumain Andrei Serban revient à Paris après vingt ans d'absence. Très attendue, sa création de l'Avare est une grande réussite. Nourri de Brecht, de Beckett, de Dario Fo, son regard moderne, son parti pris parodique renouent avec la veine originelle de la pièce, entre comique et tragédie. Un théâtre de caractère que des costumes " années trente ", un décor de paravents animés aident à retrouver. Les acteurs sont portés par une énergie tourbillonnante. Gérard Giroudon compose un remarquable Harpagon gouailleur, maquignon odieux et pathétique qu'une folle passion dévore jusqu'à le projeter dans les entrailles de la scène. Cet Avare est une farce autant qu'une fable poussée jusqu'à l'absurde. 

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