Au commencement était le verbe.
Au commencement était le verbe, puis vint l’homme.
Cet homme, comment s’appelle-t-il ? Que fait-il ? Qu’importe. L’essentiel seul importe : qu’il soit Homme.
Fils bien-aimé, bien élevé n’ayant pas résisté à la dévorante tentation d’être celui qu’il devait être, un homme franchissant allègrement les limites de la bienséance, et récidiviste avec ça !
Lorsque Georges Homsy m’a proposé de lire l’histoire de cet homme, de cet homme qui monte sur scène, je me suis interrogée sur ce que pouvait receler ce titre énigmatique.
Que pouvait avoir à dire cet homme qui monte sur scène ? Allait-il évoquer de façon détournée le quotidien d’une jeunesse urbaine ? Allait-il s’aventurer sur l’explication détaillée –plus ou moins drôle- de ce que signifierait le fait d’embrasser la scène ?
Tout naturellement, donc, je me suis mise à imaginer un texte sur la condition de « l’être comédien » aujourd’hui. Un état des lieux de l’artiste, en quelque sorte.
A la lecture, très vite pourtant une évidence s’est imposée, ne laissant aucun doute possible : celui qui prenait la parole était un homme étrange, sans volonté particulière de plaire (bien au contraire !), « celui qu’on croise et qu’on ne regarde pas », avec une ambition avouée dès le départ : « être lui- même » et le clamer haut et fort sur une scène !
Homme-miroir, miroir déformant -mais miroir quand même- cet homme taille à grands coups de canif le portrait d’une société moutonnière, préoccupée par une unique aspiration : se conformer à une norme sociale indétrônable et qu’on craindrait de bousculer.
Cet homme, comment s’appelle-t-il ? Arnold, Aurélien, Sébastien ? Qu’importe ! Que fait-il ? Chercheur, éboueur, directeur ? Qu’importe ! L’essentiel seul importe : qu’il soit homme !
Fils bien-aimé, bien élevé n’ayant pas résisté à la dévorante tentation d’être celui qu’il devait être, un homme franchissant allègrement les limites de la bienséance, et récidiviste avec ça !
Dans la mise en scène qui m’était confiée, il me semblait primordial de rendre à l’écoute -et de la façon la plus évidente- la parole d’un homme qui assume son étrangeté, qui la revendique, et même qui la cultive !
Ne surtout pas en faire un homme repenti, mais garder chez lui son inquiétante singularité, singularité accentuée par le rythme effréné des tableaux, tout au long de son parcours.
Puis, la nécessité de donner vie par l’acteur aux personnages qui ont façonné l’homme. Faire de ses fantômes obsédants une galerie de personnages bien vivants en conversation constante avec l’homme. Son professeur de musique, son grand amour, sa mère, son médecin, personnages que nous avons souhaité enclavés, figés dans leurs univers respectifs.
Présences lancinantes lui crachant au visage son impossible appartenance à la société du grand nombre, brandissant sous ses yeux « son intolérable différence ». Mais au fond, ces donneurs de leçon ne sont-ils pas eux-mêmes inquiétants, étranges et différents ?
Et si L’homme qui monte sur scène était l’hymne flamboyant d’une union fraternelle formée par tous les hommes, dans leur flagrante diversité ?
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